Préparer aux exigences du CAP après une UPE2A

Chers collègues de LP,

J'explique mon titre nébuleux... J'enseigne en UPE2A NSA, c'est donc moi qui ai en classe quelques uns des élèves allophones qui vous arriveront l'année prochaine.
Pour avoir de leurs nouvelles ensuite, je sais que c'est rude, même pour les plus sérieux d'entre eux, et ne nous voilons pas la face, après une NSA (classes d'élèves Non Scolarisés Antérieurement, ou trop peu pour en parler, ou... avec des troubles de l'apprentissage, c'est pour moi aussi), accrocher une scolarité classique est très, très difficile.
J'ai cette année un élève guinéen plutôt francophone, qui avait déjà passé quelques mois dans mon collège l'an dernier, a beaucoup bossé cet été (ça arrive !), dont je peux presque dire qu'il est lecteur et peine encore à l'écrit. Pas d'inclusion en dehors de l'EPS, on privilégie maths et français (il manquerait des heures sinon), et pour une fois (pardon, c'est un constat terrible), je pense que bien préparé... il pourrait réussir sans trop de douleur en CAP.
Bref. Je le prépare au DELF, il l'aura vu ses progrès, et je voudrais le préparer à la hauteur de la marche qui l'attend.

Et je me tourne vers vous, collègues de LP : qu'est-ce qui vous parait prioritaire ? Quels textes lui proposer à lire, qui paraissent fondamentaux plutôt que d'autres ?
Que prioriser en écriture ? La syntaxe, ou la longueur d'un texte ?
Je prends tout conseil !

J’enseigne également en upe2a nsa et je peux dire que pas mal de LP se sont adaptés et font passer le CAP en 3 ans au lieu de 2. Je favorise beaucoup ces établissements pour l’orientation et on leur propose souvent quelques heures de soutien linguistique. Ne pas hésiter à passer un coup de fil aux chefs d’établissement pour savoir ce qui est proposé aux élèves allophones. Ces élèves sont souvent très volontaires et peuvent progresser si on leur laisse plus de temps.

Moi je favorise beaucoup la production écrite car en France l’évaluation se fait essentiellement à l’écrit.

Merci de ta réponse !
Je connais la suite et le fonctionnement des établissements alentours. Les taux d'élèves allophones y sont importants en CAP, et ceux d'échecs... aussi. Ils sont pourtant accompagnés, ont droit à des heures de soutien en français, mais après une NSA, on ne fait pas de miracle.

D'où ma question : pour une fois que j'ai un élève qui s'adapte si bien à la scolarité, j'aimerais cibler au mieux. De la production écrite, je lui en fais faire, mais on ne rattrape pas des années de scolarité si facilement non plus, du coup... je me demande ce qu'il est préférable de cibler.

Ceci dit, ton mail me rappelle que je dois avoir quelques part les coordonnées d'une homologue en LP, je vais la contacter.

Angua a écrit:Merci de ta réponse !
Je connais la suite et le fonctionnement des établissements alentours. Les taux d'élèves allophones y sont importants en CAP, et ceux d'échecs... aussi. Ils sont pourtant accompagnés, ont droit à des heures de soutien en français, mais après une NSA, on ne fait pas de miracle.

D'où ma question : pour une fois que j'ai un élève qui s'adapte si bien à la scolarité, j'aimerais cibler au mieux. De la production écrite, je lui en fais faire, mais on ne rattrape pas des années de scolarité si facilement non plus, du coup... je me demande ce qu'il est préférable de cibler.

Ceci dit, ton mail me rappelle que je dois avoir quelques part les coordonnées d'une homologue en LP, je vais la contacter.

Production écrite, oui et compréhension de documents. Attention car chez moi, les élèves allophones sont de moins en moins orientés en CAP mais de plus en plus en seconde bac pro. Les CAP deviennent des classes réservées pour les élèves sortant de SEGPA ou ULIS. Il faut savoir que nous n'avons plus que 2 h de Français-Histoire-Géo (et éventuellement, une heure d'AP) autant te dire que faire progresser les élèves allophones, ce n'est pas possible...

Je me rends compte à la lecture de ton message que mon mail a pu paraître prescripteur. Dans le genre « il suffit de… ».Le système est inadapté pour beaucoup d’élèves allophones la majorité des NSA et je suis toujours inquiète de les envoyer au casse-pipe. Je privilégie la prise d’informations sur le terrain…et en effet avoir directement les professeurs de LP est une solution pour donner une chance de réussite…J’espère que tu pourras trouver des informations pour aider ton élève. Bonne continuation.

