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NLM76
Grand Maître

32 linguistes listent les défauts de l'écriture inclusive - Page 18 Empty Re: 32 linguistes listent les défauts de l'écriture inclusive

par NLM76 Sam 20 Nov 2021, 15:56
Nina68 a écrit:
Est-ce ironique ? Dans l'EN, c'est pareil. Les femmes vont progresser moins vite que les hommes, être moins promues ou promues plus tard, ce qui fait qu'au bout de 20 ans de carrière, les disparités existent bel et bien.
Source : https://www.education.gouv.fr/sites/default/files/imported_files/document/DEPP-EF96-2018-article-10-ecarts-salaires-enseignantes-enseignants-france_905686.pdf
Je lis cela lentement. 1re page : ai-je bien compris ? Les femmes payées 14% de moins que les hommes. 80 à 90% de la différence "explicable". Il reste donc 15% de 14%, soit 2% de différence.
Il reste donc à regarder d'où viennent ces 2%, et à évaluer ce que signifient les 12 autres pour cent. [Encore une fois, si j'ai bien compris.]
valle
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Expert spécialisé

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par valle Sam 20 Nov 2021, 16:12
Honchamp a écrit:Une remarque concrète :
Si je suis un/une patron/ne, ou un/une DRH , que je reçois des candidatures avec "iel" et pronoms dérivés, je me dis "Hou la la", et je zappe la candidature.
Bref, je ne suis pas certaine que, hors de certains cercles, ces nouvelles dénominations  aident à l'insertion de ceux/celles qu'elles veulent mieux défendre.

Un MtF, comme dit Elyas : une femme.
Une FtM : un homme.
Quelqu'un/une non binaire : peut-être d'abord s'insérer dans le monde du travail. Puis, ensuite (redondant volontairement) ,  argumenter sur le genre.
Bref, cela me semble plus tactique en terme d'emploi.
Je suis bien consciente d'être à ras les pâquerettes, et que jusque là, on ne parle pas d'emploi. Mais il faut bien avoir des revenus pour vivre...

Par ailleurs, je crois comprendre que ces nouvelles dénominations sont utiles aux non-binaires qui ne veulent pas arbitrer pour un genre (j'espère ne pas dire d'âneries).
Une fois que la transition physique est faite, pour ceux qui la font, j'imagine qu'on adopte le genre grammatical de son nouveau sexe ?

Pour ce qui est de mon petit cousin, FtM, donc devenu homme, il ne veut plus jamais qu'on lui rappelle son enfance, c'est devenu "un mâle de chez mâle". Et c'est certainement pour cela qu'il a mis de la distance kilométrique et affective avec nous tous (la famille, sauf sa mère).

J'espère ne blesser personnes, j'essaie de choisir mes mots.

Un transgenre "classique", avec transition "physique" ou pas, i'dentifiera avec le genre (cronologiquement) "nouveau".
Le pronom iel essaie de représenter (à mon avis à tort mais c'est une autre histoire) un cas différent : celui où ni le sexe vécu n'est ni masculin ni féminin. En principe on pourrait parler de "transition" d'homme ou femme à non-genré ou non-binaire.
Il y a je pense des militants qui utilisent iel non dans ce sens mais comme "simple" pronom inclusif pour "il ou elle".
e-Wanderer
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par e-Wanderer Sam 20 Nov 2021, 16:16
Cath a écrit:
Euphémia a écrit:
Zybulka a écrit:

Sachant que par ailleurs, l'état de notre langue dans sa version actuelle reflète bien sûr des évolutions lentes de l'usage, mais aussi des choix politiques prescriptifs qui ont été faits antérieurement (notamment au 17e siècle), allant vers moins d'équilibre dans la représentation entre les femmes et les hommes dans notre langue pour asseoir la domination du masculin, par exemple via la suppression de versions féminines de certains mots ou de l'accord de proximité ("Lorsque les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte", défend Bouhours) ou de la modification du genre des mots (l'Académie décidant que "erreur" deviendrait féminin parce que naturellement se tromper, ça ne peut pas être masculin).

Et l'on peut en conclure que Louis XIV, Mazarin et le pape de l'époque étaient les plus grands féministes qui soit, eux qui se faisaient appeler respectivement Sa Majesté, Son Éminence et Sa Sainteté.

Bien sûr d'accord avec @Zybulka : Vaugelas, "Le masculin est le genre le plus noble", etc.
@Euphemia, il ne t'aura pas échappé qu'il aurait fallu changer le genre de ces mots. Je trouve ta remarque pour le moins...surprenante.

Avant de faire de Vaugelas un horrible phallocrate, il serait tout de même bon de le relire de près, sans extraire un bout de citation de son contexte pour en faire une sorte de slogan : car dans le passage incriminé, il recommande précisément l'accord au féminin ! Il s'agit des remarques 82 et suivantes, que je cite d'après l'édition critique de Sygmunt Marzys, Genève, Droz, 2009, p. 255-56 :
Vaugelas a écrit:
[R 82] Un adjectif avec deux substantifs de different genre.

