- mimilouNiveau 10
Bonjour à tous !
Je souhaite consacrer une courte séquence cette année sur la poésie autour de l'enfance et l'adolescence, pour faire le lien avec celle sur l'autobiographie, axée sur le même thème. Mais je butte sur des idées de textes : je n'en trouve pas beaucoup en fait. Je pense à "Je suis venu, calme orphelin" de Verlaine ; "Vieille chanson du jeune temps", de Hugo ; une chanson de Tachan, "L'adolescence" ; "Ma bohème", de Rimbaud. Mais c'est tout ; et je suis sûre de passer à côté de choses évidentes. Vous auriez des idées ?!
Je souhaite consacrer une courte séquence cette année sur la poésie autour de l'enfance et l'adolescence, pour faire le lien avec celle sur l'autobiographie, axée sur le même thème. Mais je butte sur des idées de textes : je n'en trouve pas beaucoup en fait. Je pense à "Je suis venu, calme orphelin" de Verlaine ; "Vieille chanson du jeune temps", de Hugo ; une chanson de Tachan, "L'adolescence" ; "Ma bohème", de Rimbaud. Mais c'est tout ; et je suis sûre de passer à côté de choses évidentes. Vous auriez des idées ?!
- KikiHabitué du forum
Queneau quand il raconte son enfance mais je me rappelle plus du titre. Chêne et chien ?
Banville Querelle (dédicacé à sa mère). Il raconte un peu son enfance.
Aux feuillantines de Victor Hugo. Mais ils risquent de les avoir déjà lus: je les fais en 6e.
Banville Querelle (dédicacé à sa mère). Il raconte un peu son enfance.
Aux feuillantines de Victor Hugo. Mais ils risquent de les avoir déjà lus: je les fais en 6e.
- bellaciaoFidèle du forum
Je choisirais plutôt "On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans" de Rimbaud. Et "Vieille chanson du jeune temps" de Victor Hugo.
Je ne songeais pas à Rose;
Rose au bois vint avec moi;
Nous parlions de quelque chose,
Mais je ne sais plus de quoi.
J'étais froid comme les marbres;
Je marchais à pas distraits;
Je parlais des fleurs, des arbres;
Son oeil semblait dire: -Après?-
La rosée offrait ses perles,
Les taillis ses parasols;
J'allais; j'écoutais les merles,
Et Rose les rossignols.
Moi, seize ans, et l'air morose;
Elle vingt; ses yeux brillaient.
Les rossignols chantaient Rose
Et les merles me sifflaient.
Rose, droite sur ses hanches,
Leva son beau bras tremblant
Pour prendre une mûre aux branches;
Je ne vis pas son bras blanc.
Une eau courait, fraîche et creuse
Sur les mousses de velours;
Et la nature amoureuse
Dormait dans les grands bois sourds.
Rose défit sa chaussure,
Et mit, d'un air ingénu,
Son petit pied dans l'eau pure;
Je ne vis pas son pied nu.
Je ne savais que lui dire;
Je la suivais dans le bois,
La voyant parfois sourire
Et soupirer quelquefois.
Je ne vis qu'elle était belle
Qu'en sortant des grands bois sourds.
«Soit; n'y pensons plus!» dit-elle.
Depuis, j'y pense toujours.
Paris, juin 1831.
Vieille chanson du jeune temps
Je ne songeais pas à Rose;
Rose au bois vint avec moi;
Nous parlions de quelque chose,
Mais je ne sais plus de quoi.
J'étais froid comme les marbres;
Je marchais à pas distraits;
Je parlais des fleurs, des arbres;
Son oeil semblait dire: -Après?-
La rosée offrait ses perles,
Les taillis ses parasols;
J'allais; j'écoutais les merles,
Et Rose les rossignols.
Moi, seize ans, et l'air morose;
Elle vingt; ses yeux brillaient.
Les rossignols chantaient Rose
Et les merles me sifflaient.
Rose, droite sur ses hanches,
Leva son beau bras tremblant
Pour prendre une mûre aux branches;
Je ne vis pas son bras blanc.
Une eau courait, fraîche et creuse
Sur les mousses de velours;
Et la nature amoureuse
Dormait dans les grands bois sourds.
