- EolullNiveau 3
Bonjour,
un mastodonte de plus de 2000 pages dont la conception a duré presque 20 ans, avec la participation de 59 linguistes, sous l'égide du CNRS et de la DGLFLF, avez-vous entendu parler de la Grande Grammaire du français ?
Elle a pour ambition de dresser un état actuel le plus exhaustif possible - rien que ça - du français écrit et parlé, et ce dans l'ensemble de la francophonie. Il s'agit d'une grammaire « scientifique », non pas d'une grammaire « prescriptive/littéraire/classique » comme peuvent l'être le Grévisse ou le Bescherelle. La période de travail s'étend de 1950 à 2020 et prend aussi compte des « langues » d'Internet avec des corpus monstrueux.
Il semblerait que ce travail colossal ait déjà été fait dans d'autres langues européennes, mais jamais pour le français.
Des réactions, notamment des collègues de lettres ?
un mastodonte de plus de 2000 pages dont la conception a duré presque 20 ans, avec la participation de 59 linguistes, sous l'égide du CNRS et de la DGLFLF, avez-vous entendu parler de la Grande Grammaire du français ?
Elle a pour ambition de dresser un état actuel le plus exhaustif possible - rien que ça - du français écrit et parlé, et ce dans l'ensemble de la francophonie. Il s'agit d'une grammaire « scientifique », non pas d'une grammaire « prescriptive/littéraire/classique » comme peuvent l'être le Grévisse ou le Bescherelle. La période de travail s'étend de 1950 à 2020 et prend aussi compte des « langues » d'Internet avec des corpus monstrueux.
Il semblerait que ce travail colossal ait déjà été fait dans d'autres langues européennes, mais jamais pour le français.
Des réactions, notamment des collègues de lettres ?
- NLM76Grand Maître
J'ai consulté cette grammaire en librairie. L'étendue du corpus paraît en effet très intéressante. En revanche, ce que j'ai pu lire des prolégomènes m'a paru assez rebutant, au sens où j'ai eu le sentiment de lire des lieux communs qu'on entend couramment à l'université sur, justement, l'opposition entre une grammaire "descriptive" et la grammaire, comme vous dites, "prescriptive, littéraire, classique". En fait, cette opposition ne m'y a paru problématisée comme il conviendrait, de sorte qu'on en reste à une fausse alternative dichotomique, et donc, d'une certaine façon, à une prétention ascientifique à la scientificité.
D'autre part, le choix d'éjecter la notion de proposition pour la confondre avec celle de phrase m'a paru rédhibitoire : cela me paraît constituer une grave erreur méthodologique... même si elle est aussi celle de pontes de la grammaire et de la linguistique.
D'autre part, le choix d'éjecter la notion de proposition pour la confondre avec celle de phrase m'a paru rédhibitoire : cela me paraît constituer une grave erreur méthodologique... même si elle est aussi celle de pontes de la grammaire et de la linguistique.
- EolullNiveau 3
Intéressant. Je suis à des années-lumières d'être calé sur ce sujet, j'ai tout juste une appétence pour la linguistique, et il ne me semble pas que cette dichotomie me gêne tant que ça... de manière naïve, les grammaires dites classiques me semblent relever de l'induction : on observe puis on essaye d'en tirer des lois - qu'on peut ensuite chercher à faire appliquer par exemple dans un but d'apprentissage. Les corpus sont alors plutôt littéraires, et il me semble qu'effectivement, lorsque je lis mon Bescherelle ou les diverses interventions de l'Académie (qui a d'ailleurs fait une grammaire me semble-t-il), j'ai l'impression d'apprendre comment écrivent des auteurs - ce que j'aime beaucoup, soit dit en passant.
Cette grammaire-ci me semble davantage relever de l'abduction : on observe puis on essaye d'en tirer des hypothèses (plus que des lois) expliquant les phénomènes. Le corpus est moins littéraire et se rapproche davantage de la pratique.
Deux points de vue différents, pas les mêmes ambitions.
Bon, encore une fois c'est peut-être n'importe quoi ce que je raconte.
Cette grammaire-ci me semble davantage relever de l'abduction : on observe puis on essaye d'en tirer des hypothèses (plus que des lois) expliquant les phénomènes. Le corpus est moins littéraire et se rapproche davantage de la pratique.
Deux points de vue différents, pas les mêmes ambitions.
Bon, encore une fois c'est peut-être n'importe quoi ce que je raconte.
- LiliFranceNiveau 5
Eolull a écrit:Bon, encore une fois c'est peut-être n'importe quoi ce que je raconte.
Mais pas du tout, Eolull : tu as vu juste !
C'est d'ailleurs une des grandes problématiques actuelles en linguistique : faut-il étudier la langue à partir de l'usage (un des enjeux de la linguistique de corpus) ou à partir des règles ? doit-elle être descriptive ou prescriptive ? Vaste question...
Je me réjouis de la parution de ce nouvel ouvrage que j'ai ajouté à ma liste de Noël. J'avais regardé la conférence de lancement donnée cet automne par ses principaux auteurs et c'était passionnant !
- NLM76Grand Maître
D'une part la question de la dichotomie. J'imagine bien qu'elle ne vous gêne pas plus que cela... les dichotomies arrangent tout le monde. Et distinguer des pôles entre lesquels peut tendre la description linguistique d'une langue est fort intéressant - à condition de se demander ce qui articule ces deux pôles : de chaque côté de l'alternative, l'autre choix est aussi présent. Reste à savoir comment.