[CH I,163] Exemple, Ce peuple a le cœur et la bouche ouverte à vos loüanges. On demande s'il faut dire ouverte, ou ouverts. M. de Malherbe [R 83] disoit, qu'il falloit eviter cela comme un escueil, et ce conseil est si sage, qu'il semble qu'on ne s'en sçauroit mal trouver ; Mais il n'est pas question pourtant de gauchir tousjours aux difficultez, il les faut vaincre, et establir une reigle certaine pour la perfection de nostre langue. Outre que bien souvent voulant éviter cette mauvaise rencontre, on perd la grace de l'expression, et l'on prend un destour qui n'est pas naturel. Les Maistres du mestier reconnoissent aisément cela. Comment dirons-nous donc ? Il faudroit dire, ouverts, selon la Grammaire latine, qui en use ainsi, pour une raison qui semble estre commune à toutes les langues, que le genre masculin estant le plus noble, doit predominer toutes les fois que le masculin et le feminin se trouvent ensemble ; mais l'oreille a de la peine à s'y accommoder, parce qu'elle n'a point accoustumé de l'ouir dire de cette façon, et rien ne plaist à l'oreille, pour ce qui est de la phrase et de la diction, que ce qu'elle a accoustumé d'oüir. Je voudrois donc dire, ouverte, qui est beaucoup plus doux, tant à cause que cét adjectif se trouve joint au mesme genre avec le substantif qui le touche, que parce que ordinairement on parle ainsi, [CH I, 164] qui est la raison decisive, et que par consequent l'oreille y est accoustumée. Or qu'il soit vray que l'on parle ainsi [84] d'ordinaire dans la Cour, je l'asseure comme y ayant pris garde souvent, et comme l'ayant fait dire de cette sorte à tous ceux à qui je l'ay demandé, par une certaine voye qu'il faut tousjours tenir, quand on veut sçavoir asseurément si une chose se dit, ou si elle ne se dit pas. Mais qu'on ne s'en fie point à moy, et que chacun se donne la peine de l'observer en son particulier.
L'éditeur note (à la suite de Pellat) que Vaugelas se trompe à propos de la syntaxe latine, qui en pareil cas fait habituellement l'accord avec le terme le plus proche - ce qui vaut aussi de l'accord au singulier lorsque le sujet est constitué de plusieurs termes, comme on peut le trouver chez Racine, Iphigénie, III, 5, "Mais le fer, le bandeau, la flamme est toute prête".

À côté de la clarté, il ne faut pas sous-estimer le grand fantasme esthétique qui fait de la douceur un véritable idéal de la langue française, dès la Renaissance. Or cette douceur – qui devient progressivement une façon de célébrer le génie français contre le "clinquant du Tasse" et les "faux brillants" italiens (pour citer Boileau) – s'associe volontiers au monde féminisé des salons, à la douceur des mœurs ou à celle du climat tempéré. Chez Vaugelas en particulier, il me semble que la langue doit réaliser une forme d'équilibre entre différents pôles, éventuellement contradictoires : la clarté, la gravité, la douceur, la grâce…


Dernière édition par e-Wanderer le Sam 20 Nov 2021, 16:29, édité 1 fois

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par Ascagne Sam 20 Nov 2021, 16:18
@epekeina.tes.ousias : Je n'ai pas trop compris ton message. Mais je suis mal réveillé.

Honchamp a écrit:Une fois que la transition physique est faite, pour ceux qui la font, j'imagine qu'on adopte le genre grammatical de son nouveau sexe ?
Mais cela concerne les personnes trans qui ensuite ont adéquation entre leur nouvelle identité officialisée et la question du genre (et peuvent opposer leur droit à quelqu'un qui s'obstinerait, par exemple, à appeler Monsieur une personne qui est devenue Madame au regard de la loi). Le sujet posé par iel est un peu différent, même s'il y a quelques points communs.
Maintenant, pour le dire simplement, quand je vais consulter les autodéfinitions et les concepts produits par les personnes concernées* je me rends compte que ça va très loin et qu'on peut remettre en doute l'appartenance à une question de genre ce qui relève d'autres aspects de l'identité.

* J'en profite quand même pour relever que si on va voir un wiki comme https://gender.wikia.org/wiki/Category:Gender_Identities, on se rend compte à quel point la recherche de l'inclusion peut dériver en considérant que les auteurs ne sont pas ironiques en considérant que "Daimogender : when you feel your gender is closely related to demons or the supernatural" peut être placé à égalité avec la non-binarité ou le fait d'avoir une identité de genre mêlée à tel pourcentage ou avec tel degré de fluidité. Alors, bien entendu, c'est un exemple extrême : il illustre la propension, dans ce genre de sujet, de tout prendre pour ne blesser personne. Mais du côté de ce qui est plus reconnu, on doit quand même être à pas mal d'identités de genre distinguées : une dizaine ?

valle a écrit:Il y a je pense des militants qui utilisent iel non dans ce sens mais comme "simple" pronom inclusif pour "il ou elle".
Cela pose quand même une autre question, car est-ce exactement la même chose de désigner par un pronom spécifique quelqu'un qui se présente comme non-binaire, et d'utiliser ce même pronom pour dire "il ou elle" ?
Poupoutch
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par Poupoutch Sam 20 Nov 2021, 16:46
Honchamp a écrit:Une remarque concrète :
Si je suis un/une patron/ne, ou un/une DRH , que je reçois des candidatures avec "iel" et pronoms dérivés, je me dis "Hou la la", et je zappe la candidature.
Bref, je ne suis pas certaine que, hors de certains cercles, ces nouvelles dénominations  aident à l'insertion de ceux/celles qu'elles veulent mieux défendre.