Rose défit sa chaussure,
Et mit, d'un air ingénu,
Son petit pied dans l'eau pure;
Je ne vis pas son pied nu.
Je ne savais que lui dire;
Je la suivais dans le bois,
La voyant parfois sourire
Et soupirer quelquefois.
Je ne vis qu'elle était belle
Qu'en sortant des grands bois sourds.
«Soit; n'y pensons plus!» dit-elle.
Depuis, j'y pense toujours.
Paris, juin 1831.
- JaneMonarque
Ah oui Vieille chanson du jeune temps a toujours beaucoup de succès !
- VioletEmpereur
bellaciao a écrit:Je choisirais plutôt "On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans" de Rimbaud. Et "Vieille chanson du jeune temps" de Victor Hugo.Vieille chanson du jeune temps
C'est "Roman".
- bellaciaoFidèle du forum
Violet a écrit:bellaciao a écrit:Je choisirais plutôt "On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans" de Rimbaud. Et "Vieille chanson du jeune temps" de Victor Hugo.Vieille chanson du jeune temps
C'est "Roman".
Oui, je crois avoir cité le premier vers, si ma mémoire ne m'abuse pas.
- VioletEmpereur
Oui, c'est ça !
- mrs.BURNSNiveau 5
J'ai deux idées : "La prose du Transibérien" de Cendrars et "Sensation" de Rimbaud. .. pas très original !
- SergeMédiateur
Quinze ans
Quinze ans, déjà on quitte un peu l’enfance,
Ou, du moins, on le croit !...
On se prend pour « quelqu’un ».
On aime critiquer, s’opposer à outrance.
On veut tout démolir et créer à la fois.
On aime furieusement,
Sans nuance, sans remords,
Puis tout à coup, on n’aime plus.
On regrette de vivre et on souhaite la mort.
On sombre alors dans un grand abattement.
On se sent seul, incompris ;
Et on a mal.
On rêve d’évasion, de bonheur vite gagné,
D’îles merveilleuses où l’on vit sans soucis.
On ne parle à personne, on boude et on se plaint.
C’est l’âge des tourments.
Mais voilà qu’un beau matin,
On se rend compte enfin
Que l’on ne connaît rien !…
Alors on balaie les tourments,
Et, bien vite, on se prépare à devenir grand
En abandonnant ses quinze ans…
CATHERINE, « Quinze ans », tiré de Adolescence en poésie, Éditions Gallimard
En plus classique, Baudelaire (mais pas entièrement axé sur ce thème)
L'Ennemi
Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
Traversé çà et là par de brillants soleils;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
5 Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
10 Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur?
— O douleur! ô douleur! Le Temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie!
Quinze ans, déjà on quitte un peu l’enfance,
Ou, du moins, on le croit !...
On se prend pour « quelqu’un ».
On aime critiquer, s’opposer à outrance.
On veut tout démolir et créer à la fois.
On aime furieusement,
Sans nuance, sans remords,
Puis tout à coup, on n’aime plus.
On regrette de vivre et on souhaite la mort.
On sombre alors dans un grand abattement.
On se sent seul, incompris ;
Et on a mal.
On rêve d’évasion, de bonheur vite gagné,
D’îles merveilleuses où l’on vit sans soucis.
On ne parle à personne, on boude et on se plaint.
C’est l’âge des tourments.
Mais voilà qu’un beau matin,
On se rend compte enfin
Que l’on ne connaît rien !…
Alors on balaie les tourments,
Et, bien vite, on se prépare à devenir grand
En abandonnant ses quinze ans…
CATHERINE, « Quinze ans », tiré de Adolescence en poésie, Éditions Gallimard
En plus classique, Baudelaire (mais pas entièrement axé sur ce thème)
L'Ennemi
Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
Traversé çà et là par de brillants soleils;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
5 Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
10 Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur?
— O douleur! ô douleur! Le Temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie!
- mimilouNiveau 10
Rimbaud mais oui, évidemment ! Quand je vous disais que j'étais sûre de passer à côté de quelque chose d'évident.bellaciao a écrit:Je choisirais plutôt "On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans" de Rimbaud. Et "Vieille chanson du jeune temps" de Victor Hugo.
