Jusqu'où allez-vous dans le cloisonnement ?

Je sais que les formateurs et IA-IPR nous exhortent vivement à tout décloisonner et construire des séquences problématisées très bien ficelées où se mêlent étude de la langue (analyse grammaticale, conjugaison, lexique), compréhension/interprétation de textes littéraires, rédactions et où les points de langue sont étudiés parce qu'ils permettent d'apporter des éléments d'analyse et d'interprétation/apportent quelque chose au projet de lecture d'un texte littéraire.

Ceci dit, je sais que certains collègues, s'adaptant aux réalités du terrain (nous oeuvrons toujours dans le meilleur intérêt des élèves, il n'est pas question de mettre en cause ou d'aller contre les injonctions des IPR pour polémiquer ou se montrer subversif) ont pour habitude de "(re)loisonner". Dès lors, je me demandais jusqu'où vous alliez dans le cloisonnement.

Personnellement, je considère que nous avons énormément de choses à voir avec les élèves : le programme de grammaire est très chargé et chronophage si on prend le temps de tout expliciter (après, on peut balancer la liste des déterminants, pronoms, propositions subordonnées, fonctions etc sans rien expliquer mais ce n'est pas mon style), le programme au niveau du lexique est également très lourd (polysémie, champs lexicaux, registres de langue, étude diachronique/étymologique des mots, préfixation/suffixation, synonymie/antonymie, etc.).

Je débute mais je sais que dans des séquences décloisonnées, beaucoup de choses passent à la trappe. J'ai commencé cette année le cloisonnement et, même si les programmes restent chargés compte tenu du niveau réel des élèves de REP+ pour qui rien n'est évident (même les choses les plus logiques), je vois que je m'en sors mieux car je peux envisager de manière systématique chaque point de grammaire et bien tout remettre à plat, tout reprendre. J'envisage également de cloisonner le lexique en organisant des leçons uniquement sur le lexique (la synonymie/l'antonymie, les champs lexicaux,...).

J'aurai donc, dans mon nouveau fonctionnement : mes séquences "littéraires" (corpus de textes + considérations génériques/esthétiques + outils d'analyse et interprétation + rédactions et oral + HDA : lecture de l'image fixe ou mobile), une partie "grammaire/conjugaison" et une partie "lexique". Je ne suis pas extrémiste dans la démarche : évidemment, nous sommes souvent amenés dans le cadre de séquences "littéraires" à revenir sur des points tels que les champs lexicaux (champ lexical de la peur, de l'amour,...) pour les rédactions ou l'interprétation des textes. Je ne suis pas non plus hostile aux "corpus de phrases" (càd, faire des phrases d'exos/ d'observation liées au thème de la séquence. J'assume ne pas être un ingénieur didactique hors pair et subtil, mais c'est le seul moyen pour moi d'être sûr d'avoir tout vu avec les élèves en grammaire, lexique, littérature.

Ce fonctionnement me paraît simple mais je culpabilise un peu par rapport aux conseils/injonctions des formateurs et IPR. Jusqu'où allez-vous dans le cloisonnement ?

Les collègues contempteurs du cloisonnement qui vous conformez aux instructions officielles en faisant des séquences "totales", n'avez-vous l'impression que certains points passent à la trappe ?

Depuis les nouveaux programmes du collège et la demande d'une progression grammaticale à part de la progression littéraire, le décloisonnement a bien perdu de sa superbe pourtant aupres des IPR ( du moins ceux de mon académie)

N'as-tu pas inversé "décloisonnement" et "cloisonnement" dans ton message ? Je ne le comprends pas autrement. Ta question ne serait-elle pas plutôt : jusqu'où allez-vous dans le cloisonnement, c'est-à-dire dans le refus d'obéir à l'injonction (illégitime, soit dit en passant) à décloisonner, à tout mélanger sans arrêt ?

*Ombre* a écrit:N'as-tu pas inversé "décloisonnement" et "cloisonnement" dans ton message ? Je ne le comprends pas autrement. Ta question ne serait-elle pas plutôt : jusqu'où allez-vous dans le cloisonnement, c'est-à-dire dans le refus d'obéir à l'injonction (illégitime, soit dit en passant) à décloisonner, à tout mélanger sans arrêt ?

Oui exact, c'était bien le sens de ma question, je me suis emmêlé les pinceaux

Alors je peux te répondre que je cloisonne presque complètement. J'ai une progression grammaticale et une progression littéraire nettement séparées. Je consacre certains jours précis de l'EDT à la grammaire (deux heures par semaine), une heure à l'apprentissage de la rédaction, et le reste à la littérature.
Mais bien sûr, je module ma progression en fonction de mon avancée en littérature : je ne vais pas étudier les temps du récit pendant que je fais le théâtre, ni les marques du discours indirect quand je suis dans la poésie. Mais cela reste à la marge.
Par ailleurs, je gave mes élèves de vocabulaire, parce qu'ils en ont un besoin cru. Ils ont une feuille sur laquelle ils notent tous les mots nouveaux appris, et on la sort à chaque occasion, que ce soit en lecture, bien sûr, ou en grammaire. Je reviens souvent, en notant des mots, sur les grandes notions comme mots de la même famille, synonymes, antonymes, nous analysons ensemble la formation des mots pour en déduire le sens, ce qui me dispense de faire une leçon spécifique sur ces points.

Je cloisonne tout aussi, mais comme Ombre je fais attention aux notions d'analyse de discours ou figures de style pour tomber en même temps que l'étude d'un genre littéraire approprié.
En revanche j'alterne les unités littérature et unités langue : je n'ai pas trouvé pertinent de consacrer X heures par semaine à la langue parce qu'avec les élèves ULIS accompagnés par un AESH j'aime qu'on puisse travailler un peu de tout sur ces jours d'accompagnement (1 ou 2 seulement, malheureusement). Je dois déjà fixer les évaluations et DS sur des jours précis de la semaine, alors la contrainte devient insurmontable si je cloisonne l'EDT.