Un MtF, comme dit Elyas : une femme.
Une FtM : un homme.
Quelqu'un/une non binaire : peut-être d'abord s'insérer dans le monde du travail. Puis, ensuite (redondant volontairement) ,  argumenter sur le genre.
Bref, cela me semble plus tactique en terme d'emploi.
Je suis bien consciente d'être à ras les pâquerettes, et que jusque là, on ne parle pas d'emploi. Mais il faut bien avoir des revenus pour vivre...

Par ailleurs, je crois comprendre que ces nouvelles dénominations sont utiles aux non-binaires qui ne veulent pas arbitrer pour un genre (j'espère ne pas dire d'âneries).
Une fois que la transition physique est faite, pour ceux qui la font, j'imagine qu'on adopte le genre grammatical de son nouveau sexe ?

Pour ce qui est de mon petit cousin, FtM, donc devenu homme, il ne veut plus jamais qu'on lui rappelle son enfance, c'est devenu "un mâle de chez mâle". Et c'est certainement pour cela qu'il a mis de la distance kilométrique et affective avec nous tous (la famille, sauf sa mère).

J'espère ne blesser personnes, j'essaie de choisir mes mots.
Alors avant d'être prof, j'ai eu une petite expérience dans le privé, et dans cette expérience, j'ai pratiqué l'entretien d'embauche (comme recruteur, pas comme candidate).
Il se trouve qu'à l'un des entretiens, nous avons reçu une personne dont ni le nom, ni l'apparence ne nous permettait d'identifier le genre. Personne qui par ailleurs a pris soin durant l'entretien de ne jamais se genrer. Alors certes, iel n'a pas exigé l'utilisation de tel ou tel pronom, et à défaut de vraiment savoir, j'ai genrë au masculin dans la conversation. Eh bien nous l'avons jugé comme tous les autres candidats, hommes ou femmes, et s'iel n'a pas obtenu le poste, ce n'est pas en raison de sa non-binarité apparente, mais en raison de son manque d'expérience dans un domaine précis sur lequel il était nécessaire d'avoir des connaissances.
Après, ma foi, si c'est discriminant à l'embauche, alors tout peut l'être. J'ai bien été jetée par le recruteur d'Eurostar parce qu'il avait peur que je ne "rentre pas dans l'uniforme" (je faisais du 46, et, travaillant à la SNCF, je savais pertinemment que les uniformes existaient dans ma taille)...
Tout ça pour dire que ça me semble un extrêmement mauvais argument, même si je comprends qu'il ne part pas d'une mauvaise intention.
Pour avoir eu plusieurs élèves trans ou non-binaires, j'ai souvent entendu, de la part des collègues ou des chefs "ça serait plus facile s'il attendait la fin du lycée. A la fac, personne ne le connaîtrait". Si on applique ce principe, on peut souffrir dans un genre dans lequel on ne se reconnaît pas jusqu'à la fin de sa vie (ce qui est plus ou moins ce qui arrivait avant qu'on commence à plus parler et mieux comprendre le phénomène). Il me semble que si l'on est au dernier degré de la dépression, on ne fait pas un meilleur candidat lors d'un recrutement, pas plus qu'on ne fait un meilleur camarade ou un élève plus simple à gérer.

Après en soi, même si je l'ai utilisé ci-dessus, je ne suis pas fan du pronom iel (pas plus que de l'écriture avec point médian). Mais je trouve que ces questions de langue ont au moins le mérite d'essayer de rendre compte dans la langue de la complexité d'une réalité vécue par beaucoup. Ce n'est pas un système parfait, d'ailleurs ce n'est pas un système auquel tout le monde adhère, y compris parmi ceux qui sont directement concernés. Mais parmi tous ceux ici ou ailleurs qui prétendent que ça ne sert à rien, force est tout de même de constater que nombreux sont ceux qui interviennent ici, que cela crée de la discussion, que cette discussion entre personnes éclairées peut permettre de mieux comprendre des choses qui parfois nous dépassent, et qu'au fond, c'est déjà une preuve de l'efficacité de ces inventions linguistiques.

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Ascagne
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par Ascagne Sam 20 Nov 2021, 17:11
Poupoutch a écrit:et qu'au fond, c'est déjà une preuve de l'efficacité de ces inventions linguistiques.
Cela étant, sur ce sujet en particulier, ce qui est efficace, c'est d'abord l'évolution des sciences et des savoirs, la prise de parole des concernés, et la prise en compte de nouvelles possibilités, de nouveaux concepts : non-binarité par exemple. Ensuite, quand on passe à une question de linguistique et d'usage, comme celle autour de iel, c'est déjà plus piégeux, car pour moi les questions linguistiques et le sentiment de la langue sont des éléments massifs, qui suscitent des réactions vives, et qui peuvent facilement faire déraper l'affaire. D'autres ont un avis contraire, je le sais, et vont considérer que commencer par parler du pronom peut conduire plus facilement à parler des identités de genre derrière. Cela dépend du public. Mais je vois que pas mal d'esprits sont d'autant plus fermés par rapport au sujet dans l'ensemble, qu'ils l'ont découvert à l'occasion de cette polémique médiatique qui concerne la langue.


