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Hamlette
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Qui a déjà assisté à un spectacle de la compagnie SARA VEYRON, Théâtre du Chaos ? Empty Qui a déjà assisté à un spectacle de la compagnie SARA VEYRON, Théâtre du Chaos ?

par Hamlette Jeu 21 Jan 2010 - 15:24
J'ai trouvé la semaine dernière dans mon casier une lettre de l'administration qui m'informait que j'allais accompagner mes élèves de première à une représentation de théâtre interactif sur le thème de la prévention du suicide chez les adolescents. Qui a déjà travaillé sur une représentation de la compagnie susnommée ?

J'avoue que je suis, pour l'instant, très dubitative. Après quelques recherches sur le net, j'ai pu lire que cette compagnie avait choisi le théâtre interactif (en gros, une représentation avec un débat après...) pour mettre en lien le théâtre et la société contemporaine, et pour ne pas que le spectateur reste passif. Les thèmes sont donc volontairement très "encrés" (c'est l'orthographe choisie, enfin, je ne suis pas sûre qu'elle soit choisie...) dans le monde contemporain ; ainsi, ils ont une pièce sur la prévention du suicide, une pièce sur la prévention de l'alcoolisme, une pièce sur la prévention des accidents domestiques chez les personnes âgées (si si, ça s'appelle "les pieds dans le tapis"). La pièce sur le suicide met en scène une lycéenne qui veut avoir son bac, qui refuse d'aller à une soirée donnée par ses potes, qui se fait traiter de lâcheuse par ses potes etc etc.

Bon, c'est bien de parler et de faire parler du suicide hein. J'ai juste peur qu'on mélange tout ; déjà le professeur principal croyait que cette sortie était à mon initiative, professeur de français que je suis. Mais moi ça me pose problème qu'on oppose un théâtre interactif en phase avec le monde d'aujourd'hui avec la littérature "poussiéreuse" que je m'efforce de transmettre, un peu. Moi qui essaie de leur faire sentir, sans prendre de trop gros sabots, que même une oeuvre des siècles passés leur parle d'eux, d'aujourd'hui, je vais avoir l'air de quoi moi avec cette pièce "interactive" ? Je ne veux pas du tout jouer les vieilles peaux, et loin de moi l'idée de rejeter le théâtre contemporain, mais là, je ne sais pas, j'ai peur...

Enfin bon, disons que je tenterai de rebondir en les faisant réfléchir sur cette interaction scène/spectateur qui peut avoir lieu autrement...
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Hamlette
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Qui a déjà assisté à un spectacle de la compagnie SARA VEYRON, Théâtre du Chaos ? Empty Re: Qui a déjà assisté à un spectacle de la compagnie SARA VEYRON, Théâtre du Chaos ?

par Hamlette Mer 27 Jan 2010 - 19:13
Bon, eh bien je vais me répondre moi-même !

L'intervention était géniale, je suis en admiration devant le travail de la metteur en scène/médiatrice - qui a suivi aussi une formation en psychologie. Je pense sincèrement que ce fut bénéfique pour pas mal d'élèves. Si vous avez l'occasion de bosser avec cette troupe, foncez.

Effectivement, en tant qu'objet artistique, la pièce ne valait rien, mais ce n'était pas le but, et nous avons évoqué cette distinction avec les élèves.
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Sara Veyron
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Qui a déjà assisté à un spectacle de la compagnie SARA VEYRON, Théâtre du Chaos ? Empty Théâtre contemporain et théâtre Interactif par le Théâtre du Chaos/Compagnie Sara Veyron