Quant à Hugo, oui, je l'avais cité dans mon premier message ; je l'ai fait cette année déjà, et c'est vraiment bien passé auprès des élèves, ça leur parle. J'avais même été surprise de les voir aussi intéressés par la poésie.
Merci aux autres ! Je vais aller potasser tout ça, beaucoup de choses que je ne connais pas ou dont je ne me souviens pas.
- SergeMédiateur
"CHEMIN DE MON ENFANCE"
Comme des cathédrales aux voûtes enfeuillées
Les forêts de mon enfance, gravées dans ma mémoire,
Ont des chemins secrets d’ombres embroussaillées
Des senteurs de bruyère mêlées d’épines noires.
De doux tapis moelleux de feuilles et de mousse
Jonchés de glands de chênes et de vesses de loup
Où l'on y trouvait parfois des chanterelles rousses
Et des bolets ventrus qu’on ramenait chez nous.
Près du lavoir blotti au pied du petit pont
Nous avancions pieds nus dans une eau glacée,
Plus cernés de libellules que de poissons,
Nos cris et nos fous rires nous avaient devancés.
La vie battait si fort dans le sang de nos veines
Qu’on ne ressentait guère la misère latente,
Et même si notre assiette n’était pas toujours pleine,
Nous gardions dans l'avenir une confiance ardente.
Janine Laval
Comme des cathédrales aux voûtes enfeuillées
Les forêts de mon enfance, gravées dans ma mémoire,
Ont des chemins secrets d’ombres embroussaillées
Des senteurs de bruyère mêlées d’épines noires.
De doux tapis moelleux de feuilles et de mousse
Jonchés de glands de chênes et de vesses de loup
Où l'on y trouvait parfois des chanterelles rousses
Et des bolets ventrus qu’on ramenait chez nous.
Près du lavoir blotti au pied du petit pont
Nous avancions pieds nus dans une eau glacée,
Plus cernés de libellules que de poissons,
Nos cris et nos fous rires nous avaient devancés.
La vie battait si fort dans le sang de nos veines
Qu’on ne ressentait guère la misère latente,
Et même si notre assiette n’était pas toujours pleine,
Nous gardions dans l'avenir une confiance ardente.
Janine Laval
- SergeMédiateur
Blaise Cendrars, La prose du Transsibérien (1913) :
En ce temps-là...
En ce temps-là, j'étais en mon adolescence
J'avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de mon enfance
J'étais à 16.000 lieues du lieu de ma naissance
J'étais à Moscou dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares
Et je n'avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours
Car mon adolescence était si ardente et si folle
Que mon coeur tour à tour brûlait comme le temple d'Ephèse ou comme la Place Rouge de
Moscou quand le soleil se couche.
Et mes yeux éclairaient des voies anciennes.
Et j'étais déjà si mauvais poète
Que je ne savais pas aller jusqu'au bout.
Le Kremlin était comme un immense gâteau tartare croustillé d'or,
Avec les grandes amandes des cathédrales, toutes blanches
Et l'or mielleux des cloches...
Un vieux moine me lisait la légende de Novgorode
J'avais soif
Et je déchiffrais des caractères cunéiformes
Puis, tout à coup, les pigeons du Saint-Esprit s'envolaient sur la place
Et mes mains s'envolaient aussi avec des bruissements d'albatros
Et ceci, c'était les dernières réminiscences
Du dernier jour
Du tout dernier voyage
Et de la mer.
En ce temps-là...
En ce temps-là, j'étais en mon adolescence
J'avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de mon enfance
J'étais à 16.000 lieues du lieu de ma naissance
J'étais à Moscou dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares
Et je n'avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours
Car mon adolescence était si ardente et si folle
Que mon coeur tour à tour brûlait comme le temple d'Ephèse ou comme la Place Rouge de
Moscou quand le soleil se couche.
Et mes yeux éclairaient des voies anciennes.
Et j'étais déjà si mauvais poète
Que je ne savais pas aller jusqu'au bout.
Le Kremlin était comme un immense gâteau tartare croustillé d'or,
Avec les grandes amandes des cathédrales, toutes blanches
Et l'or mielleux des cloches...
