Des enseignants de lettres s'insurgent contre les Mémoires de de Gaulle en TL.

John a écrit:

A l'écrit comme à l'oral des agrégations et des Capes, aucune édition n'est imposée par les jurys.

Il faudrait simplement préciser : dans le cas où les oeuvres sont disponibles dans plusieurs éditions.

Mais non ! Vous pouvez utiliser une édition ancienne... Et parfois, le jury le fait !

RIEN n'est imposé. Les éditeurs ne font pas la loi.

On s'est mal compris.

Pour Beckett par exemple, même si le jury n'y est pour rien, l'édition est forcément imposée, à moins d'aller lire les manuscrits. C'est la même chose pour tous les auteurs - généralement contemporains - disponibles dans une seule édition.

Il y a donc bien des fois où l'édition de référence est, de fait, une édition imposée. Mais c'est une lapalissade.

John : l'année où Julien Gracq était au programme de l'agrégation, deux commissions du jury de l'agrégation externe de Lettres classiques ont fonctionné avec une photocopie du texte prise dans les éditions Corti (Photocopie légale). Le but était clairement de ne pas "afficher" une préférence pour Corti. (Par ailleurs, une édition Gallimard-Pléiade était alors disponible pour cet auteur-là). Payer la photocopie et les droits a coûté plus cher au jury que d'acheter les livres en librairie !!!

Je ne sais plus sur quel ton le dire.

Maintenant, si vous souhaitez continuer à dire pis que pendre des éditeurs, de leur entrisme, de leur collusion, etc., et condamner les grands méchants faiseurs de programmes scolaires qui se remplissent les poches, libre à vous.

Vous jouez sur les mots : les programmes indiquent des éditions précises et souvent le candidat n'a pas le choix : soit le texte est légèrement différent, soit il s'agit d'une traduction. C'est le cas pour les textes en ancien français, ou les textes de littérature comparée... Mais est-ce grave ?
Ce qui me semble discutable, c'est l'aspect commémoratif des programmes.
Et c'est sans doute la raison de la présence de de Gaulle au programme de TL.
Le passage sur Staline est le seul qui soit un tant soit peu développé et amusant. Rien d'équivalent à propos de Churchill par exemple, ou de Truman ! Et à la suite de cette très courte citation sur Hiroshima vient un long "tunnel" les manœuvres militaires et diplomatiques pour sauvegarder les intérêts de la France en Indochine.
Les élèves n'auront pas à lire tel ou tel morceau choisi des Mémoires, mais la totalité d'un texte !
Les avez-vous lus intégralement ? Enfant de gaullistes convaincus, je les ai lus ! Et je le répète, c'est indigeste.
Un auteur, un héros, un objectif ! Pas de personnages secondaires (à part Staline, et ce n'est que quelques pages), pas de dilemme : où est le débat d'idées ?
Un homme justifie, a posteriori, son action, et construit l'image qu'il veut que la postérité garde de lui. Il édifie son propre mythe à la troisième personne, tel César, et à grand renfort de clichés ! Sur bien des points, comme la Syrie et l'Indochine, l'histoire lui a donné tort.
Il me semble que la littérature ne se confond pas avec le "beau style", si cela existe ! Pas de "beau style" chez Beckett...
Enseignez-vous en TL ?
Est-ce vous qui avez choisi ces programmes, pour les défendre quand même nos inspecteurs s'en scandalisent ?
Nous étions ravis des programmes jusqu'à cette année, c'est pour cela que nous sommes choqués et nous insurgeons !

Ce qui me semble discutable, c'est l'aspect commémoratif des programmes.
Et c'est sans doute la raison de la présence de de Gaulle au programme de TL.

C'était en effet une des raisons de la présence de cet auteur au programme.

John d'accord avec toi pour les éditions , elles sont imposées dans la mesure où il n'en existe qu'une (par exemple Minuit pour Beckett) ou qu'il se pose un problème spécifique (édition Le Guern pour le classement des Pensées) . Ces éditions existaient indépendamment du programme de TL. Et il y a maintenant des éditions faites spécifiquement pour le programme de TL (souvent aberrantes car elles ne retiennent que la partie au programme de l'oeuvre, ce fut le cas pour une édition tronquée des Caractères) .
Tu cites deux passages importants des Mémoires , mais le premier , sur Staline, est absolument inaccessible à des élèves faibles de TL . Comment peuvent-ils en comprendre les enjeux et les subtilités avec leurs connaissances historiques si superficielles? C'est d'une difficulté considérable! Et il me semble que c'est mission impossible que de les intéresser au contenu et à l'écriture d'un tel texte.
Les professeurs qui enseignent en TL - il y en a plusieurs sur ce forum- le font avec passion et fournissent un travail considérable, souvent pendant des années . Il savent ce qui PEUT passer avec leurs classes - et le choix est très vaste- et ce qui pose vraiment problème. Je ne sais pas qui choisit le programme, j'ai toujours été enthousiaste face aux oeuvres proposées, j'étais impatiente chaque année de les découvrir au BO et parfois même pleine d'admiration (le Guépard par exemple, quel roman extraordinaire! ) . Les enseignants de TL sont cultivés et ouverts, il est rarissime qu'ils s'élèvent contre des choix d'oeuvres car ils savent faire taire leurs préférences personnelles , mais là et !

