Penser à l’enseignement supérieur en venant d’ailleurs

Bonjours à toutes et à tous,

Parcourant le forum Neoprof depuis quelques mois afin de grappiller toute information pouvant m’être utile, je décide de me lancer à mon tour afin de requérir votre avis sur mon projet de reconversion.

Pour me présenter brièvement, j’ai un parcours quelques peu atypique (CPGE ECE, école de commerce puis Sciences Po en DD) et je travaille actuellement en région parisienne dans le conseil.

Regrettant de ne pas avoir développé mon côté « littéraire » où j’étais bien meilleur (à relativiser évidemment car j’étais en ES) et attiré par l’enseignement supérieur, j’ai candidaté dans plusieurs masters de lettres modernes / LLCE (anglais) où j’ai été pris (i.e. philo en L3). J’ai le choix entre le présentiel et le distanciel.

Vous vous demanderez sans doute : « Mais alors, où veut-il en venir ? ». Et bien je me fais du mauvais sang ! J’ai pu lire sur ce forum qu’enseigner dans le supérieur est un vrai parcours du combattant (agreg comme pré-requis, très peu de postes, etc.). Ne voulant pas enseigner en lycée ou en prépa, je conçois qu’un tel projet semble bien risqué. Il y a toujours l’étranger comme horizon cependant pour enseigner !

Est-ce vraiment si difficile de s’y épanouir et d’entamer une carrière dans le supérieur ? Je vois quelques profils doctorants non agrégés qui semblent bien partis ou d’autres qui sont devenus MCF également. Le secret est-il d’être en harmonie avec son directeur de thèse pour enseigner ensuite dans son université (du moins pour débuter) ?

Ces questionnements sont un peu candides mais n’ayant aucun membre de ma famille ni de mon entourage dans l’enseignement, je suis un vrai néophyte en la matière.

Je vous remercie par avance pour votre retour sur ces points ; devant trancher sous peu, peut-être me permettront-ils d’y voir plus clair.

Bien à vous

À mon avis, malheureusement, il n'y a pas de secret : le manque de postes, la baisse drastique des recrutements depuis quelques années et l'augmentation du nombre de postulants dotés d'un très bon dossier donnent au projet de devenir enseignant dans le supérieur très très peu de chances. En philo, puisque je crois comprendre que c'est ce que tu veux faire, la chose est devenue particulièrement difficile.

Je te remercie pour ta réponse. J’avoue hésiter entre la littérature (LM ou LLCE anglais pour la littérature américaine) et la philosophie même si je pense qu’avec la littérature comparée je pourrai balayer un champ large et transmettre mon engouement ! Quand on parle au nombre de postes dans le supérieur, ils se comptent sur les doigts d’une main ? J’ai vu plusieurs postes d’Ater en cherchant sur le net mais pour ce qui est de Galaxie (il me semble que c’est là qu’il faut chercher pour les MCF par exemple), il me semble ne pas avoir vu grand chose …

Pour l'instant, la campagne précédente est close. Il va y avoir quelques postes au fil de l'eau (5 ou 6 actuellement), mais on saura où l'on en est probablement en novembre. Il peut y avoir des fluctuations d'une section à l'autre, mais la tendance générale n'est guère favorable et je serais étonné que cela change.

Je ne saurais dire s'il y a beaucoup de reconversions vers des postes d'enseignants-chercheurs, vu le nombre de candidats laissés en marge en cursus "classique".
Dans certains cas, les doctorants donnent des cours pendant leur doctorat (dans la fac d'inscription ou pas), soit via un contrat doctoral (projet de thèse financé pendant trois ans, dont en général deux avec mission d'enseignement), soit via un contrat d'ATER en fin de thèse, soit, cas moins favorable mais très fréquent, en tant que vacataire.

Il y avait trois postes en littérature américaine à la campagne 2023 (+ un littérature et civilisation américaines), approximativement la même chose en 2022, 2021 et entre 50 et 90 candidatures recevables pour chaque d'après ce que j'en ai su.

