- InvitéInvité
Par Elsa Biguet | Professeur de Lettres classiques | 29/12/2010 | 10H54 | Rue 89
J'ai 25 ans, je suis professeur stagiaire de lettres classiques en lycée, fraîche émoulue de l'agrégation, dans un petit établissement où le grec a été supprimé à la rentrée mais où, par chance, le latin subsiste.
Le 18 décembre, Jacqueline de Romilly, helléniste et grande passionnée de l'Antiquité, est partie, mettant, une dernière fois peut-être, le grec sur le devant de la scène médiatique.
Mais qui parle de la disparition progressive et programmée des sections de grec et de latin dans les collèges et les lycées ?
Et madame Roselyne Bachelot, invitée d'un journal télévisé, de lui rendre hommage comme une grande dame qui enseignait « le vivre ensemble » (sic).
Le grec ancien comme alternative aux cours d'ECJS (enseignement civique, juridique et social), une voie à creuser dans la prochaine réforme du lycée, madame Bachelot…
Bref un éloge funèbre, un « logos epitaphios » dans les règles de l'art et à la mesure de la personne de Jacqueline de Romilly.
On ne s'ennuie pas en classe de latin
Mais qui enterre-t-on vraiment ? Est-ce seulement une éminente helléniste ou est-ce aussi tout le combat d'une vie, celui de beaucoup d'autres « antiquisants » aux quatre coins de la France ? N'est-ce pas un requiem pour grec défunt que les médias orchestrent ici ?
Qui évoque le combat désespéré et acharné des professeurs de lettres classiques qui, sans prétendre pouvoir rivaliser avec Jacqueline de Romilly, luttent à leur échelle contre cette disparition quasi inéluctable des langues anciennes dans leurs établissements ?
Qui se révolte contre l'évidement progressif des programmes où l'apprentissage de la langue passe au second plan, noyé sous une vulgate civilisationnelle rutilante mais vite lassante pour l'élève car artificielle et coupée des textes ?
J'ai quatorze latinistes, six heures par semaine, et, ils vous le diraient sans doute mieux que moi, on ne s'ennuie pas en latin, pour peu qu'on aborde la discipline comme un jeu d'énigmes à résoudre où la langue conduit à la civilisation et non l'inverse, pour peu qu'on fasse du « vrai latin » comme dit ma classe de seconde.
La schizophrénie des médias et des politiques
Qui proteste contre la mise en place d'un enseignement d'exploration « Cultures de l'Antiquité » en seconde, destiné peu à peu à se substituer aux enseignements traditionnels du latin et du grec, où vont se côtoyer des élèves qui ont étudié les langues anciennes au collège et des élèves qui n'en ont jamais fait et qui viennent pour découvrir la civilisation, au détriment de l'apprentissage de la langue elle-même bien sûr ?
Qui se souvient enfin que les hellénistes n'ont pas tous 97 ans ?
Les médias seraient-ils donc devenus schizophrènes d'élever un dernier baroud d'honneur à Jacqueline de Romilly tandis qu'ils laissent enterrer le grec, et le latin à court terme, sans un bruit ?
Et la presse, les médias et les hommes politiques de saluer son combat pour la défense des langues anciennes et son engagement en faveur de leur enseignement.
Latin et grec, laissés-pour-compte des emplois du temps
A court terme, la section latin de mon lycée est menacée, comme dans bien d'autres établissements, faute d'argent. Faute d'élèves, argue-t-on officiellement, mais comment avoir des élèves quand le latin se retrouve aux pires heures de la journée dans un emploi du temps sur quatre jours et demi où les élèves ont parfois neuf heures de cours d'affilée ? De quoi décourager les meilleures volontés…
On m'objectera que le latin et le grec sont « out », « has been » et qu'ils n'intéressent plus les élèves : c'est faux. Que répondre face au désarroi des élèves qui voulaient faire du grec et qui viennent vous dire : « Madame, qu'est-ce qu'on va devenir, s'il n'y a plus de grec ? C'est ma passion… »
Voilà peut-être le plus bel hommage rendu à madame de Romilly, dans la bouche d'un élève de seconde.
J'ai 25 ans, je suis professeur stagiaire de lettres classiques en lycée, fraîche émoulue de l'agrégation, dans un petit établissement où le grec a été supprimé à la rentrée mais où, par chance, le latin subsiste.