Dernière édition par Ascagne le Sam 20 Nov 2021, 17:22, édité 1 fois
Elyas
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Esprit sacré

32 linguistes listent les défauts de l'écriture inclusive - Page 18 Empty Re: 32 linguistes listent les défauts de l'écriture inclusive

par Elyas Sam 20 Nov 2021, 17:22
@Honchamp : c'est ce que j'hésitais à dire. Le iel n'est pas une revendication des transgenres (ftm ou mtf) mais plus des non-binaires. C'est pour ça que j'ai eu du mal sur ce fil avec certaines remarques.
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Cath
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par Cath Sam 20 Nov 2021, 18:30
e-Wanderer a écrit:
Cath a écrit:
Euphémia a écrit:
Zybulka a écrit:

Sachant que par ailleurs, l'état de notre langue dans sa version actuelle reflète bien sûr des évolutions lentes de l'usage, mais aussi des choix politiques prescriptifs qui ont été faits antérieurement (notamment au 17e siècle), allant vers moins d'équilibre dans la représentation entre les femmes et les hommes dans notre langue pour asseoir la domination du masculin, par exemple via la suppression de versions féminines de certains mots ou de l'accord de proximité ("Lorsque les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte", défend Bouhours) ou de la modification du genre des mots (l'Académie décidant que "erreur" deviendrait féminin parce que naturellement se tromper, ça ne peut pas être masculin).

Et l'on peut en conclure que Louis XIV, Mazarin et le pape de l'époque étaient les plus grands féministes qui soit, eux qui se faisaient appeler respectivement Sa Majesté, Son Éminence et Sa Sainteté.

Bien sûr d'accord avec @Zybulka : Vaugelas, "Le masculin est le genre le plus noble", etc.
@Euphemia, il ne t'aura pas échappé qu'il aurait fallu changer le genre de ces mots. Je trouve ta remarque pour le moins...surprenante.

Avant de faire de Vaugelas un horrible phallocrate, il serait tout de même bon de le relire de près, sans extraire un bout de citation de son contexte pour en faire une sorte de slogan : car dans le passage incriminé, il recommande précisément l'accord au féminin ! Il s'agit des remarques 82 et suivantes, que je cite d'après l'édition critique de Sygmunt Marzys, Genève, Droz, 2009, p. 255-56 :
Vaugelas a écrit:
[R 82] Un adjectif avec deux substantifs de different genre.

[CH I,163] Exemple, Ce peuple a le cœur et la bouche ouverte à vos loüanges. On demande s'il faut dire ouverte, ou ouverts. M. de Malherbe [R 83] disoit, qu'il falloit eviter cela comme un escueil, et ce conseil est si sage, qu'il semble qu'on ne s'en sçauroit mal trouver ; Mais il n'est pas question pourtant de gauchir tousjours aux difficultez, il les faut vaincre, et establir une reigle certaine pour la perfection de nostre langue. Outre que bien souvent voulant éviter cette mauvaise rencontre, on perd la grace de l'expression, et l'on prend un destour qui n'est pas naturel. Les Maistres du mestier reconnoissent aisément cela. Comment dirons-nous donc ? Il faudroit dire, ouverts, selon la Grammaire latine, qui en use ainsi, pour une raison qui semble estre commune à toutes les langues, que le genre masculin estant le plus noble, doit predominer toutes les fois que le masculin et le feminin se trouvent ensemble ; mais l'oreille a de la peine à s'y accommoder, parce qu'elle n'a point accoustumé de l'ouir dire de cette façon, et rien ne plaist à l'oreille, pour ce qui est de la phrase et de la diction, que ce qu'elle a accoustumé d'oüir. Je voudrois donc dire, ouverte, qui est beaucoup plus doux, tant à cause que cét adjectif se trouve joint au mesme genre avec le substantif qui le touche, que parce que ordinairement on parle ainsi, [CH I, 164] qui est la raison decisive, et que par consequent l'oreille y est accoustumée. Or qu'il soit vray que l'on parle ainsi [84] d'ordinaire dans la Cour, je l'asseure comme y ayant pris garde souvent, et comme l'ayant fait dire de cette sorte à tous ceux à qui je l'ay demandé, par une certaine voye qu'il faut tousjours tenir, quand on veut sçavoir asseurément si une chose se dit, ou si elle ne se dit pas. Mais qu'on ne s'en fie point à moy, et que chacun se donne la peine de l'observer en son particulier.
L'éditeur note (à la suite de Pellat) que Vaugelas se trompe à propos de la syntaxe latine, qui en pareil cas fait habituellement l'accord avec le terme le plus proche - ce qui vaut aussi de l'accord au singulier lorsque le sujet est constitué de plusieurs termes, comme on peut le trouver chez Racine, Iphigénie, III, 5, "Mais le fer, le bandeau, la flamme est toute prête".