Je n'ai enseigné que deux ans en TL, mais j'avoue, Nuages, que mes élèves étaient assez faibles...

Un homme justifie, a posteriori, son action, et construit l'image qu'il veut que la postérité garde de lui. Il édifie son propre mythe à la troisième personne, tel César, et à grand renfort de clichés !

Pour une étude littéraire, ça me semble un bon angle d'approche.

En ce qui concerne la difficulté du texte, Pascal était plus difficile, non ?

Disons que pour comprendre de Gaulle, les élèves devront avoir lu Pascal (et/ou les moralistes classiques).

L'un dans l'autre...

John, Pascal pose pour moi le problème de la foi . Voyant récemment le film de Bruno Dumont Hadewijch, dans lequel il est question de mysticisme et de la présence de l'invisible , j'ai pensé que je n'arrivais pas à persuader -par le coeur- les élèves de l'importance de cette apologie de la religion chrétienne. C'est vraiment la croyance religieuse qui me pose problème en profondeur, beaucoup plus que d'expliquer ce qu'est le jansénisme (simplifié!) . Mais les fragments concernant les vanités, le divertissement, la relativité de la justice sont très accessibles aux élèves. La forme fragmentée des liasses (on n'en a que 7 au programme) permet de mettre en valeur facilement les pensées les plus significatives.

John a écrit:

Un homme justifie, a posteriori, son action, et construit l'image qu'il veut que la postérité garde de lui. Il édifie son propre mythe à la troisième personne, tel César, et à grand renfort de clichés !

Pour une étude littéraire, ça me semble un bon angle d'approche.

En ce qui concerne la difficulté du texte, Pascal était plus difficile, non ?

Certes, mais il faut en trouver d'autres !

j'ai repris le fil dans le nouveau topic " les Lettres volées" et voici le lien pour le site internet, la pétition figure dans la rubrique "la littérature en phase terminale"
http://www.lettresvolees.sitew.com

Vient de paraître chez Gallimard (pas lu, pas feuilleté) :

Sudhir Hazareesingh

LE MYTHE GAULLIEN

SUITE DES TEMPS (LA) 288 pages - 21,00 €

L'image du général de Gaulle a connu d'étranges retournements. L'homme d'État de son vivant le plus contesté est devenu après sa mort le plus incontestable. Celui qui avait si longtemps passé pour le diviseur de la nation est devenu le sauveur de la République, l'incarnation même de la France. L'historien britannique Sudhir Hazareesingh éclaire ici les étapes et les moyens de cette métamorphose en exploitant les riches fonds des Archives nationales et de la Fondation Charles de Gaulle, en particulier l'immense correspondance du Général récemment ouverte. Adossé aux grands précédents de l'histoire de France – Jeanne d'Arc, Louis XIV, Napoléon –, le mythe gaullien se distingue par sa capacité à transcender les clivages. Ce faisant, il marque, selon l'auteur, la forme la plus achevée du mythe politique national dans la France contemporaine.

LE MYTHE GAULLIEN [2010], 288 pages sous couv. ill., 150 x 240 mm. Collection La Suite des Temps, Gallimard -étu. ISBN 9782070128518. Parution : 25-05-2010.

Faites par contre attention : à l'approche du 10 juin 2010, les publications sur de Gaulle fleurissent et pullulent !

En attendant, lisez donc le Retour du Général, de Duteurtre.
C'est exquis et hilarant.

savoir également que ce choix coincide curieusement avec la parution d'un ouvrage d'un IG sur de Gaulle, qui sort en librairie en même temps...hasard?

Message du groupe lettres du snes à ce sujet:

Suite à la
parution au BO du programme de terminale L, de nombreux
collègues nous avaient
alertés concernant la présence des mémoires
du Général de Gaulle dans ce
programme. Ce choix pose en effet
plusieurs problèmes que nous avions évoqués
dans un article consacré
à cette affaire et qui se trouve sur notre site (voir
lien
ci-dessous)




http://www.snes.edu/QUI-A-EU-CETTE-IDEE-FOLLE-DE-NOUS.html




Or,
il y a un
deuxième épisode : en effet, en me promenant à la FNAC il
y a quelques jours,
j'ai fait une bien curieuse découverte, celle
d'un ouvrage intitulé "stèles à de
Gaulle" rédigé par notre doyen
lui-même, et qui vient de paraître aux éditions
Gallimard. Ce texte,
initialement rédigé en 2000, vient faire l'objet d'une
réédition
dans laquelle un autre texte de XXXX (je ne sais pas si je dois mettre le nom) a été
ajouté.


Le
fait que le
doyen de l'inspection générale ait une activité
d'écrivain par ailleurs ne pose
pas de problème en soi. Toutefois,
la coïncidence de cette parution avec la
présence (pour le moins
discutable) des mémoires du Général de Gaulle au
programme de
terminale nous semble pour le moins gênante et nous avons d'ores et
déjà
été contactés par plusieurs journalistes sur cette question.


Voici l'ouvrage:
http://www.parutions.com/pages/1-4-84-1050.html

ah je reprends un peu espoir!