Deux heures dédiées à la grammaire, deux heures dédiées à la littératures, immuables dans l'emploi du temps. Et l'AP pour l'écriture. J'essaye de réutiliser le vocabulaire étudié en littérature en le réinsérant dans les exercices de grammaire que je donne aux 4e, mais je le fais plus difficilement en 5e, parce que j'utilise le manuel.

Honnêtement, je trouve dans cette organisation une part de confort personnel. J'aime réserver la grammaire à mes journées les plus longues, parce que je trouve ces heures moins difficiles que celles consacrées à la littérature.

J’organise ma semaine ainsi :
1) lundi : lecture (méthodologie de la compréhension de texte et analyse de texte si les élèves le comprennent)
2) mardi : écriture (copier un texte sans erreur, ponctuation, exercices d’écriture puis rédaction)
3) mercredi (tous les 15 jours) : oral (lecture à voix haute, récitation, exercices de théâtre, débat)
4) jeudi : grammaire (natures et fonctions avec une progression personnalisée par élève)
5) vendredi : orthographe (dictée ou exercices spécifiques), conjugaison et vocabulaire en alternance.

Lora a écrit:J’organise ma semaine ainsi :
1) lundi : lecture (méthodologie de la compréhension de texte et analyse de texte si les élèves le comprennent)
2) mardi : écriture (copier un texte sans erreur, ponctuation, exercices d’écriture puis rédaction)
3) mercredi (tous les 15 jours) : oral (lecture à voix haute, récitation, exercices de théâtre, débat)
4) jeudi : grammaire (natures et fonctions avec une progression personnalisée par élève)
5) vendredi : orthographe (dictée ou exercices spécifiques), conjugaison et vocabulaire en alternance.

Pour information, certains IPR peuvent insister lourdement sur le fait que recopier un texte sans faute, ce n'est pas de l'écriture mais de la grammaire.

Aujourd'hui, les IPR ne sont plus forcément ultra favorables au décloisonnement. Chez nous, pas de souci pour cloisonner, à partir du moment où on utilise aussi des phrases sorties des textes littéraires pour faire travailler les élèves en grammaire (un peu à la manière du brevet).

Je cloisonne avec une progression de langue complètement à part. Ma progression en écriture est rattachée à la partie littérature. J'ai donc deux grandes parties dans le classeur : chapitres et langue. Je n'ai pas une répartition sur la semaine mais j'alterne : une leçon de langue, une étude de texte, un travail d'écriture. Je trouve cela plus souple. Je peux enchaîner deux textes si cela me semble pertinent, passer une semaine sur une grosse leçon de grammaire, faire deux petits exercices d'écriture dans la semaine, etc. Comme Ombre, j'essaie de travailler le vocabulaire le plus souvent possible, à l'occasion des textes et de l'écriture, mais aussi des exercices de grammaire.

En 6e/5e, je pratique le semi-cloisonnement, ce qui signifie que je mène une séquence où j'alterne entre des séances de lecture et de grammaire autour du même thème. Les phrases des exercices sont en lien avec le thème de la séquence, par exemple, les monstres dans les contes. L'activité finale d'écriture en fin de chaque leçon de grammaire est également liée à ce même thème. Cependant, on ne peut pas parler véritablement de séquences à partir du moment où je n'ai pas de tâche finale en lien direct avec ce que j’ai travaillé en grammaire, je suis ma progression c'est tout, mais avec le thème du chapitre que je vois en lecture (et encore, si possible).

En 4e/3e, je préfère opter pour une séparation complète entre les leçons de grammaire et les chapitres de lecture.

clélia a écrit:Je cloisonne avec une progression de langue complètement à part. Ma progression en écriture est rattachée à la partie littérature. J'ai donc deux grandes parties dans le classeur : chapitres et langue. Je n'ai pas une répartition sur la semaine mais j'alterne : une leçon de langue, une étude de texte, un travail d'écriture. Je trouve cela plus souple. Je peux enchaîner deux textes si cela me semble pertinent, passer une semaine sur une grosse leçon de grammaire, faire deux petits exercices d'écriture dans la semaine, etc. Comme Ombre, j'essaie de travailler le vocabulaire le plus souvent possible, à l'occasion des textes et de l'écriture, mais aussi des exercices de grammaire.

Je fonctionne de la même manière.
Les élèves ont en plus un petit cahier dans lequel nous faisons les activités flash de début d'heure (une phrase de dictée, un exercice de vocabulaire, une grille de mots croisés de conjugaison, une analyse de phrase, un exercice d'orthographe...).

Je fonctionne aussi en unités grâce à ce forum qui m'a fait découvrir ce fonctionnement.
Nous faisons donc plusieurs leçons de langue par unité (ex. dans l'unité à dominante lexique "le sens des mots" : polysémie, synonymie/antonymie, sens propre et figuré, péjoratif/mélioratif ; dans l'unité à dominante grammaire "le GN" on revoit les natures qui posent problème mais aussi les expansions du nom, le degré de l'adjectif etc.).
Sur une période j'arrive à faire une unité de littérature complète et pas mal de leçons de langue, beaucoup plus que du temps où je fonctionnais en séquence.

Et en 3e, l'heure hebdomadaire de co-enseignement sert uniquement à la méthodologie, j'avais tenté l'an dernier et ça m'avait permis d'aborder plus de choses que si je fais la méthodo de façon perlée. 1h par semaine pour travailler l'argumentation et la rédaction, ce n'est pas de trop.