[Le Monde] L'école, mauvaise élève face à l'urgence climatique

Trente ans plus tard, « la situation est complètement disparate », constate Nadège Havet, sénatrice (Renaissance) du Finistère et rapporteuse de la mission d’information sur le bâti scolaire du Sénat, qui a remis ses conclusions le 29 juin. Une chose est sûre : le chantier pour adapter les établissements scolaires au changement climatique est pharaonique. Selon les spécialistes, au moins huit écoles, collèges et lycées sur dix doivent connaître des opérations de rénovation pour respecter les normes de performances énergétiques.

L'article évoque notamment un lycée muni de verrières... à Marseille

Achevé il y a seulement onze ans, le lycée Nelson-Mandela de Marseille, couvert de 730 mètres carrés de panneaux photovoltaïques, a reçu le label E3D, pour « établissement en démarche globale de développement durable », ainsi que le label « Une COP d’avance ». Mais, quand il s’agit de parler de la température dans le lycée, Mélanie, élève de 2de, est sans appel : « C’est un four ! » La cour goudronnée, seulement bordée de végétation, n’offre pas un espace d’ombre, ce qui lui vaut le surnom de « désert du Sahel ». « À partir du mois de mai, on a tous nos pistolets avec nous pour s’arroser dès qu’on peut », raconte Lizzie, une élève de 1re. Les toits végétalisés initialement prévus n’ont pas survécu, les factures d’eau étaient trop élevées et des fuites apparaissaient.

En déplacement à Marseille, fin juin, Emmanuel Macron a rouvert le débat explosif de la durée des vacances d’été, la jugeant « trop longue » et porteuse d’inégalités. Il a décidé de lancer une concertation sur le sujet, sans un mot sur la question du réchauffement climatique qui va rebattre les cartes dans un autre sens : peut-on raccourcir les congés d’été alors que les périodes de fortes chaleurs vont s’étaler au-delà des mois de juillet et d’août ?

https://www.lemonde.fr/planete/visuel/2023/07/05/l-ecole-mauvaise-eleve-face-a-l-urgence-climatique_6180638_3244.html

Un lien également vers cet article qui évoque des financements possibles : https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/05/09/edurenov-2-milliards-d-euros-pour-renover-10-000-ecoles-colleges-et-lycees-d-ici-a-2027_6172685_3224.html

Intéressant comme article.
En attendant de grosses rénovations, pourquoi, mais pourquoi n'écoutent-ils pas les professeurs? On l'a déjà demandé pendant la crise du covid : donner la clé des fenêtres basculantes aux enseignants (à ma connaissance la grande majorité des fenêtres des collèges/lycées sont de ce type) permettrait déjà au moins de rafraîchir les classes avant l'arrivée des élèves... mais non, c'est trop dangereux d'ouvrir les fenêtres en grand, y compris en l'absence d'élèves, y compris au rez de chaussée.
La bêtise de nos institutions est parfois désespérante.

Dans les rénovations à peu de coût sinon : volets roulants extérieurs (et entretenir les actuels!), ventilateurs, rétroprojecteurs moins énergivores, "casquettes" au-dessus des fenêtres...

Et de 2...
https://www.marianne.net/societe/education/ce-nest-pas-de-lecole-cest-de-la-survie-les-etablissements-scolaires-face-aux-grosses-chaleurs

Alors que les vacances d’été approchent, de nombreux enseignants déplorent les chaleurs étouffantes dans leurs classes. Réchauffement climatique et explosions des prix de l’énergie rendent indispensables une vaste rénovation thermique des établissements scolaires.

Article où tout est dit en quelques mots :

« On estime qu’environ 10 % du bâti scolaire est dans un état critique, indique Francesca Pasquini*. Mais pour le reste on ne sait pas vraiment. »
[* co-rapporteure de l’une mission d’information à l’Assemblée nationale sur l’adaptation de l’école aux enjeux climatiques.]

En réalité, ils ne savent pas et n'arrivent pas à savoir où l'on en est, ni donc combien cela pourrait coûter, ni donc par quoi, par où commencer, ni comment faire, ni donc quoi décider… Nous sommes gouvernés par des gens qui sont, pour parler littéralement, des incapables : ils n'ont rien prévu depuis des (dizaines d') années, ne savent pas ce qu'il en est et ils ne savent même pas comment ils pourraient faire. C'est extrêmement réconfortant et rassurant.

epekeina.tes.ousias a écrit:Article où tout est dit en quelques mots :

« On estime qu’environ 10 % du bâti scolaire est dans un état critique, indique Francesca Pasquini*. Mais pour le reste on ne sait pas vraiment. »

[*]

En réalité, ils ne savent pas et n'arrivent pas à savoir où l'on en est, ni donc combien cela pourrait coûter, ni donc par quoi, par où commencer, ni comment faire, ni donc quoi décider… Nous sommes gouvernés par des gens qui sont, pour parler littéralement, des incapables : ils n'ont rien prévu depuis des (dizaines d') années, ne savent pas ce qu'il en est et ils ne savent même pas comment ils pourraient faire. C'est extrêmement réconfortant et rassurant.