À côté de la clarté, il ne faut pas sous-estimer le grand fantasme esthétique qui fait de la douceur un véritable idéal de la langue française, dès la Renaissance. Or cette douceur – qui devient progressivement une façon de célébrer le génie français contre le "clinquant du Tasse" et les "faux brillants" italiens (pour citer Boileau) – s'associe volontiers au monde féminisé des salons, à la douceur des mœurs ou à celle du climat tempéré. Chez Vaugelas en particulier, il me semble que la langue doit réaliser une forme d'équilibre entre différents pôles, éventuellement contradictoires : la clarté, la gravité, la douceur, la grâce…

Pour autant, il ne remet pas en question la partie graissée ? "que le genre masculin estant le plus noble, doit predominer toutes les fois que le masculin et le feminin se trouvent ensemble" ?
Comme Dupleix Parce que le genre masculin est le plus noble, il prévaut seul contre deux ou plusieurs féminins, quoiqu'ils soient plus proches de leur adjectif " ?

Et il me semble aussi que Beauzée et Boileau ont écrit des choses de ce genre...
Iphigénie
Iphigénie
Prophète

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par Iphigénie Sam 20 Nov 2021, 18:39
Il constate: « en use ainsi par une raison qui semble être commune à toutes les langues »: il donne cette raison mais ne dit pas que c’est faux, mais pas non plus que c’est juste. Bref il défend autre chose puisqu’il défend l’accord au féminin!
Comme quoi…
Prezbo
Prezbo
Grand Maître

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par Prezbo Sam 20 Nov 2021, 20:52
freakfeatherfall a écrit:
Prezbo a écrit:
Tu as vu ce type ?
Tu as vu cette fille ?
Tu as vu ce.ette personne ?
J'ai rencontré son fils.
J'ai rencontré sa fille.
J'ai rencontré saon enfant.
Je ne comprends pas, ces phrases ne changent pas : type/fils est masculin, fille/personne féminin, enfant commence par une voyelle.


Je faisais simplement remarquer qu'on peut très bien, sans chercher à faire compliqué, utiliser le démonstratif ou le possessif pour parler d'une tierce personne Si on introduit un prénom neutre, il faut que le reste suive.

Et je ne sais toujours pas comment prononcer ce.tte ou saon.


Perso, je me suis déjà trouvé face à des textes à traduire qui utilisent "they" ou "s/he", écrit par des ONG. Et ça ne date pas de cette année. De même, l'usage se répand dans certains milieux ludiques (pour l'instant, surtout américains). Quant au point médian, on le trouve de plus en plus sur le net dans des productions, journaux ou blogs, il est vrai orientés à gauche ou extrême-gauche. Ce n'est pas parce que tu ne le vois pas que cela n'existe pas. Il est en usage, simplement pas dans ta sphère, apparemment.

Tu me donnes des exemples en anglais, ou "orientés à gauche et à l'extrême-gauche". S'il s'agissait de démontrer que l'usage du iel n'est pas une tentative de copier un usage de l'anglais en français et/ou une pratique communautaire, je suis moyennement convaincu.

J'aimerais au passage qu'on me donne des exemples, et pas qu'on m'affirme qu'ils existent et que si je ne les vois pas c'est que je ne fréquente pas les bonnes personnes, ce que je trouve désagréable.

Pour le iel, par exemple les seuls exemples que j'ai trouvé après une rapide recherche sur internet se trouve...dans des articles ou manuels faisant la promotion de l'usage du iel.

Autant dire que quand l'équipe de rédaction du Robert me dit qu'elle a introduit ce mot parce qu'elle ne fait que constater un usage, j'ai l'impression qu'elle me prend pour un jambon (ce qui est désagréable aussi).
Tangleding
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32 linguistes listent les défauts de l'écriture inclusive - Page 18 Empty Re: 32 linguistes listent les défauts de l'écriture inclusive

par Tangleding Sam 20 Nov 2021, 20:56
On est plusieurs (Elyas et moi, a minima) à avoir évoqué des jeunes issus de la bourgeoisie et non politisés qui emploient le iel naturellement.

C'est même ce qui me laisse penser que cela va s'imposer à moyenne échéance.

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Plutôt que de se battre pour des miettes et des contraintes:
dandelion
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par dandelion Sam 20 Nov 2021, 21:14
Je vis aux Etats-Unis, j’ai lu et entendu iel dans les média et je l’utilise quand je parle avec mes enfants de leurs amis non-binaires. J’écoute la radio publique, lis des articles de presse grand-public et fréquente ce forum. Si j’ai rencontré iel, c’est bien que son usage n’est pas si rare que cela.
Comme je l’ai signalé sur un autre fil, crier au wokisme permet d’éviter de discuter des profs non remplacés et des infirmières qui se barrent. Parce que du moment qu’il y a un infirmier qui se pointe, tu te fous bien de sa religion ou de ses pronoms. Mais bon, les Républicains américains gagnent avec ce genre de débats dont nous devrions tous nous ficher (on ou nous? on, accord singulier ou pluriel?).
Ascagne
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par Ascagne Sam 20 Nov 2021, 21:24
Tangleding a écrit:C'est même ce qui me laisse penser que cela va s'imposer à moyenne échéance.
Pourtant, on trouve facilement aussi des jeunes issus de la bourgeoisie qui refusent absolument iel et plein d'autres choses. Surtout ces temps-ci, vraiment... Je trouve plus pertinent de considérer l'ensemble de la jeunesse. Et d'essayer d'éviter l'effet-sphère ou l'effet-bulle.