Un vieux moine me lisait la légende de Novgorode
J'avais soif
Et je déchiffrais des caractères cunéiformes
Puis, tout à coup, les pigeons du Saint-Esprit s'envolaient sur la place
Et mes mains s'envolaient aussi avec des bruissements d'albatros
Et ceci, c'était les dernières réminiscences
Du dernier jour
Du tout dernier voyage
Et de la mer.
- bellaciaoFidèle du forum
mimilou a écrit:Rimbaud mais oui, évidemment ! Quand je vous disais que j'étais sûre de passer à côté de quelque chose d'évident. Quant à Hugo, oui, je l'avais cité dans mon premier message ; je l'ai fait cette année déjà, et c'est vraiment bien passé auprès des élèves, ça leur parle. J'avais même été surprise de les voir aussi intéressés par la poésie.bellaciao a écrit:Je choisirais plutôt "On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans" de Rimbaud. Et "Vieille chanson du jeune temps" de Victor Hugo.
Merci aux autres ! Je vais aller potasser tout ça, beaucoup de choses que je ne connais pas ou dont je ne me souviens pas.
Mais non, tu n'es pas passée à côté ! Tu as évoqué "Ma bohême", je voulais juste te dire que "Roman" me paraissait davantage parler de l'adolescence.
Quant à Hugo, j'ai cru comprendre que tu parlais du poème "Aux Feuillantines"...
- pavotNiveau 9
Je pense à "l'année de l'éveil" de Charles Juliet.
- mimilouNiveau 10
Merci à tous, et surtout à Serge, qui m'évite même d'aller chercher tout ça !!
- retraitéeDoyen
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Victor HUGO (1802-1885)
Lise
J'avais douze ans ; elle en avait bien seize.
Elle était grande, et, moi, j'étais petit.
Pour lui parler le soir plus à mon aise,
Moi, j'attendais que sa mère sortît ;
Puis je venais m'asseoir près de sa chaise
Pour lui parler le soir plus à mon aise.
Que de printemps passés avec leurs fleurs !
Que de feux morts, et que de tombes closes !
Se souvient-on qu'il fut jadis des coeurs ?
Se souvient-on qu'il fut jadis des roses ?
Elle m'aimait. Je l'aimais. Nous étions
Deux purs enfants, deux parfums, deux rayons.
Dieu l'avait faite ange, fée et princesse.
Comme elle était bien plus grande que moi,
Je lui faisais des questions sans cesse
Pour le plaisir de lui dire : Pourquoi ?
Et par moments elle évitait, craintive,
Mon oeil rêveur qui la rendait pensive.
Puis j'étalais mon savoir enfantin,
Mes jeux, la balle et la toupie agile ;
J'étais tout fier d'apprendre le latin ;
Je lui montrais mon Phèdre et mon Virgile ;
Je bravais tout; rien ne me faisait mal ;
Je lui disais : Mon père est général.
Quoiqu'on soit femme, il faut parfois qu'on lise
Dans le latin, qu'on épelle en rêvant ;
Pour lui traduire un verset, à l'église,
Je me penchais sur son livre souvent.
Un ange ouvrait sur nous son aile blanche,
Quand nous étions à vêpres le dimanche.
Elle disait de moi : C'est un enfant !
Je l'appelais mademoiselle Lise.
Pour lui traduire un psaume, bien souvent,
Je me penchais sur son livre à l'église ;
Si bien qu'un jour, vous le vîtes, mon Dieu !
Sa joue en fleur toucha ma lèvre en feu.
Jeunes amours, si vite épanouies,
Vous êtes l'aube et le matin du coeur.
Charmez l'enfant, extases inouïes !
Et quand le soir vient avec la douleur,
Charmez encor nos âmes éblouies,
Jeunes amours, si vite épanouies!
Victor HUGO (1802-1885)
Lise
J'avais douze ans ; elle en avait bien seize.
Elle était grande, et, moi, j'étais petit.
Pour lui parler le soir plus à mon aise,
Moi, j'attendais que sa mère sortît ;
Puis je venais m'asseoir près de sa chaise
Pour lui parler le soir plus à mon aise.
Que de printemps passés avec leurs fleurs !
Que de feux morts, et que de tombes closes !
