- Palombella RossaNeoprof expérimenté
Quo non descendamus ?
Cette année, pour la première fois, les deux Ecoles Normales Sup (Ulm et Lyon) proposaient un sujet de dissertation commun, dans le cadre de la BEL (banque d'épreuves littéraires, pour les non-initiés) ; tout "semblait" avoir correctement commencé en littérature française, avec un sujet d'une grande fadeur certes, si ouvert qu'il en devenait peut-être dangereux, mais traitable.
Pourtant c'est là que commencent nos problèmes : une erreur dans le sujet. Après une alerte à la bombe il y a deux ans et la perte d'une khopie de géographie l'an dernier -- qui ont obligé, dans les deux cas, les infortunés khandidats à re-composer -- c'est aujourd'hui la co(q)uille finale ou tout au moins le lapsus calami (teux) qui met le feu aux poudres en faisant déborder le vase !!!
Car -- O rage, ô désespoir; iou iou popoï babaï -- ce sujet de littérature a subi les outrages de l'incompétence ou de l'impéritie des organisateurs du concours, qui n'ont pas fait un travail de relecture assez scrupuleux pour restituer les propos de Ballanche choisis pour le sujet, -- historien qui lui-même citait Tacite, ce que la citation, tronquée, n'indique pas ...
Ce qui donne le sujet suivant :
"A propos de sa mission d'écrivain, Pierre-Simon Ballanche écrit en 1818 dans son Essai sur les institutions sociales : "Je ne prétends m'ériger ni en censeur des gouvernements ni en précepteur des peuples; ma tâche est, en quelque sorte, celle d'un historien sans affectation et sans haine "... (Essai sur les Institutions sociales, chapitre 1, Paris, Fayard, 1991, p. 19).En prenant en compte notamment les oeuvres au programme, vous commenterez et discuterez , à partir d'exemples littéraires précis et variés, cette conception des rapports de l'écrivain aux affaires publiques."
L'objet du délit est la substitution d' "affection" par " affectation" ce qui affecte, si j'ose dire, le sens de la citation ... même si l'on sait que la citation de Tacite : (Annales, I, 1) "sine ira et studio" produit différentes traductions : Burnouf au 19ème S., par exemple, traduit "sans colère et sans faveur" (repris par Grimal) Nisard (1844) "sans animosité comme sans flatterie" . Sur Perseus on trouve : "without either bitterness or partiality"
Cf. aussi studium dans Gaffiot : (sens 2, couramment utilisé dans un contexte politique) zèle pour quelqu'un, dévouement, affection, attachement, sympathie; (de là) esprit de parti, partialité.
Quant à "affectation" , il possède un sens le sens vieilli au XIXeme siècle que signale le TLF et qui correspondrait à ce sens du mot studium : action de montrer une grande prédilection pour" ... on se rapproche d'un des sens de studium , mais enfin nos étudiants n'en savaient rien ! Si les latinistes ont eu cet éclair de génie , alors tant mieux !!! Mais ne rêvons pas
Inutile de vous dire dans quel état sont les khâgneux -- et quelle est notre colère, devant ce mépris pour notre travail et celui de nos louveteaux. Tout à leurs projets d' « universités à l'américaine », dont on sait que c'est le rêve commun (sans doute le seul, du reste) d'Olivier Faron et Monique Canto-Sperber, les deux Écoles se moquent du concours d'entrée et des futurs normaliens comme de leur première peau d'âne. Ce sujet non relu a dû être torché en un quart d'heure, autour de minuit et en pensant à autre chose. Peu importe que professeurs et étudiants de prépa aient sué sang et eau pour arriver au khoncours (en gérant la nouvelle mouture du programme et des épreuves, de surcroît) dans les meilleures conditions. Nous sommes de la valetaille (des « fonctionnaires », comme nous l'avait dit, et sur quel ton, l'ineffable Claude Boichot) et nous n'avons qu'à la boucler -- éthique de l'enseignant oblige, cf. la nouvelle épreuve orale du CAPES.
. Aux dernières nouvelles, il semble que la position actuelle des ENS sera de tenir compte du traitement du sujet en l'état (coquille qui n'entraînera pas « fondamentalement » les attendus des correcteurs , même si le sens de la formule de Tacite en est altéré ) ; consigne en sera donnée aux correcteurs (autrement dit une correction du sujet dans sa littéralité fautive ) .
Il paraît que les deux directions Paris, Lyon, ont exprimé de façon confidentielle leur consternation, -- tellement confidentielle que nous l'attendons toujours, proh pudor ! -- et les représentants des deux associations de professeurs (APPLS et APFLA-CPL) sont reçues ou doivent l’être, par les directions.
La co(q)uille (affectation/affection) viendrait d'Ulm -- pas de raison que ce soient toujours les Lyonnais qui fassent des khonneries, sspas...
Bref, tout semblant s'arranger, la consigne des deux associations est de ne pas faire de vagues, afin de ne pas pénaliser nos estudiants. Je remets donc dans mon placard la philippique vengeresse que j'avais préparée hier dans le T.G.V., -- mais je la garde dans mes archives : cela peut toujours servir dans le futur ;-(
Il y a des moments où l'on se dit, qu'il serait bon de reprendre la lutte armée et de "sortir de la paille le fusil les grenades la mitraille" !