Je doute qu'il y ait beaucoup de postes en littérature comparée. Dans tous les cas, ce sont des discussions à avoir avec les personnes qui te suivront en master et/ou doctorat mais les discours et les réalités ne sont pas très optimistes.

Je serai un peu (trop?) direct : re-commencer des études en ayant pour tout intérêt d'obtenir un poste fixe à l'université me paraît un projet voué à l'échec.
Déjà les gens qui commencent un doctorat n'ont que de vagues espoirs, les postdocs ne peuvent que croiser les doigts (et espérer qu'ils auront fait les "bons" choix)... Plus, dans ton cas, la question de l'âge : combien d'années passent en moyenne les candidats à faire CV avant de décrocher un premier poste après le doctorat ? Quel âge auras-tu à ce moment-là ?
Après, qui ne tente rien n'a rien.
Deux précisions : avoir un poste en classe prépa ou dans une université étrangère peut être plus compliqué qu'un poste d'EC en France: avoir l'étranger comme horizon (c'est-à-dire, un poste d'enseignant-chercheur en littérature comparée / études anglaises dans une université étrangère) risque ne ne pas t'aider énormément à trouver un emploi...
Mais tous les gagnants ont essayé.

Ca me paraît en effet bien aléatoire...

Je vous remercie chaleureusement pour vos retours éclairants et complets. Conscient de ces difficultés, sans doute que garder mon emploi et passer le master à distance pourrait être un moyen d’avancer quelque peu et d’aviser par la suite. Pour l’instant j’ai 23 ans, un peu de temps devant moi mais il est vrai que l’horizon assez bouché est une vraie source d’angoisse pour tenter « le drop ».

Ergo, sais-tu si plus largement les lettres modernes traditionnelles ouvrent plus de voie ? De toute façon il faudra se spécialiser sur un siècle ou une période et donc in fine voir la liste de postes potentiels se réduire …

Merci à vous

Je vais être franche, il faut mieux avoir une certaine appétence pour le secondaire où tu risques d’atterrir temporairement ou plus durablement. Tu es jeune, c’est plutôt un atout. Mais les places sont extrêmement rares et disputées entre des candidats brillants.

L'agrégation reste d'autre part un concours de recrutement de l'enseignement secondaire même si le stage peut se faire dans le supérieur. Même dans ce cas, rien ne t'y assure une place et encore moins une place stable.

JoeBlackk a écrit:Je vous remercie chaleureusement pour vos retours éclairants et complets. Conscient de ces difficultés, sans doute que garder mon emploi et passer le master à distance pourrait être un moyen d’avancer quelque peu et d’aviser par la suite. Pour l’instant j’ai 23 ans, un peu de temps devant moi mais il est vrai que l’horizon assez bouché est une vraie source d’angoisse pour tenter « le drop ».

Ergo, sais-tu si plus largement les lettres modernes traditionnelles ouvrent plus de voie ? De toute façon il faudra se spécialiser sur un siècle ou une période et donc in fine voir la liste de postes potentiels se réduire …