Se souvient-on qu'il fut jadis des coeurs ?
Se souvient-on qu'il fut jadis des roses ?
Elle m'aimait. Je l'aimais. Nous étions
Deux purs enfants, deux parfums, deux rayons.
Dieu l'avait faite ange, fée et princesse.
Comme elle était bien plus grande que moi,
Je lui faisais des questions sans cesse
Pour le plaisir de lui dire : Pourquoi ?
Et par moments elle évitait, craintive,
Mon oeil rêveur qui la rendait pensive.
Puis j'étalais mon savoir enfantin,
Mes jeux, la balle et la toupie agile ;
J'étais tout fier d'apprendre le latin ;
Je lui montrais mon Phèdre et mon Virgile ;
Je bravais tout; rien ne me faisait mal ;
Je lui disais : Mon père est général.
Quoiqu'on soit femme, il faut parfois qu'on lise
Dans le latin, qu'on épelle en rêvant ;
Pour lui traduire un verset, à l'église,
Je me penchais sur son livre souvent.
Un ange ouvrait sur nous son aile blanche,
Quand nous étions à vêpres le dimanche.
Elle disait de moi : C'est un enfant !
Je l'appelais mademoiselle Lise.
Pour lui traduire un psaume, bien souvent,
Je me penchais sur son livre à l'église ;
Si bien qu'un jour, vous le vîtes, mon Dieu !
Sa joue en fleur toucha ma lèvre en feu.
Jeunes amours, si vite épanouies,
Vous êtes l'aube et le matin du coeur.
Charmez l'enfant, extases inouïes !
Et quand le soir vient avec la douleur,
Charmez encor nos âmes éblouies,
Jeunes amours, si vite épanouies!
- retraitéeDoyen
Les poèmes
Victor HUGO (1802-1885)
(Recueil : L'art d'être grand-père)
Pepita
Comme elle avait la résille,
D'abord la rime hésita.
Ce devait être Inésille... -
Mais non, c'était Pepita.
Seize ans. Belle et grande fille... -
(Ici la rime insista :
Rimeur, c'était Inésille.
Rime, c'était Pepita.)
Pepita... - Je me rappelle !
Oh ! le doux passé vainqueur,
Tout le passé, pêle-mêle
Revient à flots dans mon coeur ;
Mer, ton flux roule et rapporte
Les varechs et les galets.
Mon père avait une escorte ;
Nous habitions un palais ;
Dans cette Espagne que j'aime,
Au point du jour, au printemps,
Quand je n'existais pas même,
Pepita - j'avais huit ans -
Me disait : - Fils, je me nomme
Pepa ; mon père est marquis. -
Moi, je me croyais un homme,
Etant en pays conquis.
Dans sa résille de soie
Pepa mettait des doublons ;
De la flamme et de la joie
Sortaient de ses cheveux blonds.
Tout cela, jupe de moire,
Veste de toréador,
Velours bleu, dentelle noire,
Dansait dans un rayon d'or.
Et c'était presque une femme
Que Pepita mes amours.
L'indolente avait mon âme
Sous son coude de velours.
Je palpitais dans sa chambre
Comme un nid près du faucon,
Elle avait un collier d'ambre,
Un rosier sur son balcon.
Tous les jours un vieux qui pleure
Venait demander un sou ;
Un dragon à la même heure
Arrivait je ne sais d'où.
Il piaffait sous la croisée,
Tandis que le vieux râlait
De sa vieille voix brisée :
La charité, s'il vous plaît !
Et la belle au collier jaune,
Se penchant sur son rosier,
Faisait au pauvre l'aumône
Pour la faire à l'officier.
L'un plus fier, l'autre moins sombre,
Ils partaient, le vieux hagard
Emportant un sou dans l'ombre,
Et le dragon un regard.
J'étais près de la fenêtre,
Tremblant, trop petit pour voir,
Amoureux sans m'y connaître,
Et bête sans le savoir.
Elle disait avec charme :
Marions-nous ! choisissant
Pour amoureux le gendarme
Et pour mari l'innocent.
Je disais quelque sottise ;
Pepa répondait : Plus bas !
M'éteignant comme on attise ;
Et, pendant ces doux ébats,
Les soldats buvaient des pintes
Et jouaient au domino
Dans les grandes chambres peintes
Du palais Masserano.