Je ne saurais dire mieux. Et ce n'est malheureusement pas valable que pour le bâti scolaire.

Si « gouverner, c’est prévoir », effectivement ils ne sont pas doués… Ils peuvent en profiter pour vous virer l’amiante aussi.

Pour adoucir la sévérité de certains jugements, je signale :

-jusqu'à il y a encore 5 ans, quand je me plaignais de la chaleur, je passais 9 fois sur 10 pour un handicapé et non pour un lanceur d'alerte. Les bulletins météo continuent obstinément à parler de beau temps pour désigner un ciel d'intervalle à températures élevées, et tout temps possiblement à pluie s'appelle temps perturbé, perturbations, etc. Les premiers efforts des bulletins météo grand public pour parler de la chaleur estivale en termes péjoratifs voire simplement neutres n'ont pas dix ans...
Dit autrement, les médias, qui, quoi qu'on dise, en démocratie, reflètent les réflexes de leurs utilisateurs, n'aident pas les décideurs, qui les lisent (et même bien trop et trop exclusivement), à accélérer des prises de conscience.

-la lutte pour isoler les logements a donc commencé fort logiquement durant un demi-siècle par contrer le froid, point. Or la majorité des opérations d'isolation les moins chères tout comme la majorité des isolants les moins chers sont des mécaniques devenant infernales en été. Je suppose donc que les label E3D ne tiennent encore aucun compte des mesures d'isolation estivale, tout simplement.

Enfin je ne suis pas sûr que nous ayons encore assez d'artisans ou de techniciens compétents en matière d'isolation estivale compte tenu du côté très récent des demandes dans le secteur. Je ne crois pas surprendre dans un forum de professeurs en soulignant que des compétences ne s'improvisent pas.

Concernant les mesures de bon sens : ventiler efficacement de nuit, c'est ventiler entre les étages et non par étage (circulation d'appel de l'air plus frais du rez de chaussée vers les étages). Or ouvrir les rez de chaussée en été est d'abord un souci d'insécurité, de lutte contre le vol ; quand il y avait un respect de l'école et des bâtiments publics en général d'une part, et surtout guère plus que des boîtes de craie à voler d'autre part, aérer la nuit était facile. Une solution serait d'admettre qu'il faut des emplois de gardiennage de nuit dans les écoles pour gérer ces ouvertures nocturnes. Emplois qui permettraient d'ailleurs de pourvoir des personnes peu ou pas formées pour le coup en jobs. Encore des sous, hé oui, mais le réchauffement comme l'insécurité ont un coût. Et retarder la lutte ne fera qu'aggraver la facture ultérieure.

Mmmm… Il y a 15 ans, alors qu'on nous présentait un nouveau bâtiment “HQE”, en insistant sur la baisse des factures en hiver, j'avais demandé ce qu'il se passait en été (bon, j'avais été un peu insistant) : il se trouve que c'est bien ce que je pensais… Si ce n'est pas un mélange (dont les proportions restent à déterminer) d'incompétence notoire et de captation des crédits publics, je me demande bien ce que c'est. Toujours la même chose : “on ne savait pas”. Alors qu'il faut ajouter : “on n'avait pas la capacité de comprendre et on ne voulait pas savoir”. J'ai pour ma part des doutes élevés sur la possibilité que tous ces gens aient réellement changé là, maintenant…

Tant que les politiques resteront pour des raisons électorales dans le temps court, il n'y aura pas d'améliorations.
Après moi le déluge...

Pontorson50 a écrit:Enfin je ne suis pas sûr que nous ayons encore assez d'artisans ou de techniciens compétents en matière d'isolation estivale compte tenu du côté très récent des demandes dans le secteur. Je ne crois pas surprendre dans un forum de professeurs en soulignant que des compétences ne s'improvisent pas.

En réalité, quand on veut on peut et si l'on voulait, on pourrait tout à fait — https://www.lemonde.fr/planete/visuel/2023/07/05/a-lille-l-ecole-pensee-pour-resister-aux-temperatures-extremes_6180644_3244.html

A forte inertie thermique, doublée de ce qu’il faut d’isolant, sa structure en béton conserve, en été, la fraîcheur engrangée de nuit lorsque les fenêtres (à triple vitrage) s’ouvrent automatiquement. Ajoutez une ventilation intérieure double flux, et encore des capteurs de CO2 ajustant le débit d’air aux besoins, additionnez le tout et tendez l’ardoise, vous obtenez « un bâtiment quasiment passif, c’est-à-dire qui consomme extrêmement peu d’énergie, même s’il est raccordé au réseau de chauffage urbain », assure M. Chartier. Foi d’architecte, « tout ce qu’offre la connaissance technique a été mis en œuvre pour répondre aux besoins des vingt-cinq prochaines années ».