Angua a écrit:Chers collègues de LP,

J'explique mon titre nébuleux... J'enseigne en UPE2A NSA, c'est donc moi qui ai en classe quelques uns des élèves allophones qui vous arriveront l'année prochaine.
Pour avoir de leurs nouvelles ensuite, je sais que c'est rude, même pour les plus sérieux d'entre eux, et ne nous voilons pas la face, après une NSA (classes d'élèves Non Scolarisés Antérieurement, ou trop peu pour en parler, ou... avec des troubles de l'apprentissage, c'est pour moi aussi), accrocher une scolarité classique est très, très difficile.
J'ai cette année un élève guinéen plutôt francophone, qui avait déjà passé quelques mois dans mon collège l'an dernier, a beaucoup bossé cet été (ça arrive !), dont je peux presque dire qu'il est lecteur et peine encore à l'écrit. Pas d'inclusion en dehors de l'EPS, on privilégie maths et français (il manquerait des heures sinon), et pour une fois (pardon, c'est un constat terrible), je pense que bien préparé... il pourrait réussir sans trop de douleur en CAP.
Bref. Je le prépare au DELF, il l'aura vu ses progrès, et je voudrais le préparer à la hauteur de la marche qui l'attend.

Et je me tourne vers vous, collègues de LP : qu'est-ce qui vous parait prioritaire ? Quels textes lui proposer à lire, qui paraissent fondamentaux plutôt que d'autres ?
Que prioriser en écriture ? La syntaxe, ou la longueur d'un texte ?
Je prends tout conseil !  

Je peux te renseigner sur les objectifs et la teneur des épreuves en CAP, en tout cas en ce qui concerne le français et l'histoire-géo (et en général c'est assez rassurant pour les élèves qui font des efforts, car les épreuves sont en CCF et ont lieu "quand les élèves sont prêts", la dernière limite étant fin mai le plus souvent).
Cela dit, quelle spécialité envisage ton élève? (dans le domaine pro, pour devenir cuisinier il faut connaître les proportions pour bien répartir les ingrédients, pour être dans le secteur "aide à la personne" il faut être capable de lire les fiches que les soignants donnent à leurs équipes etc).
Et pour la lecture/ écriture je ne me rends pas compte de ce qui pourrait l'aider: lire des livres niveau CM2 pour connaître les phrases simples et se familiariser avec le vocabulaire? Viser bien plus haut, niveau collège? Qu'est-il capable de faire déjà? (compréhension orale, écrite?)
D'ores et déjà je sais que passer par la lecture de saynètes ou l'écoute de chansons peut être formateur (l'élève lit, peut jouer devant les autres, apprendre puis réciter son texte, recopier des phrases pour s'imprégner de la langue...)
Je dirais que si la syntaxe est correcte, est travaillée crescendo, phrase après phrase puis paragraphe par paragraphe, au bout d'un moment la longueur du texte se fera toute seule.
Ce que l'on souhaite évidemment c'est que l'élève soit capable de lire et de comprendre des consignes, et de produire des textes correctement écrits...
Mais cela reste parfois un voeu pieux (ce qui n'empêche pas certains allophones d'obtenir leur CAP avec des notes assez rudes en matières générales, sauvés qu'ils sont par leurs stages et leurs épreuves pratiques).

Mika25 a écrit:Je me rends compte à la lecture de ton message que mon mail a pu paraître prescripteur. Dans le genre « il suffit de… ».Le système est inadapté pour beaucoup d’élèves allophones la majorité des NSA et je suis toujours inquiète de les envoyer au casse-pipe. Je privilégie la prise d’informations sur le terrain…et en effet avoir directement les professeurs de LP est une solution pour donner une chance de réussite…J’espère que tu pourras trouver des informations pour aider ton élève. Bonne continuation.

Hélas... c'est l'impression que j'ai chaque année au moment des vœux d'orientation, et pire, de la remise des affectations.

zigmag17 a écrit:[...]
Je peux te renseigner sur les objectifs et la teneur des épreuves en CAP, en tout cas en ce qui concerne le français et l'histoire-géo (et en général c'est assez rassurant pour les élèves qui font des efforts, car les épreuves sont en CCF et ont lieu "quand les élèves sont prêts", la dernière limite étant fin mai le plus souvent).