Victor HUGO (1802-1885)
(Recueil : L'art d'être grand-père)
Pepita
Comme elle avait la résille,
D'abord la rime hésita.
Ce devait être Inésille... -
Mais non, c'était Pepita.
Seize ans. Belle et grande fille... -
(Ici la rime insista :
Rimeur, c'était Inésille.
Rime, c'était Pepita.)
Pepita... - Je me rappelle !
Oh ! le doux passé vainqueur,
Tout le passé, pêle-mêle
Revient à flots dans mon coeur ;
Mer, ton flux roule et rapporte
Les varechs et les galets.
Mon père avait une escorte ;
Nous habitions un palais ;
Dans cette Espagne que j'aime,
Au point du jour, au printemps,
Quand je n'existais pas même,
Pepita - j'avais huit ans -
Me disait : - Fils, je me nomme
Pepa ; mon père est marquis. -
Moi, je me croyais un homme,
Etant en pays conquis.
Dans sa résille de soie
Pepa mettait des doublons ;
De la flamme et de la joie
Sortaient de ses cheveux blonds.
Tout cela, jupe de moire,
Veste de toréador,
Velours bleu, dentelle noire,
Dansait dans un rayon d'or.
Et c'était presque une femme
Que Pepita mes amours.
L'indolente avait mon âme
Sous son coude de velours.
Je palpitais dans sa chambre
Comme un nid près du faucon,
Elle avait un collier d'ambre,
Un rosier sur son balcon.
Tous les jours un vieux qui pleure
Venait demander un sou ;
Un dragon à la même heure
Arrivait je ne sais d'où.
Il piaffait sous la croisée,
Tandis que le vieux râlait
De sa vieille voix brisée :
La charité, s'il vous plaît !
Et la belle au collier jaune,
Se penchant sur son rosier,
Faisait au pauvre l'aumône
Pour la faire à l'officier.
L'un plus fier, l'autre moins sombre,
Ils partaient, le vieux hagard
Emportant un sou dans l'ombre,
Et le dragon un regard.
J'étais près de la fenêtre,
Tremblant, trop petit pour voir,
Amoureux sans m'y connaître,
Et bête sans le savoir.
Elle disait avec charme :
Marions-nous ! choisissant
Pour amoureux le gendarme
Et pour mari l'innocent.
Je disais quelque sottise ;
Pepa répondait : Plus bas !
M'éteignant comme on attise ;
Et, pendant ces doux ébats,
Les soldats buvaient des pintes
Et jouaient au domino
Dans les grandes chambres peintes
Du palais Masserano.
- JohnMédiateur
J'avais acheté cela, c'est assez varié : http://www.enseignants-flammarion.fr/Albums_Detail.cfm?Id=16657
_________________
En achetant des articles au lien ci-dessous, vous nous aidez, sans frais, à gérer le forum. Merci !
"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
- mimilouNiveau 10
Je viens juste de voir John... Merci ! Je l'avais acheté, il est assez complet et intéressant (mais pas beaucoup de poèmes en fait).
- saocaeNiveau 7
Pour rester dans Rimbaud, tu as aussi "Les effarés". Chez Hugo, pourquoi pas "Mélancholia" ?
J'avais fait cette thème une année, avec des 4è, et cela avait très bien fonctionné. J'avais repris le poème cité par Serge, "Quinze ans", "Ma bohème" de Rimbaud, "Les effarés" et "Mélancholia". J'avais ajouté un groupement de textes de Prévert. J'avais trouvé cette étude des poèmes de Prévert dans un exemplaire de l'école des lettres. je n'ai plus les titres en tête, mais si cela t'intéresse je peux rechercher.
J'avais fait cette thème une année, avec des 4è, et cela avait très bien fonctionné. J'avais repris le poème cité par Serge, "Quinze ans", "Ma bohème" de Rimbaud, "Les effarés" et "Mélancholia". J'avais ajouté un groupement de textes de Prévert. J'avais trouvé cette étude des poèmes de Prévert dans un exemplaire de l'école des lettres. je n'ai plus les titres en tête, mais si cela t'intéresse je peux rechercher.
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