par Sara Veyron Jeu 24 Fév 2011 - 18:54
Merci à "Hamlette" d'avoir découvert la coquille laissée par notre web master qui ne sait plus recopier. Si jamais vous découvriez une autre faute, nous vous remercions de nous la signaler. Nous ne sommes pas des grammairiens et l'erreur est humaine. L'important c'est de savoir le reconnaître.
Je viens seulement de découvrir cet article qui m'a vivement intéressée, de par son ton à la fois passionné et initialement inquiet. Le premier article souligne combien vous êtes attentive à ce qui est présenté à vos élèves et cela vous honore.
Lors de la création du Théâtre du Chaos et de la compagnie Sara Veyron, je souhaitais que le talent des artistes puissent être mis au service non seulement de l'art théâtral et mais aussi de la société.
Lorsque vous avez le plaisir d'étudier Aristophane, Euripide ou Sophocle, dans leur version originale ou sur différentes traductions, il est étonnant de s'imaginer la relation entre les spectateurs et la scène, ces auteurs ayant eu la chance d’être joués en leur temps, si bien que leurs œuvres sont parvenues jusqu’à nous. Si on tente de recontextualiser la pièce dans son temps, que les historiens et les auteurs nous dépeignent, l'étude dramaturgique et la psychologie des personnages renforcent les fonctions cathartiques du théâtre sur les spectateurs (A l'époque le théâtre aurait-il été remboursé par la sécurité sociale ! Wink ). Si le théâtre a plusieurs millénaires, cette fonction cathartique s'est réduite dans le temps, jusqu'à devenir de nos jours la part congrue de l'acte théâtral.
Lorsque la compagnie naît de ma rencontre avec Georges de Cagliari, auteur dramatique et poète, le choix de mettre en lien le théâtre et la société contemporaine s’est imposé.
C’est aussi celui de défendre un théâtre contemporain, c’est à dire non seulement d’un auteur vivant, mais aussi d’un poète qui, de par sa sensibilité au monde et sa compréhension, jette un regard qu’il est capable de retranscrire en mots et intégrer à une dramaturgie qui ne laisse jamais indifférent.
Je ne doute pas que le théâtre classique que je ne qualifierai jamais de poussiéreux (tout dépend toujours de la façon de l’aborder et de le jouer…) puisse interpeller sur des sujets universels, mais ce ne sera toujours qu’une ré interprétation.
Il est important de savoir qu’à l’heure actuelle, malgré les activités des Auteurs Associés au Théâtre dont le siège est au Théâtre du Rond-Point, les auteurs dramatiques vivant de leur écriture et pouvant se permettre de ne faire qu’écrire sans avoir à chercher un travail alimentaire chronophage les éloignant de leur vocation se comptent quasiment sur les doigts des deux mains.
Il n’est pas contradictoire d’aimer le théâtre d’auteurs qui ne sont plus, et de vouloir représenter un auteur vivant. Par contre, il est capital que vous notiez effectivement la différence entre ce que nous nommons Théâtre Contemporain et Théâtre Interactif. Si le premier emprunte les outils et les inspirations de la littérature aux développement dramaturgiques, le second est une sorte d’instrumentalisation du Théâtre, où chacun dans son métier réalise un exercice de style en se prêtant aux contraintes de la forme. Si le Théâtre–Forum avait largement permis de partager l’espace sacré de la scène avec le spect’acteur, la forme souvent improvisée était d’un piètre niveau, sans aucune écriture. Je vous engage à faire quelques expériences en la matière pour être aussi atterrée que je l’étais. C’est pourquoi, j’ai demandé à un auteur d’écrire pour cette forme sur commande.
Le répertoire de nos pièces interactives s’est constitué autour d'un groupe de personnalités du monde de l'éducation, de la culture et de la santé. Nous partions du constat que bien que la technologie développe de plus en plus les modes de communication, la parole et l’échange se font de plus en plus rares. Le théâtre Interactif recréé ce lien.
Le théâtre-forum allait donc évoluer vers le Théâtre Interactif avec ses nouvelles exigences : un écrivain, un metteur-en-scène, des comédiens et comédiennes tous professionnels. L’auteur s’attache à l’écriture de la pièce à partir d’un cahier des charges très précis fondé sur des études et des entretiens pour chacun des sujets abordés.
Les artistes sont sélectionnés rigoureusement pour leurs qualités d’interprétation, de concentration, d’écoute, d’improvisation et d’adaptation à cette forme nouvelle qui exige également d’eux un jeu très réaliste et d’une véracité à toute épreuve, car le public d’adolescents ne fait aucun compromis. Il n’aime ou il n’aime pas et sait le faire savoir . La médiatrice qui anime le débat théâtral est également formé au Théâtre Interactif à l’aide d’un programme de deux années. Vous comprendrez pourquoi la pièce que vous avez vu n’a rien à voir avec la littérature qui vous est familière.
Je laisse ici un extrait de la dernière scène de la pièce que vous avez vue, pour ceux qui ne l’ont pas vue.

« Michel - Alors pour toi si Muriel a fait une tentative de suicide, c'est qu'elle est folle ?

Patrice - J'en sais rien ! Tout ça me parait tellement invraisemblable, tellement disproportionné avec ce que je sais de ses problèmes, je n'arrive pas à comprendre ce qui l'a réellement poussée.

Michel - Parce que tu cherches l'événement, le drame épouvantable qui seul, à tes yeux pourrait expliquer son geste. Mais ça n'est pas toujours comme ça, loin de là. C'est souvent une peur qui s'insinue et qui grandit, un mal-être qui te chasse de ta place et qui peu à peu casse tous tes points d'ancrage, une image de toi-même qui devient de plus en plus floue à tel point que la seule solution soit de sauter dans l'inconnu pour casser le miroir.

Patrice - Mais c'est du délire !

Michel - Non, mon vieux, c'est de la souffrance, une souffrance qui te tient comme une main qui serre ta poitrine de plus en plus fort, une souffrance qui s'alimente de tout, du moindre événement, du regard ou du non-regard des autres, du mot, du geste qu'on attend et qui ne vient pas, une souffrance qui compare l'amour qu'on te porte, quel qu'il soit, avec l'autre amour, immense, inatteignable que tu attends et que tu n'auras pas parce qu'il est de l'ordre de l'absolu et que cet absolu se casse sur ta peur. Pour la plupart, les gens qui se suicident ne veulent pas mourir, ils veulent vivre, mais ils n'ont plus la recette. Leur geste est un tocsin pour que quelqu'un entende et leur lance le mode d'emploi.