Le problème n'est ni le savoir, ni la technique, ni le savoir-faire — le problème est d'attribuer des crédits publics à des projets intelligents et non à des projets juteux.

Projets juteux ou "gestes architecturaux" qui font que l'esthétique l'emporte sur le pratique.

Caspar a écrit:Projets juteux ou "gestes architecturaux" qui font que l'esthétique l'emporte sur le pratique.

Je ne pensais pas tant à ce genre de choses, qui peut bien exister, qu'à quelque chose de plus massif : toutes les constructions mobilisent des crédits publics élevés, ce qui crée un appel d'air et des possibilités de bénéfices. Jusqu'à un certain point, ce n'est ni étonnant ni anormal. Mais on peut s'étonner tout de même de l'état actuel des choses : on proclame qu'il faut lancer un grand plan de rénovation du bâti, mais sans savoir exactement où l'on en est, et je n'ai vu aucune discussion autre sur ce qu'il convient de bâtir, comment, etc. Je sens qu'on va encore devoir “faire confiance à la société civile, à son énergie et son intelligence”. Comme d'habitude. Qui aurait pu prévoir, n'est-ce pas ?

Oui, je suis d'accord, le "geste arcitectural" concerne en général des projets plus prestigieux que les établissements scolaires.

J''ai travaillé en 2017-2018 dans une école neuve prévue pour être un chef d'oeuvre d'isolation thermique et d'économies d'énergie.
Ma classe était une cage de verre.

Au bout de deux mois de réclamations car il faisait 12° et les enfants travaillaient en manteau, on  m'a apporté un chauffage d'apoint genre grille-pain avec une turbine qui a dû coûter cher en électricité. Je ne sais pas ce qu'il est advenu par la suite.

Caspar a écrit:Oui, je suis d'accord, le "geste arcitectural" concerne en général des projets plus prestigieux que les établissements scolaires.

Dans l'article du Monde, les aberrations en terme architectural sont évoquées ...

« Si on agit pour limiter la consommation en hiver sans réfléchir au confort d’été, on favorise l’ensoleillement pour utiliser moins de chauffage, on isole pour conserver la chaleur… », détaille Didier Terral, responsable des programmes immobiliers de la région Occitanie. « On a créé comme ça des bâtiments qui, même récents et a priori performants, sont invivables en été. On va le payer longtemps. »

Achevé il y a seulement onze ans, le lycée Nelson-Mandela de Marseille, couvert de 730 mètres carrés de panneaux photovoltaïques, a reçu le label E3D, pour « établissement en démarche globale de développement durable », ainsi que le label « Une COP d’avance ». Mais, quand il s’agit de parler de la température dans le lycée, Mélanie, élève de 2de, est sans appel : « C’est un four ! » La cour goudronnée, seulement bordée de végétation, n’offre pas un espace d’ombre, ce qui lui vaut le surnom de « désert du Sahel ». « À partir du mois de mai, on a tous nos pistolets avec nous pour s’arroser dès qu’on peut », raconte Lizzie, une élève de 1re. Les toits végétalisés initialement prévus n’ont pas survécu, les factures d’eau étaient trop élevées et des fuites apparaissaient.

Verdurette a écrit:J''ai travaillé en 2017-2018 dans une école neuve prévue pour être un chef d'oeuvre d'isolation thermique et d'économies d'énergie.
Ma classe était une cage de verre.

Au bout de deux mois de réclamations car il faisait 12° et les enfants travaillaient en manteau, on  m'a apporté un chauffage d'apoint genre grille-pain avec une turbine qui a dû coûter cher en électricité. Je ne sais pas ce qu'il est advenu par la suite.

Exactement cela. Sachant qu'il existe un grand nombre de techniques (éprouvées) pour ne pas tomber dans ce genre de catastrophe industrielle, j'ai tout de même du mal à croire qu'il ne s'agit pas d'une escroquerie du genre détournement de fonds publics…

On y crève de froid en hiver et on y crève de chaud en été, et ceci dans un grand nombre d'écoles neuves. J'en connais un certain nombre : moins de dix ans d'âge et invivables — et depuis le point de départ. Mais proteste-t-on que l'on s'entend répondre qu'“on n'y peut rien”, ce qui revient à tirer un trait sur les causes et les responsabilités au prétexte du fait accompli.

En attendant, les enfants voient leur scolarité et leurs conditions de vie gravement compromises (idem, les adultes).

Pour tous ceux qui s’intéressent à la question, voici ici une belle mine d'informations sur ce qui marche dans l'habitat :

https://www.youtube.com/@PapyClaude
https://www.youtube.com/@PapyClaude