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- totoroMonarque
Oui, monsieur, dit le nègre, c'est l'usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l'année. Quand nous travaillons au sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe: je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus patagons sur la côte de Guinée, elle me disait: "Mon cher enfant, bénis nos fétiches, adore-les toujours, ils te feront vivre heureux; tu as l'honneur d'être esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par là la fortune de ton père et de ta mère." Hélas! je ne sais pas si j'ai fait leur fortune, mais ils n'ont pas fait la mienne. Les chiens, les singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous; les fétiches hollandais qui m'ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes tous enfants d'Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas généalogiste; mais si ces prêcheurs disent vrai, nous sommes tous cousins issus de germain. Or vous m'avouerez qu'on ne peut pas en user avec ses parents d'une manière plus horrible.
J'ai commencé la LA avec mes premières et je suis ennuyée car je ne suis pas sure de moi au sujet de ces "fétiches". S'agit-il des dieux africains ou des prètres blancs (comme c'est le cas dans la deuxième occurence: "les fétiches hollandais". J'étais partie du principe que les deux occurences avaient le même sens, mais les remarques des élèves m'ont amenée à douter de moi. Merci pour vos lumières.
J'ai commencé la LA avec mes premières et je suis ennuyée car je ne suis pas sure de moi au sujet de ces "fétiches". S'agit-il des dieux africains ou des prètres blancs (comme c'est le cas dans la deuxième occurence: "les fétiches hollandais". J'étais partie du principe que les deux occurences avaient le même sens, mais les remarques des élèves m'ont amenée à douter de moi. Merci pour vos lumières.
- pallasNiveau 9
Bon un avis, mais je ne suis pas du tout sûre, je pense que la première occurrence désigne les dieux africains et la deuxième, par contre, les prêtres blancs (ce qui montrerait justement la confusion entre les deux religions créée par le fait qu'on leur impose de se convertir très rapidement et qu'ils n'ont pas bien "assimilé" la nouvelle religion, justement parce qu'on leur impose ?!).
Mais vraiment, je ne suis pas sûre.
Mais vraiment, je ne suis pas sûre.
- Hervé HervéFidèle du forum
http://www.mediadico.com/dictionnaire/definition/fetiche/1
- AbraxasDoyen
L'utilisation du même mot renvoie les deux religions — l'animisme primitif comme le christianisme — au niveau des superstitions.
Au passage, c'est une anticipation sur l'idée de Marx de la religion opium du peuple — et en l'occurrence, des esclaves (ou encore, tout croyant est esclave).
Et je ne vois pas d'autre interprétation possible.
Au passage, c'est une anticipation sur l'idée de Marx de la religion opium du peuple — et en l'occurrence, des esclaves (ou encore, tout croyant est esclave).
Et je ne vois pas d'autre interprétation possible.
- CarabasVénérable
Pour moi, le terme "fétiches hollandais" participe clairement de l'ironie de Voltaire. Dans la bouche du nègre, on comprend effectivement que la religion n'est pas assimilée, n'est pas vue comme la seule vraie et cela permet de montrer l'échec de la conversion forcée. De plus, cela met sur le même plan religion et superstition. De même :pallas a écrit:Bon un avis, mais je ne suis pas du tout sûre, je pense que la première occurrence désigne les dieux africains et la deuxième, par contre, les prêtres blancs (ce qui montrerait justement la confusion entre les deux religions créée par le fait qu'on leur impose de se convertir très rapidement et qu'ils n'ont pas bien "assimilé" la nouvelle religion, justement parce qu'on leur impose ?!).
Mais vraiment, je ne suis pas sûre.
Ceci montre que d'une part la dimension symbolique n'est pas comprise, puisque l'idée que tous les hommes sont fils d'Adam est prise au sens propre, généalogique et d'autre part que les chrétiens ne pratiquent pas ce que leur enseigne la religion. On voit le même principe dans le texte de Montesquieu contre l'esclavageles fétiches hollandais qui m'ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes tous enfants d'Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas généalogiste; mais si ces prêcheurs disent vrai, nous sommes tous cousins issus de germain. Or vous m'avouerez qu'on ne peut pas en user avec ses parents d'une manière plus horrible.