Le 18 décembre, Jacqueline de Romilly, helléniste et grande passionnée de l'Antiquité, est partie, mettant, une dernière fois peut-être, le grec sur le devant de la scène médiatique.
Mais qui parle de la disparition progressive et programmée des sections de grec et de latin dans les collèges et les lycées ?
Et madame Roselyne Bachelot, invitée d'un journal télévisé, de lui rendre hommage comme une grande dame qui enseignait « le vivre ensemble » (sic).
Le grec ancien comme alternative aux cours d'ECJS (enseignement civique, juridique et social), une voie à creuser dans la prochaine réforme du lycée, madame Bachelot…
Bref un éloge funèbre, un « logos epitaphios » dans les règles de l'art et à la mesure de la personne de Jacqueline de Romilly.
On ne s'ennuie pas en classe de latin
Mais qui enterre-t-on vraiment ? Est-ce seulement une éminente helléniste ou est-ce aussi tout le combat d'une vie, celui de beaucoup d'autres « antiquisants » aux quatre coins de la France ? N'est-ce pas un requiem pour grec défunt que les médias orchestrent ici ?
Qui évoque le combat désespéré et acharné des professeurs de lettres classiques qui, sans prétendre pouvoir rivaliser avec Jacqueline de Romilly, luttent à leur échelle contre cette disparition quasi inéluctable des langues anciennes dans leurs établissements ?
Qui se révolte contre l'évidement progressif des programmes où l'apprentissage de la langue passe au second plan, noyé sous une vulgate civilisationnelle rutilante mais vite lassante pour l'élève car artificielle et coupée des textes ?
J'ai quatorze latinistes, six heures par semaine, et, ils vous le diraient sans doute mieux que moi, on ne s'ennuie pas en latin, pour peu qu'on aborde la discipline comme un jeu d'énigmes à résoudre où la langue conduit à la civilisation et non l'inverse, pour peu qu'on fasse du « vrai latin » comme dit ma classe de seconde.
La schizophrénie des médias et des politiques
Qui proteste contre la mise en place d'un enseignement d'exploration « Cultures de l'Antiquité » en seconde, destiné peu à peu à se substituer aux enseignements traditionnels du latin et du grec, où vont se côtoyer des élèves qui ont étudié les langues anciennes au collège et des élèves qui n'en ont jamais fait et qui viennent pour découvrir la civilisation, au détriment de l'apprentissage de la langue elle-même bien sûr ?
Qui se souvient enfin que les hellénistes n'ont pas tous 97 ans ?
Les médias seraient-ils donc devenus schizophrènes d'élever un dernier baroud d'honneur à Jacqueline de Romilly tandis qu'ils laissent enterrer le grec, et le latin à court terme, sans un bruit ?
Et la presse, les médias et les hommes politiques de saluer son combat pour la défense des langues anciennes et son engagement en faveur de leur enseignement.
Latin et grec, laissés-pour-compte des emplois du temps
A court terme, la section latin de mon lycée est menacée, comme dans bien d'autres établissements, faute d'argent. Faute d'élèves, argue-t-on officiellement, mais comment avoir des élèves quand le latin se retrouve aux pires heures de la journée dans un emploi du temps sur quatre jours et demi où les élèves ont parfois neuf heures de cours d'affilée ? De quoi décourager les meilleures volontés…
On m'objectera que le latin et le grec sont « out », « has been » et qu'ils n'intéressent plus les élèves : c'est faux. Que répondre face au désarroi des élèves qui voulaient faire du grec et qui viennent vous dire : « Madame, qu'est-ce qu'on va devenir, s'il n'y a plus de grec ? C'est ma passion… »
Voilà peut-être le plus bel hommage rendu à madame de Romilly, dans la bouche d'un élève de seconde.
- JohnMédiateur
Dans un hommage tellement surréaliste que j'ai pensé sur le moment qu'elle s'était trompée de personne...!Et madame Roselyne Bachelot, invitée d'un journal télévisé, de lui rendre hommage comme une grande dame qui enseignait « le vivre ensemble » (sic).
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- PseudoDemi-dieu
John a écrit:Dans un hommage tellement surréaliste que j'ai pensé sur le moment qu'elle s'était trompée de personne...!Et madame Roselyne Bachelot, invitée d'un journal télévisé, de lui rendre hommage comme une grande dame qui enseignait « le vivre ensemble » (sic).
Qu'elle en reste à ses pompes en plastique roses notre Roslyne, c'est son seuil d'incompétence.
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