Merci à vous

Tu as 23 ans, tu es encore très jeune, donc pourquoi ne pas tenter une réorientation… Mais si je comprends bien tu envisages tout juste de t’inscrire en master ?? C’est donc beaucoup trop tôt pour songer à un quelconque poste dans le supérieur. En « lettres modernes traditionnelles », comme tu dis (ce qui inclut en fait la littérature comparée), il faudrait que tu passes un M1/M2 recherche (2 ans), puis que tu passes l’agrégation (minimum un an et comme tu n’as pas suivi ce cursus jusqu’à présent tu risques d’avoir des lacunes et de mettre plus de temps), puis que tu fasses un doctorat (minimum 4 ans en admettant que tu sois financé et que tu puisses le faire à temps plein, ce qui n’est pas acquis), puis que tu te fasses qualifier aux fonctions de mcf et que tu fasses de (très) longues années de campagne de recrutement, qui impliquent souvent d’avoir eu des postes précaires à l’université, type ATER. Donc ne compte pas sur un poste dans le supérieur avant 35 ans, et encore, si vraiment tu as beaucoup de chance.
Après je ne dis pas ça pour te décourager, mais là je t’ai décrit la situation de gens qui ont fait des études complètes de lettres, souvent en prepa, parfois en poursuivant à l’ENS, qui ont obtenu l’agreg… pour un profil comme le tien, ça parait, certes pas inaccessible, mais plus beaucoup compliqué.
Je te mets en garde, parce que tes messages traduisent une méconnaissance totale de la façon dont fonctionne le supérieur (tu en es toi même conscient). Et il ne faut pas s’engager là-dedans sans savoir, ce serait aller au devant de très cruelles déceptions. En revanche, si tu as envie de faire un master de lettres, fonce : il y a d’autres débouchés et ça te donnera le temps d’avoir d’autres idées et de construire un projet qui te convienne et qui soit réaliste.

Je pensais à un peu plus âgé que 23 ans , ce n'est donc pas tout à fait la même chose. Toutefois, je rejoins Iridiane sur le message ci-dessus et Jenny sur la probabilité du secondaire, les concours étant encore relativement inévitables dans les disciplines que tu cites.

Ergo a écrit:Je pensais à un peu plus âgé que 23 ans , ce n'est donc pas tout à fait la même chose. Toutefois, je rejoins Iridiane sur le message ci-dessus et Jenny sur la probabilité du secondaire, les concours étant encore relativement inévitables dans les disciplines que tu cites.

Oui, l'expression "projet de reconversion" dans le message initial m'a aussi mis sur la mauvaise voie.

Je vous renouvelle mes remerciements pour vos retours ; une source d’angoisse supplémentaire quelque part mais qui démystifie l’image d’Épinal que j’ai sans doute de l’enseignement supérieur.

Lorsque l’on parle de l’agrégation pour accéder à des postes de MCF, est-ce bien considéré comme un pré-requis implicite pour trouver un poste ? Si non, peut-être que le doctorat, des heures d’enseignement (en tant que chargé de cours par exemple) et de bonnes relations avec son directeur de thèse peuvent suffire à donner l’impulsion à la carrière ?

Je devrais sans doute séquencer le parcours avant d’y arriver mais ayant bien en tête le chemin de croix que tu décris Iridiane avec le filet du collège / lycée où je ne pense pas me sentir à ma place (malgré l’envie d’aider des jeunes et de partager, mes souvenirs du bazars constant, des élèves difficiles ou non investis, etc.), j’ai l’impression d’avoir à jouer à la roulette à mon avenir ^^’ ! Pourtant cette idée me trotte dans la tête depuis un petit bout de temps …

Encore merci pour le temps que vous m’accordez, il m’est utile pour avancer.

En vous souhaitant un beau vendredi !

Tout dépend des disciplines mais en lettres et en philo notamment (puisque tu as mentionné ces deux disciplines), l’agrégation est indispensable dans la majorité des cas, surtout pour obtenir un contrat doctoral. Certains y parviennent avec un CAPES.
En lettres ainsi que dans certaines autres disciplines, il existe aussi une agrégation spéciale pour les docteurs, qu’on passe donc après la thèse. Mais l’idée est toujours la même: avoir un doctorat sans concours de l’enseignement, non seulement c’est pénalisant pour être recruté dans le supérieur (il ne faut pas oublier que tu peux te retrouver à enseigner dans les prépas concours, CAPES et agreg, et sans les avoir toi même passés c’est plus compliqué), mais en plus c’est très risqué car on peut facilement se retrouver le bec dans l’eau.
Ceci étant dit, comme je le disais précédemment, tu es encore jeune: tu as le temps de passer ces concours. Tu obtiendras sans doute facilement le CAPES à l’issue de tes deux années de master, pour l’agrégation ce sera sans doute plus compliqué mais pas impossible.