Montesquieu a écrit:Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens.
- variaHabitué du forum
Euh, pour moi (et c'est ce que j'ai dit à mes élèves à chauqe fois que j'ai fait ce texte avec eux), les "fétiches" désignent dans les 2 occurrences les colons hollandais, qui sont considérés par les esclaves africains comme des dieux blancs, venus d'un autre monde... Il n'est pas réellement question de religion ici, ni animiste ni chrétienne, si ce n'est vague croyance superstitieuse dans cette nature surnaturelle des Hollandais (la mention de la "conversion brouille les pistes, mais c'est un autre pb qui vient de surcroît).
Désolée Abraxas, mais j'en suis au moins aussi sûre que tu l'es de ton interprétation !
Désolée Abraxas, mais j'en suis au moins aussi sûre que tu l'es de ton interprétation !
- CarabasVénérable
Les Blancs sont désignés par l'expression "nos seigneurs les Blancs". Pourquoi devriendraient-ils "fétiches"?
- variaHabitué du forum
Grrr... pq faut-il tjs que nos rares certitudes restantes soient vouées à voler en éclats ?
- annNiveau 10
Dans le carré classique nathan il est indiqué que les " fétiches" sont des pasteurs .
- AbraxasDoyen
Eh bien, c'est une grosse connerie. Candide est avant tout une fable religieuse — très leste, et très incisive. Dès le premier chapitre. L'un des sommets, c'est le passage dans l'Eldorado. Mais que les fétiches (initiaux) soient dans les deux cas des pasteurs hollandais… Au second coup, certes — ils symbolisent la chrétienté, et le parallélisme dans le vocabulaire induit un parallèle dans la superstition.
Sincèrement, vous y lisez quoi, dans ce conte, si ce n'est pas une machine de guerre contre la superstition — c'est-à-dire l'Eglise ? Rappelez-vous le leitmotiv de Voltaire, "il faut détruire l'infâme"…
Sincèrement, vous y lisez quoi, dans ce conte, si ce n'est pas une machine de guerre contre la superstition — c'est-à-dire l'Eglise ? Rappelez-vous le leitmotiv de Voltaire, "il faut détruire l'infâme"…
- V.MarchaisEmpereur
varia a écrit:Euh, pour moi (et c'est ce que j'ai dit à mes élèves à chauqe fois que j'ai fait ce texte avec eux), les "fétiches" désignent dans les 2 occurrences les colons hollandais, qui sont considérés par les esclaves africains comme des dieux blancs, venus d'un autre monde... Il n'est pas réellement question de religion ici, ni animiste ni chrétienne, si ce n'est vague croyance superstitieuse dans cette nature surnaturelle des Hollandais (la mention de la "conversion brouille les pistes, mais c'est un autre pb qui vient de surcroît).
Désolée Abraxas, mais j'en suis au moins aussi sûre que tu l'es de ton interprétation !
Il faut tout de même s'appuyer sur le texte pour fournir une interprétation. Où allez-vous chercher vos histoires d'adoration des colons hollandais ? Pourquoi donner à la première occurrence du mot fétiche un sens autre que son sens premier ? Je suis d'accord avec Abraxas : le glissement qui s'opère dans la reprise crée un décalage comique et raille l'autorité des pasteurs (ce sont eux qui sont jouent les fétiches, c'est-à-dire les divinités toutes puissantes) autant voire davantage que la religion elle-même.
Pour le plaisir, consulter l'article Bimbeloterie de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert...
