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John
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Le supérieur selon Pierre Jourde Empty Le supérieur selon Pierre Jourde

par John 2009-09-22, 00:11
Tous les universitaires ne cessent de crier qu'ils ont besoin de temps pour chercher, et que la bureaucratisation du métier dévore tout ce temps, mais nul ne les entend, comme si un mal dénoncé par tous n'existait pas, ne constituait pas même un problème. Normal : la machine bureaucratique a besoin de se justifier à elle-même son existence. Elle n'existe pas pour résoudre les problèmes. La réalité concrète n'est pas son affaire. Il s'agit de fabriquer une sorte d'univers virtuel, où les projets et les rapports laissent supposer aux autorités que la machine tourne et produit quelque chose.

Je me souviens de ma première rentrée universitaire, en 1992, et de celles qui ont suivi. Je me souviens de mon enthousiasme à l'idée que j'allais enseigner, approfondir des textes avec des étudiants, me consacrer à des recherches en bibliothèque, à des éditions de textes, à la rédaction d'essais sur la littérature. Et c'est bien ce qui s'est passé. L'aspect administratif n'était pas négligeable, mais demeurait annexe, comme il se doit. Diriger un département, alors, était encore une chose légère, quasiment ludique. Hélas, en quelques années, tout a tourné au pensum. J'ai vite renoncé à comprendre les réformes qui nous tombaient dessus. J'attendais la suivante. Elle ne tardait pas.

Cette année, je ne vois que des collègues moroses, que l'idée de la rentrée lasse par avance. Non pas à cause de l'enseignement et de la recherche, qui constituent toujours la partie passionnante de ce métier, mais dans la perspective d'interminables et innombrables réunions à l'utilité hypothétique, et de monceaux de papiers à remplir, d'une variété sans cesse renouvelée. On aura bientôt réussi à démolir l'un des plus beaux métiers qui soient, et à métamorphoser des intellectuels souvent brillants, recrutés au terme d'une sélection impitoyable, en ternes gestionnaires s'acquittant, dans des bâtiments sordides, et pour des salaires médiocres, de corvées ennuyeuses.

http://bibliobs.nouvelobs.com/blog/pierre-jourde/20090921/14729/lusine-a-gaz-de-la-reforme-universitaire

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User2350
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Le supérieur selon Pierre Jourde Empty Re: Le supérieur selon Pierre Jourde

par User2350 2009-09-22, 17:21
John a écrit:
Tous les universitaires ne cessent de crier qu'ils ont besoin de temps pour chercher, et que la bureaucratisation du métier dévore tout ce temps, mais nul ne les entend, comme si un mal dénoncé par tous n'existait pas, ne constituait pas même un problème. Normal : la machine bureaucratique a besoin de se justifier à elle-même son existence. Elle n'existe pas pour résoudre les problèmes. La réalité concrète n'est pas son affaire. Il s'agit de fabriquer une sorte d'univers virtuel, où les projets et les rapports laissent supposer aux autorités que la machine tourne et produit quelque chose.

Je me souviens de ma première rentrée universitaire, en 1992, et de celles qui ont suivi. Je me souviens de mon enthousiasme à l'idée que j'allais enseigner, approfondir des textes avec des étudiants, me consacrer à des recherches en bibliothèque, à des éditions de textes, à la rédaction d'essais sur la littérature. Et c'est bien ce qui s'est passé. L'aspect administratif n'était pas négligeable, mais demeurait annexe, comme il se doit. Diriger un département, alors, était encore une chose légère, quasiment ludique. Hélas, en quelques années, tout a tourné au pensum. J'ai vite renoncé à comprendre les réformes qui nous tombaient dessus. J'attendais la suivante. Elle ne tardait pas.

Cette année, je ne vois que des collègues moroses, que l'idée de la rentrée lasse par avance. Non pas à cause de l'enseignement et de la recherche, qui constituent toujours la partie passionnante de ce métier, mais dans la perspective d'interminables et innombrables réunions à l'utilité hypothétique, et de monceaux de papiers à remplir, d'une variété sans cesse renouvelée. On aura bientôt réussi à démolir l'un des plus beaux métiers qui soient, et à métamorphoser des intellectuels souvent brillants, recrutés au terme d'une sélection impitoyable, en ternes gestionnaires s'acquittant, dans des bâtiments sordides, et pour des salaires médiocres, de corvées ennuyeuses.

http://bibliobs.nouvelobs.com/blog/pierre-jourde/20090921/14729/lusine-a-gaz-de-la-reforme-universitaire

Toujours décapant. J'apprécie beaucoup ce qu'il écrit, toujours très convaincant.
Reine Margot
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Demi-dieu

Le supérieur selon Pierre Jourde Empty Re: Le supérieur selon Pierre Jourde

par Reine Margot 2009-09-22, 18:51
J'ai beaucoup aimé "festins secrets", d'autant que j'ai commencé comme néotit près de Langres (hem...), et j'y retrouve un certain nombre de choses, excepté peut-être le côté "zep" des élèves, qui sont globalement (bon Langres même c'est plus citadin) moins difficiles que dans le bouquin.

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Quand tout va mal, quand il n'y a plus aucun espoir, il nous reste Michel Sardou
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User2350
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Le supérieur selon Pierre Jourde Empty Re: Le supérieur selon Pierre Jourde

par User2350 2009-09-22, 18:59
marquisedemerteuil a écrit:J'ai beaucoup aimé "festins secrets", d'autant que j'ai commencé comme néotit près de Langres (hem...), et j'y retrouve un certain nombre de choses, excepté peut-être le côté "zep" des élèves, qui sont globalement (bon Langres même c'est plus citadin) moins difficiles que dans le bouquin.
Je n'ai pas lu celui-là (pour le côté ZEP, je viens de finir Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte, ça suffira), mais j'ai beaucoup aimé les portraits dans Pays perdu.
Sinon, évidemment, le Jourde et Naulleau, avec pas mal de choses très bien vues, et j'avais lu avec jubilation La Littérature sans estomac.
Je vais commander Festins secrets - déjà commandé le bouquin conseillé par Abraxas ce matin... ça coûte cher, Néoprofs. Mais j'avais La Petite Fabrique de la littérature (aussi conseillé ce matin).
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