Si tu as quelques liens clairs (et soyons honnêtes, pas trop chronophage pour qui les découvre... ) , je suis preneuse !

Cela dit, quelle spécialité envisage ton élève? (dans le domaine pro, pour devenir cuisinier il faut connaître les proportions pour bien répartir les ingrédients, pour être dans le secteur "aide à la personne" il faut être capable de lire les fiches que les soignants donnent à leurs équipes etc).

Après envisagé la serrurerie, il serait plutôt vers la logistique (il des copains lancés dans ce CAP, qui a la réputation de permettre de bosser vite et... qui est peu demandé.) Pour être arrivé en fin d'année scolaire, il a vu (et compris, ce qui n'est pas toujours simple) que quels que soient les vœux formulés, ils n'étaient pas forcément obtenus, même avec la bonification public particulier.

Et pour la lecture/ écriture je ne me rends pas compte de ce qui pourrait l'aider: lire des livres niveau CM2 pour connaître les phrases simples et se familiariser avec le vocabulaire? Viser bien plus haut, niveau collège? Qu'est-il capable de faire déjà? (compréhension orale, écrite?)
D'ores et déjà je sais que passer par la lecture de saynètes ou l'écoute de chansons peut être formateur (l'élève lit, peut jouer devant les autres, apprendre puis réciter son texte, recopier des phrases pour s'imprégner de la langue...)
Je dirais que si la syntaxe est correcte, est travaillée crescendo, phrase après phrase puis paragraphe par paragraphe, au bout d'un moment la longueur du texte se fera toute seule.
Ce que l'on souhaite évidemment c'est que l'élève soit capable de lire et de comprendre des consignes, et de produire des textes correctement écrits...
Mais cela reste parfois un voeu pieux (ce qui n'empêche pas certains allophones d'obtenir leur CAP avec des notes assez rudes en matières générales, sauvés qu'ils sont par leurs stages et leurs épreuves pratiques).

A l'heure actuelle, la communication est plutôt aisée à l'oral (je dirais un peu au-delà du A2, sans aller encore jusqu'au B1) : la syntaxe est parfois malheureuse, l'accent est présent mais pas assez prononcé pour gêner la compréhension d'une oreille "non habituée", mais il a du vocabulaire.
En compréhension écrite, il peut lire un texte d'une dizaine de lignes (avant de se fatiguer et de peiner...), et commence à être capable d'en faire un résumé (et ça n'a l'air de rien, mais combien, ô combien ! vont répéter les premiers mots à la place...). Sur les conseils du doc, il s'est lancé dans quelques romans faciles, mais galère dessus.
En production écrite... c'est compréhensible, mais la ponctuation est mal maitrisée, la syntaxe hésitante et la phonologie conforme à l'oral : des confusions de sons, pas bloquantes pour comprendre, mais difficiles à éradiquer. A ce stade de l'année, il est capable de produire 5 à 10 lignes sur un sujet simple, comme "raconte ce que tu vas faire après les cours en utilisant le verbe aller", certes, pas hautement littéraire, mais... nous sommes en NSA, j'en vois rarement autant !

IL a pour lui d'être très mature (comme souvent les MNA) et motivé. IL est calme, posé, très vif d'esprit, et prêt à travailler dur.

C'est peut-être un peu long je ne sais pas, je te donne le lien eduscol en bas.

Pour être plus rapide, en deux mots:

- en français les élèves doivent présenter un écrit ("écriture longue"), soit une épreuve qui se déroule en trois fois, toujours sur le même document, le professeur ramassant les productions les 2 premières fois en y inscrivant les pistes d'amélioration sur les copies. L'élève améliore donc son texte au fur et à mesure, et lors de la troisième séance, la copie d'examen est ramassée pour être définitivement évaluée.

- en français toujours, l'élève présente lors d'un très bref oral (3 minutes), une tâche de son choix, effectuée pendant l'un de ses stages.

- en histoire-géo, l'élève présente un document étudié ou non en classe (photo, carte), qu'il décrit et commente.

Les élèves sont préparés pendant ces deux ans à leurs oraux. L'écrit reste délicat pour certains mais honnêtement c'est faisable.