Mais surtout, à quel usage penses-tu ? Iel pour désigner quelqu'un de non-binaire, ou iel comme un pronom plus généralement utilisé (un super "on") ?
Elyas
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Esprit sacré

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par Elyas Sam 20 Nov 2021, 21:26
Ascagne a écrit:
Tangleding a écrit:C'est même ce qui me laisse penser que cela va s'imposer à moyenne échéance.
Pourtant, on trouve facilement aussi des jeunes issus de la bourgeoisie qui refusent absolument iel et plein d'autres choses. Surtout ces temps-ci, vraiment... Je trouve plus pertinent de considérer l'ensemble de la jeunesse. Et d'essayer d'éviter l'effet-sphère ou l'effet-bulle.

Mais surtout, à quel usage penses-tu ? Iel pour désigner quelqu'un de non-binaire, ou iel comme un pronom plus généralement utilisé (un super "on") ?

On ne peut pas le savoir. Seul le temps nous le dira. On peut gloser ici mais ça n'a aucune pertinence in fine.
Ascagne
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Grand sage

32 linguistes listent les défauts de l'écriture inclusive - Page 18 Empty Re: 32 linguistes listent les défauts de l'écriture inclusive

par Ascagne Sam 20 Nov 2021, 21:33
En tout cas @Tangleding semblait plutôt assuré pour sa part. Je vous trouve fort optimistes, @Tangleding et @Elyas, alors que je suis plutôt terrifié par certains nuages et orages dans l'air, mais c'est un sujet pour le restreint.

En revanche je suis vraiment très curieux à propos du second usage, en dehors de considérations discutables de prospective, puisque c'est précisément celui qui peut être massif dans l'expression chez une personne qui l'utilise. Dirais-tu, @Elyas, que tu le rencontres aussi ?


Dernière édition par Ascagne le Sam 20 Nov 2021, 21:39, édité 1 fois
Prezbo
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Grand Maître

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par Prezbo Sam 20 Nov 2021, 21:34
Zybulka a écrit:
Mais pourquoi refuser quand une personne nous fait la demande explicite ? J'avoue que je comprends mal. En quoi l'attachement au côté règlementaire de notre langue pourrait primer sur le bien-être de la personne à qui on s'adresse ? Sachant qu'un "ok je vais essayer de dire "iel" mais n'y étant pas habituée, je risque de me planter, désolée par avance" passe très bien (et est très différent de "non, je continuerai à dire "il" même si ça te met mal à l'aise parce que je ne voudrais pas me rendre coupable d'un néologisme barbarisant").


Personnellement, ce n'est pas que je refuserais par principe : c'est que quand je réfléchis à la manière dont je pourrais procéder concrètement, j'arrive rapidement à une impasse.

Ce fil ressemble à celui sur les éventuels abus de PAP, au fond : la souffrance exprimée par les personnes concernées (ou par ceux qui militent en leur nom, puisque sur ce fil pour l'instant personne ne s'est exprimé en tant que trans-genre ou de non binaire) permet de clore a priori la réflexion. C'est une évolution très contemporaine des modes de débat.


Contrairement à ce qu'on entend souvent (et j'ai pris ces deux remarques mais j'aurais pu en prendre d'autres dans ce fil), l'écriture dite "inclusive" n'est pas vraiment complexe, ni en production, ni en réception :

- Pour l'utiliser, il suffit d'un peu de bonne volonté et d'habitude, et ça roule assez facilement (en particulier à l'oral qui est quand même pour la plupart des gens l'utilisation principale de la langue). L'idée n'étant pas nécessairement d'atteindre une sorte d'équilibre parfait entre masculin et féminin, mais de faire un effort vers plus d'égalité dans la représentation des genres dans la langue employée).

- En réception, on est loin des caricatures souvent données (comme quelques messages ici). La plupart du temps, ça passe comme une lettre à la poste (note pour moi-même : faudra voir à renouveler cette comparaison qui est de moins en moins valable avec la privatisation des services publics, comme quoi la langue a besoin d'évoluer pour tenir compte des nouvelles réalités sociales  Wink ). En classe par exemple, je m'efforce à l'oral d'accorder systématiquement au féminin et masculin (et personne ne le remarque particulièrement, d'ailleurs souvent les élèves se mettent à le faire aussi au fil de l'année), et à l'écrit, j'emploie si nécessaire les deux genres, voire exceptionnellement le point médian quand je dois être brève (un titre, un message aux parents). Ca passe très bien aussi, mes élèves n'ont pas de difficulté particulière à m'écouter ou me lire. Sachant qu'on peut s'adapter aussi au public : dans un tract militant, on sait que les personnes qui vont le lire ont l'habitude (parce que oui, au début ça fait bizarre, mais avec de la bonne volonté et un tout petit peu d'entraînement, très vite ça ne pose plus aucun problème), donc on n'hésite pas à employer le point médian. En revanche, avec un lectorat moins habitué, on fera autrement (par exemple : "les écrivains et les écrivaines").