Ainsi de la question de la normativité : elle est au coeur de la langue, qu'il s'agisse de la langue littéraire, comme elle est au coeur de l'argot, de la langue de la conversation de tel ou tel groupe social ; elle est au coeur de la langue des grammairiens , comme de celle des gens qui ont le moins de "conscience linguistique". Elle est coeur du travail des linguistes Ainsi, la question de savoir s'il s'agit d'abduction ou d'induction n'est pas si simple. Mais j'y reviendrai : cela me donne envie de prendre le temps pour véritablement problématiser ces questions (grammaire/linguistique; descriptive/prescriptive ; littéraire/conversation ; scientifique/scolaire, etc.), comme j'ai commencé à le faire, encore imparfaitement, à propos de l'opposition entre langue orale et langue écrite.
En somme, @LiliFrance, la réponse à ta question est évidente : les deux, évidemment. Reste à savoir comment ces deux perspectives doivent s'articuler.
Ainsi de la question de la normativité : elle est au coeur de la langue, qu'il s'agisse de la langue littéraire, comme elle est au coeur de l'argot, de la langue de la conversation de tel ou tel groupe social ; elle est au coeur de la langue des grammairiens , comme de celle des gens qui ont le moins de "conscience linguistique". Elle est coeur du travail des linguistes Ainsi, la question de savoir s'il s'agit d'abduction ou d'induction n'est pas si simple. Mais j'y reviendrai : cela me donne envie de prendre le temps pour véritablement problématiser ces questions (grammaire/linguistique; descriptive/prescriptive ; littéraire/conversation ; scientifique/scolaire, etc.), comme j'ai commencé à le faire, encore imparfaitement, à propos de l'opposition entre langue orale et langue écrite.
En somme, @LiliFrance, la réponse à ta question est évidente : les deux, évidemment. Reste à savoir comment ces deux perspectives doivent s'articuler.
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Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- beaverforeverNeoprof expérimenté
Une présentation de cette publication par un vulgarisateur en linguistique.
Il sépare trois grammaires : les grammaires "prescriptives littéraires", les grammaires "scolaires" et les grammaires "scientifiques basées sur ce que parlent/écrivent les gens".
Une petite remarque sur la prescription : il me semble qu'un linguiste se moque du bon usage. Si un locuteur tord la forme et l'ordre des mots jusqu'à inintelligible, il est alors puni, puisqu'il ne communique plus. C'est la cas de certaines copies ou de certains commentaires dans les réseaux sociaux où des pratiques langagières sont tellement éloignées des représentations de la langue dans le cerveau des lecteurs que leur seule réaction est "???".
Du coup, tant qu'il y a communication (dialogue), il y a langue, quelque soit les libertés prises avec ce que certains appellent les règles.
La règle des règles pourrait être : "Si les personnes avec lesquelles je cherche à communiquer me comprennent, alors je parle/écris le français".
Les règles de grammaire prescriptives pourraient alors être vue comme les règles d'intelligibilité d'un certain groupe de locuteurs, plutôt que comme les Règles du français.
(Je laisse volontairement de côté ceux qui sont volontairement inintelligibles pour des raisons artistiques ou politiques.)
Il sépare trois grammaires : les grammaires "prescriptives littéraires", les grammaires "scolaires" et les grammaires "scientifiques basées sur ce que parlent/écrivent les gens".
Une petite remarque sur la prescription : il me semble qu'un linguiste se moque du bon usage. Si un locuteur tord la forme et l'ordre des mots jusqu'à inintelligible, il est alors puni, puisqu'il ne communique plus. C'est la cas de certaines copies ou de certains commentaires dans les réseaux sociaux où des pratiques langagières sont tellement éloignées des représentations de la langue dans le cerveau des lecteurs que leur seule réaction est "???".
Du coup, tant qu'il y a communication (dialogue), il y a langue, quelque soit les libertés prises avec ce que certains appellent les règles.
La règle des règles pourrait être : "Si les personnes avec lesquelles je cherche à communiquer me comprennent, alors je parle/écris le français".
Les règles de grammaire prescriptives pourraient alors être vue comme les règles d'intelligibilité d'un certain groupe de locuteurs, plutôt que comme les Règles du français.
(Je laisse volontairement de côté ceux qui sont volontairement inintelligibles pour des raisons artistiques ou politiques.)
- valleExpert spécialisé
La notion de "norme" (y compris le "bon usage") ne peut pas non plus être complètement laissée de côté. Cela fait partie intégrante de la langue. Le moment du relativisme absolu me semble révolu, une grammaire doit aussi faire état de l'impact socio-linguistique de "Il y a des élèves ils ont pas eu la feuille", "Si je l'aurais su, je le l'aurais pas fait", ou "C'est de lui dont je te parle". Les grammaires dites "descriptives" le font en général, et c'est prs simplification que l'on entend parfois des abus sur les limites de la linguistique "descriptive".
Dire "la langue n'est que communication" laisse de côté bien des fonctions / constituants de la langue, à commencer par tout ce qui est connotatif.
Dire "la langue n'est que communication" laisse de côté bien des fonctions / constituants de la langue, à commencer par tout ce qui est connotatif.
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