Patrice - Tu m'enlèveras pas de l'idée que Muriel n'avait aucune raison de faire ça. Et si elle était si mal, elle aurait pu en parler clairement, à moi, à ses parents, ou à Fathia qui est sa meilleure amie.

Fathia - Je crois qu'elle a essayé. Mais j'ai fait comme toi, je n'ai pas voulu entendre.

Patrice - En admettant que tu dises vrai, elle était tellement agressive. Et qu'est-ce que j'aurais pu faire ? Elle parlait de mourir comme d'un droit, d'une ultime liberté. Après tout, elle a peut-être le droit de choisir.

Fathia - Non ! Quand on est dans un état pareil on ne choisit rien du tout, même si on le proclame haut et fort, non on souffre ! ON SOUFFRE ! ON SOUFFRE ! Et la souffrance ne laisse pas de place pour le choix. On veut seulement qu'elle s'arrête, on ne veut plus souffrir c'est tout. J'aurais dû la comprendre moi qui suis passée par là.

Michel - Toi ?

Patrice - ( en même temps que Michel ) Tu as essayé de...

Fathia - Oui ! A quinze ans.

Patrice - Qu'est-ce qui t'était arrivée pour te pousser...

Fathia - Tu vas être déçu, rien. A l'école primaire comme au collège ça marchait super bien pour moi. J'étais meilleure élève partout. Mes parents qui savent à peine lire étaient drôlement fiers de moi. Puis, un jour, j'ai commencé à me sentir mal partout, mal chez moi, dans la langue, les goûts, les traditions, et mal au collège ou en apparence j'étais si bien intégrée. Je ne travaillais plus, je ne comprenais plus rien et que ce soit chez moi ou au bahut, personne ne pouvait me parler. J'aurais mordu n'importe qui. Petit à petit, la souffrance est devenue énorme ; je ne pouvais pas en parler puisque je ne savais même pas ce que j'avais. Un jour, pendant un cours de math, je me suis demandée ce que je faisais là, je me sentais en trop, inutile pour toujours. Je suis rentrée chez moi et j'ai avalé une boîte de somnifères. C'est mon frère qui m'a sauvée. Pour me changer les idées, comme il disait, il m'a emmenée dans des groupes de quartiers. J'y ai appris le folklore, l'arabe, l'histoire de mes ancêtres. Je revivais. Maintenant, avec les années, je sais que deux parts importantes de moi s'étaient retrouvées. Bref ! Je me sens bien parmi les miens et mes relations avec tous les autres se sont améliorées. Mais j'aurais aussi bien pu ne pas être là pour vous le raconter. Voilà ! J'aurais dû comprendre Muriel mieux que toi, mieux que n'importe qui, mais j'ai eu sûrement peur de remuer tout ça et je n'ai rien voulu voir. »
(L’Effiloche – Sc6 , pièce interactive sur le suicide)

Je vous confirme qu’à chaque fois l’impact auprès des élèves est très fort, comme d’ailleurs vous l’avez remarqué auprès des vôtres. Les situations sont si justes qu’elles interpellent chacun, quelques soient nos origines ou milieu socioprofessionnel. Nous avons eu de grands moments d’émotions du public dans des situations de représentation très différentes : dans des établissements scolaires bien sûr, mais aussi en milieu carcéral devant des détenus ou des surveillants, devant des professionnels de la prévention lors de congrès internationaux… Nous étions la semaine dernière au Luxembourg pour la journée nationale contre le suicide sur invitation des ministres de l’éducation, de la santé et de la famille. L’émotion était plus que palpable dans la salle et les nombreux témoignages nous font chaque jour réaliser combien ce théâtre que l’on pourrait qualifier « d’utile » à sa place.
Pour finir, j’aimerai vous faire découvrir l’écriture de Georges de Cagliari dans son théâtre contemporain et dans sa poésie. Il est traduit en dix langues et des extraits de « Fin de terre » publiée aux éditions de la Musaraigne ont failli être intégrés aux programmes scolaires en 2005. J’ai eu le plaisir de la mettre en scène en 2004 et elle a été jouée près de 150 fois. Une traduction en allemand est actuellement à Berlin, et la traduction italienne cherche un producteur pour être représentée en Italie. Vous trouverez des informations sur la pièce sur le site : www.findeterre.fr (en cours de remaniement)
Cette pièce humaniste aborde les conséquences des changements climatiques sur le monde, d’un point de vue émotionnel, sociologique, économique et politique dans un huis-clos où chaque personnage se révèle par touches avec une profondeur et une intensité dramatique. Si vous aimez la poésie, je pense que sur internet, vous devriez glaner quelques écrits… Nous avons d’ailleurs présenté récemment « Speed dating » une tragi-comédie du même auteur pour 50 représentations au Théâtre du Petit Hébertot à Paris, faisant suite à trois mois de représentation au Zèbre de Belleville cet été.
Merci pour le regard que vous avez porté à notre travail.
Au plaisir d’un autre échange ou peut-être qui sait d’une prochaine rencontre ,
Sara Veyron

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