Voici un lien eduscol mais ce n'est que pour la seconde CAP je crois.


https://eduscol.education.fr/document/25720/download

Et puis Malavita a raison : les élèves allophones, sauf si le taux de pression est bas en CAP et leur laisse une chance d'y avoir une place, sont plutôt orientés en bac pro et là c'est différent (perspectives de travail personnel, de compréhension et d'écriture qui n'ont rien à voir avec en plus un examen ponctuel en juin, ce qui laisse une marge de manoeuvre très réduite pour les révisions)

Si tu veux l'entraîner à parler correctement puis à restituer un texte court avec des phrases simples, je te suggère par exemple (mais tu l'as peut-être déjà fait ) de lui faire choisir une ou deux photos sur un thème de son choix (sport, musique, camions...).
A partir de là, plusieurs exercices sont possibles : il prépare une présentation orale du document (il décrit la photo, puis explique pourquoi il l'a choisie); il rédige un texte court dans lequel il reprend les mêmes éléments, en essayant de ne pas utiliser d'auxiliaires (ex : pas de "il fait du ballon" mais "il joue au ballon", pas de "il est heureux" mais "son visage montre la joie" etc).
Ensuite tu lui fais inventer un dialogue entre les personnages présents sur la photo, ou entre un personnage de la photo et un personnage imaginaire; tu lui proposes d'imaginer la vie d'un personnage sur la photo, ou de raconter une histoire dans laquelle un élément de la photo est inséré.
Et à chaque fois, tout ce qui est écrit sert de support à une lecture orale, ou vice-versa, tout ce qui est avancé à l'oral est récapitulé à l'écrit.
De cette façon tu le familiarises avec l'oral (critères : la posture, l'élocution, le débit, le ton...) et avec l'écrit (clarté de la syntaxe, logique du raisonnement et rencontre avec la plupart des types de textes et des genres : théâtre, autobiographie...).
Ce qui fonctionne très bien aussi avec les élèves allophones (je l'ai fait l'année dernière en CAP dans le cadre de l'autobiographie) c'est de réfléchir sur une représentation de soi-même sous forme de collage: l'élève dessine ou colle des représentations visuelles des centres d'intérêt qui font partie de sa personnalité (ex: sport, téléphone, voyage, mode...), qu'il met en forme dans un cadre format A4 voire A5, afin de constituer un tableau). Le but est que sans mot, on puisse comprendre qui il est.
Ensuite il doit reprendre tous ces éléments sous forme de liste, en expliquant pourquoi cela lui plaît (cela peut être présenté sous forme d'anaphores, ex "J'aime le football car..., J'aime mon téléphone car..."); tu peux aussi procéder à l'inverse, partir de la liste pour aboutir au tableau.
Tu peux lui faire raconter son histoire, s'il veut bien te la livrer, avec des mots-clés, des photos (écriture de légende); lui faire tracer son itinéraire de chez lui au lycée (représentation dans l'espace)
Nous en CAP on aime bien aussi des élèves qui maîtrisent un minimum les conjugaisons mais à l'impossible nul n'est tenu et la plupart des élèves ne les maîtrisent pas alors...
Quant aux lectures, je préconise les lectures courtes, des nouvelles par exemple mais là tout de suite aucune idée ne me vient (je fais lire à mes élèves des nouvelles policières mais dans la classe j'ai une seule allophone cette année et elle suit le rythme, je ne sais pas ce que je lui donnerais si elle était toute seule).

Merci beaucoup Zigmag d'avoir pris le temps de ces réponses détaillées !

Je vais prendre le temps de tout relire, en plus des docs officiels, pendant les vacances, pour lui préparer des choses plus adaptées. Le hasard fait qu'il a déjà une occasion de s'entrainer à l'oral : une AED l'a recruté pour un projet de lutte contre le harcèlement, il prendra la parole en classe pour présenter le travail accompli.

Une dernière question, toutefois. Je lis :

Zigmag a écrit:Et puis Malavita a raison : les élèves allophones, sauf si le taux de pression est bas en CAP et leur laisse une chance d'y avoir une place, sont plutôt orientés en bac pro et là c'est différent (perspectives de travail personnel, de compréhension et d'écriture qui n'ont rien à voir avec en plus un examen ponctuel en juin, ce qui laisse une marge de manoeuvre très réduite pour les révisions)

Vous parlez d'affelnet ? A la sortie de NSA, on demande presque uniquement des CAP, les vœux de bac pro sont rares, car justement, nos élèves sont tellement faibles qu'on fait que c'est les envoyer dans le mur... "presque uniquement" car les places en CAP sont rares et chères, et diminuent.