- CircéExpert
Abraxas a écrit:Eh bien, c'est une grosse connerie. Candide est avant tout une fable religieuse — très leste, et très incisive. Dès le premier chapitre. L'un des sommets, c'est le passage dans l'Eldorado. Mais que les fétiches (initiaux) soient dans les deux cas des pasteurs hollandais… Au second coup, certes — ils symbolisent la chrétienté, et le parallélisme dans le vocabulaire induit un parallèle dans la superstition.
Sincèrement, vous y lisez quoi, dans ce conte, si ce n'est pas une machine de guerre contre la superstition — c'est-à-dire l'Eglise ? Rappelez-vous le leitmotiv de Voltaire, "il faut détruire l'infâme"…
Cela ferait une excellente problématique d'étude !!
Justement, je ne sais pas sous quel plan l'aborder...ou devrais-je dire que je ne parviens pas à choisir.
- ysabelDevin
Abraxas a écrit:L'utilisation du même mot renvoie les deux religions — l'animisme primitif comme le christianisme — au niveau des superstitions.
Au passage, c'est une anticipation sur l'idée de Marx de la religion opium du peuple — et en l'occurrence, des esclaves (ou encore, tout croyant est esclave).
Et je ne vois pas d'autre interprétation possible.
chouette, c'est ce que je dis !
J'adore Candide... je ne me lasse pas de ce texte !
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« vous qui entrez, laissez toute espérance ». Dante
« Il vaut mieux n’avoir rien promis que promettre sans accomplir » (L’Ecclésiaste)
- totoroMonarque
Donc finalement est-ce que je peux dire que les deux utilisations renvoient à une même superstition, et que pour le nègre, la croyance africaine n'est pas différente de la croyance chrétienne?
- AbraxasDoyen
C'est surtout pour Voltaire qu'il n'y a pas de différence !
Voir l'article Superstition du Dictionnaire philosophique, qui en dit long sur la religion de Voltaire :
http://www.voltaire-integral.com/Html/20/superstition.htm
Voir l'article Superstition du Dictionnaire philosophique, qui en dit long sur la religion de Voltaire :
http://www.voltaire-integral.com/Html/20/superstition.htm
- CarabasVénérable
Je me demande franchement pourquoi je participe aux topics.
1) Je ne suis plus prof.
2) Je suis transparente.
1) Je ne suis plus prof.
2) Je suis transparente.
- V.MarchaisEmpereur
Mais non Carabas. C'est juste qu'on insiste rarement sur les points d'accord.
J'aurais pu écrire : D'accord avec Abraxas... et Carabas.
J'aurais pu écrire : D'accord avec Abraxas... et Carabas.
- leyadeEsprit sacré
Carabas a écrit:Je me demande franchement pourquoi je participe aux topics.
1) Je ne suis plus prof.
2) Je suis transparente.
Mais non, ne dis pas ça!
N'oublie pas l'écrasante majorité de personnes qui lisent, sans oser participer! J'en ai fait partie sur ce topic, car je n'ai .... pas compris grand chose. J'ai eu des 1ères deux ans, leur ai fait Candide, et je n'ai jamais atteint ce niveau d'explication.....
Du coup j'ai lu ce topic, et surtout ta participation, avec beaucoup d'intérêt!
A chaque fois que je lis tes interventions, je me dis que tu es quelqu'un d'une grande culture. Qui a beaucoup d'humour. Qui est tolérante.
>>> Pour moi les 3 plus grandes qualités que l'on puisse trouver chez une forumeuse!
- totoroMonarque
Ben oui, je trouvais que l'intervention de Carabas était un éclairage intéressant et en ce qui me concerne (ben oui, c'est moi qui posait la question... ) je l'ai trouvée très utile pour refaire le point.
- annNiveau 10
dans le Lagarde et Michard , il est aussi indiqué que "fétiche" signifie " prêtre / pasteur"
- AbraxasDoyen
ann a écrit:dans le Lagarde et Michard , il est aussi indiqué que "fétiche" signifie " prêtre / pasteur"
D'où la différence entre "nos" fétiches et ceux des Blancs.