...
Cette année, pour la première fois, les deux Ecoles Normales Sup (Ulm et Lyon) proposaient un sujet de dissertation commun, dans le cadre de la BEL (banque d'épreuves littéraires, pour les non-initiés) ; tout "semblait" avoir correctement commencé en littérature française, avec un sujet d'une grande fadeur certes, si ouvert qu'il en devenait peut-être dangereux, mais traitable.
Pourtant c'est là que commencent nos problèmes : une erreur dans le sujet. Après une alerte à la bombe il y a deux ans et la perte d'une khopie de géographie l'an dernier -- qui ont obligé, dans les deux cas, les infortunés khandidats à re-composer -- c'est aujourd'hui la co(q)uille finale ou tout au moins le lapsus calami (teux) qui met le feu aux poudres en faisant déborder le vase !!!
Car -- O rage, ô désespoir; iou iou popoï babaï -- ce sujet de littérature a subi les outrages de l'incompétence ou de l'impéritie des organisateurs du concours, qui n'ont pas fait un travail de relecture assez scrupuleux pour restituer les propos de Ballanche choisis pour le sujet, -- historien qui lui-même citait Tacite, ce que la citation, tronquée, n'indique pas ...
Ce qui donne le sujet suivant :
"A propos de sa mission d'écrivain, Pierre-Simon Ballanche écrit en 1818 dans son Essai sur les institutions sociales : "Je ne prétends m'ériger ni en censeur des gouvernements ni en précepteur des peuples; ma tâche est, en quelque sorte, celle d'un historien sans affectation et sans haine "... (Essai sur les Institutions sociales, chapitre 1, Paris, Fayard, 1991, p. 19).En prenant en compte notamment les oeuvres au programme, vous commenterez et discuterez , à partir d'exemples littéraires précis et variés, cette conception des rapports de l'écrivain aux affaires publiques."
L'objet du délit est la substitution d' "affection" par " affectation" ce qui affecte, si j'ose dire, le sens de la citation ... même si l'on sait que la citation de Tacite : (Annales, I, 1) "sine ira et studio" produit différentes traductions : Burnouf au 19ème S., par exemple, traduit "sans colère et sans faveur" (repris par Grimal) Nisard (1844) "sans animosité comme sans flatterie" . Sur Perseus on trouve : "without either bitterness or partiality"
Cf. aussi studium dans Gaffiot : (sens 2, couramment utilisé dans un contexte politique) zèle pour quelqu'un, dévouement, affection, attachement, sympathie; (de là) esprit de parti, partialité.
Quant à "affectation" , il possède un sens le sens vieilli au XIXeme siècle que signale le TLF et qui correspondrait à ce sens du mot studium : action de montrer une grande prédilection pour" ... on se rapproche d'un des sens de studium , mais enfin nos étudiants n'en savaient rien ! Si les latinistes ont eu cet éclair de génie , alors tant mieux !!! Mais ne rêvons pas
Inutile de vous dire dans quel état sont les khâgneux -- et quelle est notre colère, devant ce mépris pour notre travail et celui de nos louveteaux. Tout à leurs projets d' « universités à l'américaine », dont on sait que c'est le rêve commun (sans doute le seul, du reste) d'Olivier Faron et Monique Canto-Sperber, les deux Écoles se moquent du concours d'entrée et des futurs normaliens comme de leur première peau d'âne. Ce sujet non relu a dû être torché en un quart d'heure, autour de minuit et en pensant à autre chose. Peu importe que professeurs et étudiants de prépa aient sué sang et eau pour arriver au khoncours (en gérant la nouvelle mouture du programme et des épreuves, de surcroît) dans les meilleures conditions. Nous sommes de la valetaille (des « fonctionnaires », comme nous l'avait dit, et sur quel ton, l'ineffable Claude Boichot) et nous n'avons qu'à la boucler -- éthique de l'enseignant oblige, cf. la nouvelle épreuve orale du CAPES.
. Aux dernières nouvelles, il semble que la position actuelle des ENS sera de tenir compte du traitement du sujet en l'état (coquille qui n'entraînera pas « fondamentalement » les attendus des correcteurs , même si le sens de la formule de Tacite en est altéré ) ; consigne en sera donnée aux correcteurs (autrement dit une correction du sujet dans sa littéralité fautive ) .
Il paraît que les deux directions Paris, Lyon, ont exprimé de façon confidentielle leur consternation, -- tellement confidentielle que nous l'attendons toujours, proh pudor ! -- et les représentants des deux associations de professeurs (APPLS et APFLA-CPL) sont reçues ou doivent l’être, par les directions.
La co(q)uille (affectation/affection) viendrait d'Ulm -- pas de raison que ce soient toujours les Lyonnais qui fassent des khonneries, sspas...