=> Bref, en fait ça marche, et c'est dommage de s'arrêter à l'argument de la complexité sans avoir tenté !

Ce n'est pas ce que je ressens concernant l'utilisation du point médian ou des pronoms non genrés (je parle bien de ces points là, et pas d'autres aspects de l'écriture inclusive).

A la lecture, je ne peux pas lire de manière fluide les phrases utilisant le point médian, parce que je ne peux pas les oraliser.

Rang chevalier⋅ère jedi : Vous accédez au rang supérieur. Ces pratiques d’écriture sont moins courantes mais commencent à se diffuser largement, ce qui vous permettra d’être compris⋅e même dans des environnements non-militants (correspondance universitaire, communication associative, …).

Dans l'extrait ci-dessus, je bute sur chevalier⋅ère et  compris⋅e. Comment doit-on les prononcer ?

Concrètement, quand le lis ce type de texte, je constate que rapidement, mon regard glisse sur les mots comportant un point médian et vont voir s'il est possible de chercher un peu de sens ailleurs. L'effort cognitif à la lecture est trop important -peut-être parce que ma motivation à lire ces textes n'est pas vraiment suffisante, certes--.

2) Pour l'écriture, petite anecdote personnelle : il m'est arrivé de participer à l'écriture d'un tract syndical avec plusieurs camarades (syndiqués, parfois à l'extrême-gauche et des deux sexes) jusqu'à ce qu'une copine militante FO et féministe (mais sympa quand même) arrive dans le cercle, râle parce que le texte n'était pas en écriture inclusive, et le réécrive en mettant des points médians partout.

Dans le cas présent, il y a eu réécriture d'un texte dont le premier jet était écrit dans une langue fluide et naturelle pour se soumettre à une prescription idéologique. Est-il vraiment possible d'écrire un texte sous cette forme au premier jet ? Franchement j'en doute, mais je suppose qu'on va me dire que c'est possible.

En définitive, il s'agit d'une langue que je ne peux ni lire, ni écrire et surtout pas prononcer, ce qui est très peu inclusif.

NB : les phrases avec point médian que j'ai citées plus haut sortent de cet article de blog.

https://lessalopettes.wordpress.com/2017/09/27/petit-guide-pratique-de-lecriture-inclusive/

Il est intéressant que l'écriture en point médian y est présenté en "niveaux" successifs avec référence à l’univers de Star Wars. Intéressant de noter aussi que les communautés dans lesquelles tel ou tel type d'usage est adapté soient précisés : Ces usages sont plus rares, très marqués et sont plutôt réservés à des contextes précis actuellement (environnements militants, ouvrages spécialisés, …). Même avec de l'humour, tout transpire la communication en vase clos, l'élitisme et la surenchère dans la pureté idéologique.

Un militantisme qui se place d'emblée dans l'incapacité de communiquer avec les gens pas a priori convaincu essaye-t-il de convaincre, ou de se convaincre ?
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par Elaïna Sam 20 Nov 2021, 22:07
Eh bien à l'oral tu dis "chevalier ou chevalière"... Alors oui ça rajoute quelques syllabes mais bon ça ne va pas nous manger les doigts de pieds de prononcer quelques syllabes en plus !

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par Prezbo Sam 20 Nov 2021, 22:10
Elaïna a écrit:Eh bien à l'oral tu dis "chevalier ou chevalière"...  Alors oui ça rajoute quelques syllabes mais bon ça ne va pas nous manger les doigts de pieds de prononcer quelques syllabes en plus !

C'est l'expansion qui est cognitivement difficile, comme dans toute lecture de texte excessivement abrégé. Autant écrire "chevalier ou chevalière" dans ce cas.

Franchement, ce truc me fait penser au L33T 5P34K.
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par Elaïna Sam 20 Nov 2021, 22:13
Bah, ça n'a rien de très très révolutionnaire non plus. Quand avant on mettait des parenthèses, on développait aussi au moment de passer à l'oral et personne n'y trouvait à redire. De toute façon on parle bien d'écriture inclusive, pas de langage inclusif, donc ça ne concerne bien que l'écrit.

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par Prezbo Sam 20 Nov 2021, 22:30
Elaïna a écrit:Bah, ça n'a rien de très très révolutionnaire non plus. Quand avant on mettait des parenthèses, on développait aussi au moment de passer à l'oral et personne n'y trouvait à redire. De toute façon on parle bien d'écriture inclusive, pas de langage inclusif, donc ça ne concerne bien que l'écrit.