- doctor whoDoyen
L'adjectif qualificatif "hollandais" semble assez clairement placé là pour permettre un démarquage d'avec la première occurence. Si on renversait la situation, cela donnerait "les prêtres", puis "les prêtres bantous". Le substantif est repris par un phénomène de mention (O. Ducrot, me semble-t-il?).
C'est beaucoup plus savoureux : Voltaire fait manier à son nègre la technique de la "mention", outil principal de de l'ironie selon Oswald Ducrot (Google confirme), sans intention ironique. Le lecteur est ainsi face à un phénomène d'ironie innocente, ou de délégation d'ironie, de la part de Voltaire à son personnage.
J'opte donc pour la lecture d'Abraxas. En littérature, en cas de doute, prendre l'interprétation la plus riche. Le risque est de surinterpréter, mais c'est plus marrant.
C'est beaucoup plus savoureux : Voltaire fait manier à son nègre la technique de la "mention", outil principal de de l'ironie selon Oswald Ducrot (Google confirme), sans intention ironique. Le lecteur est ainsi face à un phénomène d'ironie innocente, ou de délégation d'ironie, de la part de Voltaire à son personnage.
J'opte donc pour la lecture d'Abraxas. En littérature, en cas de doute, prendre l'interprétation la plus riche. Le risque est de surinterpréter, mais c'est plus marrant.
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Mon blog sur Tintin (entre autres) : http://popanalyse.over-blog.com/
Blog pédagogique : http://pedagoj.eklablog.com
- AbraxasDoyen
Je vais me donner le ridicule d'insister.
aucune surinterprétation de ma part. Depuis le chap. 1 (le paradis terrestre) qui est un décalage complet de la Genèse (l'année dernière, un candidat au CAPES ne l'avait pas remarqué, ignorait tout des aventures d'Adam et Eve, et pensait franchement que les "leçons de physique expérimentale" était de vraies tentatives pédagogiques pour expliquer les sciences — en construisant tout seul son propre savoir, sans doute…), jusqu'à celui du nègre de Surinam (merci, mon dieu de là-bas, merci aussi au dieu d'ici…), en passant par le tremblement de terre de Lisbonne et ce qui s'ensuit, la fille du pape, les Jésuites au Paraguay et l'Eldorado ("Nous adorons Dieu du soir au matin" — qu'est-ce que vous en dites comme figure de l'inversion ? Je suis sûr que certains ne l'avaient pas remarqué), c'est un conte anti-religieux d'un bout à l'autre.
aucune surinterprétation de ma part. Depuis le chap. 1 (le paradis terrestre) qui est un décalage complet de la Genèse (l'année dernière, un candidat au CAPES ne l'avait pas remarqué, ignorait tout des aventures d'Adam et Eve, et pensait franchement que les "leçons de physique expérimentale" était de vraies tentatives pédagogiques pour expliquer les sciences — en construisant tout seul son propre savoir, sans doute…), jusqu'à celui du nègre de Surinam (merci, mon dieu de là-bas, merci aussi au dieu d'ici…), en passant par le tremblement de terre de Lisbonne et ce qui s'ensuit, la fille du pape, les Jésuites au Paraguay et l'Eldorado ("Nous adorons Dieu du soir au matin" — qu'est-ce que vous en dites comme figure de l'inversion ? Je suis sûr que certains ne l'avaient pas remarqué), c'est un conte anti-religieux d'un bout à l'autre.
- CircéExpert
Carabas a écrit:Je me demande franchement pourquoi je participe aux topics.
1) Je ne suis plus prof.
2) Je suis transparente.
Ah non!
J'adore tes interventions, toujours très pertinentes.
Et tu ne va pas tomber dans l'écueil que comme tu n'es plus prof, tu n'es pas légitime. Parce qu'on pourra tenir salon toutes les deux si tu veux.
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