Bref, tout semblant s'arranger, la consigne des deux associations est de ne pas faire de vagues, afin de ne pas pénaliser nos estudiants. Je remets donc dans mon placard la philippique vengeresse que j'avais préparée hier dans le T.G.V., -- mais je la garde dans mes archives : cela peut toujours servir dans le futur ;-(
Il y a des moments où l'on se dit, qu'il serait bon de reprendre la lutte armée et de "sortir de la paille le fusil les grenades la mitraille" !
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- henrietteMédiateur
Véritablement sidérant ! Bon courage pour la correction...
- yseultFidèle du forum
Eh bien...merci pour l'info. Mais un étudiant non reçu au concours peut-il se plaindre et demander des comptes? Comment noter une copie quand un mot est remplacé par un autre? On sait l'importance du vocabulaire utilisé dans un sujet de dissertation...
- doctor whoDoyen
Question technique : ceux qui préparent Lyon n'ont donc plus de dissertation sur oeuvre ? C'est toute la philosophie de ce concours qui en serait changée.
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Mon blog sur Tintin (entre autres) : http://popanalyse.over-blog.com/
Blog pédagogique : http://pedagoj.eklablog.com
- jehanneNiveau 8
Non, il y a désormais programme (5 oeuvres, trois questions) et concours commun à l'écrit, à l'exception des "marques" spécifiques des deux écoles: le latin ici, la géographie là, et des épreuves de spécialité.
Le résultat est un mixte des deux "esprits": une dissertation générale, mais avec une bibliographie imposée. C'est assez bizarre...
J'aimerais lire la philippique de Palombe Rouge sur cette honteuse coquille, qui, malgré les plates excuses des directions concernées (lesquelles ne sont pas allées jusqu'à dire qu'"affectation" équivalait à affection", mais soulignent que l'esprit général de la citation n'est pas "affecté" par la coquille) montre bien la considération dans laquelle sont tenus les khâgneux et leurs professeurs...
Le résultat est un mixte des deux "esprits": une dissertation générale, mais avec une bibliographie imposée. C'est assez bizarre...
J'aimerais lire la philippique de Palombe Rouge sur cette honteuse coquille, qui, malgré les plates excuses des directions concernées (lesquelles ne sont pas allées jusqu'à dire qu'"affectation" équivalait à affection", mais soulignent que l'esprit général de la citation n'est pas "affecté" par la coquille) montre bien la considération dans laquelle sont tenus les khâgneux et leurs professeurs...
- yseultFidèle du forum
...alors que tout l'art de la dissertation c'est de distinguer un mot d'un autre!! Et perte à celui qui prendrait un mot pour un autre!
Bien contente d'apprendre que des paronymes se valent!
Bien contente d'apprendre que des paronymes se valent!
- JohnMédiateur
L'objet du délit est la substitution d' "affection" par " affectation"
Ca change quand même beaucoup de choses ! A cause de l'expression "sans affectation", beaucoup ont dû partir sur l'idée du style sobre (ou non) de l'écrivain, au moins dans une sous-partie voire une partie : comment seront-ils évalués ?
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"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
- Palombella RossaNeoprof expérimenté
"Ca change quand même beaucoup de choses ! A cause de l'expression "sans affectation", beaucoup ont dû partir sur l'idée du style sobre (ou non) de l'écrivain, au moins dans une sous-partie voire une partie : comment seront-ils évalués ?"
Aucune idée...
Certains khandidats ont pris "affectation" au sens de "posture" (cf Bourdieu), voire de "construction d'un ethos littéraire". Perchè no ?
Je ne peux même pas dire que je souhaite bon courage au jury de lettres, qui ne va récolter que ce qu'il a semé. Si j'étais méchante -- ce qui n'est évidemment pas le cas, vu que, sous mes airs caustiques, je cache un coeur d'or -- je dirais que je lui souhaite d'en baver un max et d'y prendre des migraines.
Je propose même d'organiser une collecte pour lui offrir un tantō (= sabre japonais le plus court, traditionnellement utilisé pour le hara-kiri). Dans un pays "normal", les responsables de la co(q)uille auraient déjà présenté leur démission. Mais sommes-nous encore un pays "normal" ?
Aucune idée...
Certains khandidats ont pris "affectation" au sens de "posture" (cf Bourdieu), voire de "construction d'un ethos littéraire". Perchè no ?
Je ne peux même pas dire que je souhaite bon courage au jury de lettres, qui ne va récolter que ce qu'il a semé. Si j'étais méchante -- ce qui n'est évidemment pas le cas, vu que, sous mes airs caustiques, je cache un coeur d'or -- je dirais que je lui souhaite d'en baver un max et d'y prendre des migraines.
Je propose même d'organiser une collecte pour lui offrir un tantō (= sabre japonais le plus court, traditionnellement utilisé pour le hara-kiri). Dans un pays "normal", les responsables de la co(q)uille auraient déjà présenté leur démission. Mais sommes-nous encore un pays "normal" ?
- blancheExpert
Je suis également sidérée qu'une telle faute puisse se trouver dans ce sujet de dissertation. Mais comment est-ce possible??? Que font les personnes qui proposent les sujets??? C'est désolant pour les Khâgneux.
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