Inutile de dire que je suis réservé sur l'avenir d'une écriture trop éloignée de la langue parlée. En définitive, il est normal que l'écriture inclusive soient utilisés préférentiellement dans des textes administratifs, militants ou universitaires, c'est-à-dire des textes très fortement normés, et que pas grand monde ne lit vraiment.
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par Elaïna Sam 20 Nov 2021, 22:40
Ça c'est assez vrai. Après c'est un peu comme les crispations autour des formulaires contenant "parent 1" et "parent2". La manif pour tous a convulsé en hurlant à la destruction de la civilisation mais dans la pratique tout le monde s'appelle père et mère (et dans les couples de même sexe, l'enfant a deux pères ou deux mères, pas un parent 1 et un parent 2). Donc il faut probablement relativiser l'importance de ce iel comme de l'écriture inclusive : c'est commode et si ça peut faciliter les choses pour certains eh bien tant mieux. Si on ne lit plus Rabelais ou Goethe, c'est probablement parce que ça n'intéresse plus grand monde et pas à cause de Wedjdene (orthographe incertaine à défaut d'être inclusive). Les enfants Maheu ne lisaient pas non plus Rabelais (ni Goethe). Ce sont, depuis leur rédaction, des ouvrages destinés à une élite (noble pour Rabelais, oisive et tuberculeuse pour Goethe).

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par Ascagne Sam 20 Nov 2021, 22:58
On revient aux questions fondamentales :
1) surcharge ou non du code écrit ou de la langue parlée ?
2) minimalisme ou maximalisme dans l'application d'un tel système d'écriture ?
3) rapport entre l'effort consenti (par le scripteur/par le lecteur) et le résultat produit ?
4) comparaison entre ce résultat et d'autres ressources possibles de la langue ?

1) Je travaille sur l'ancien et le moyen français, qui n'ont pas par nature d'orthographe normée, puis je passe aux autres langues, antiques ou médiévales, donc je change souvent de code, de langue, même d'alphabet ; et pourtant je rencontre moi aussi des difficultés face à un texte utilisant le point médian partout où il va utiliser des mots se référant à des personnes.
2) Je comprends l'idée lorsqu'elle est plus localisée, par exemple lorsqu'elle est liée à la situation d'énonciation ("Mesdames et messieurs", "Je remercie les orateurs et les oratrices"). Au-delà, je m'interroge sur son caractère systématique. Alors, peut-être parce que je suis un homme, ce n'est pas impossible, mais je vois aussi des femmes qui ne sont pas spécialement gênées par le fait qu'on utilise le masculin par commodité. C'est-à-dire que dans un courriel portant, par exemple, sur les modalités d'évaluation, je ne me vois pas écrire dans le corps de texte : "les étudiant(e)s n'auront pas le droit d'apporter leur Gaffiot" et je trouverais assez ridicule que, ce faisant, on m'accuse d'invisibiliser les femmes du groupe... J'aurais une approche sans doute un peu différente à propos d'un texte abordant précisément la question du genre/du sexe.
3) Beaucoup d'efforts pour pas grand chose ? Des efforts contenus, pour un résultat moyen ? Beaucoup d'efforts pour de beaux résultats ?
4) Cf. le 2. Peut-être vaut-il mieux inventer un vrai neutre cohérent entre l'oral et l'écrit, plutôt que de surcharger l'écrit. Mais ce n'est pas si facile à faire que ça et j'ai aussi des doutes sur ce point (cf. supra), en tout cas par rapport au français.

Sinon, @Elaïna, pour la fin de ton message, attention, tu risques de t'attirer quelque inimitié de la part des germanistes, des LM et des LC, entre autres... Evil or Very Mad
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par Tangleding Sam 20 Nov 2021, 23:03
Ascagne a écrit:
Tangleding a écrit:C'est même ce qui me laisse penser que cela va s'imposer à moyenne échéance.
Pourtant, on trouve facilement aussi des jeunes issus de la bourgeoisie qui refusent absolument iel et plein d'autres choses. Surtout ces temps-ci, vraiment... Je trouve plus pertinent de considérer l'ensemble de la jeunesse. Et d'essayer d'éviter l'effet-sphère ou l'effet-bulle.

Mais surtout, à quel usage penses-tu ? Iel pour désigner quelqu'un de non-binaire, ou iel comme un pronom plus généralement utilisé (un super "on") ?
De ce que je vois c'est un iel utilisé pour indiquer que cela peut concerner un homme, une femme ou une personne non-binaire.

Ce qui me fait penser que cela s'imposera c'est la façon dont c'est utilisé "naturellement" hors d'un cercle militant. Le fait que ça se produise au sein de la jeune génération et des classes dominantes.

Les représentants de la jeunesse bourgeoise qui refusent absolument ce iel sont justement politisés (à l'ancienne). Bref, ce sont comme moi des dinosaures.

Je peux me tromper, bien entendu.

A ce sujet je ne juge pas le fait que "iel" s'impose en bien ou mal, mais je pense que la messe est dite. Cela ne me dérange vraiment pas, et je comprends mal la crispation des temps sur ces sujets, sauf à la considérer comme une diversion consciente ou savamment obtenue.

Un autre élément qui ira en faveur du iel, c'est son adoption marketing imminente, et dans ce cadre l'initiative du Robert est à mon sens moins un acte militant qu'un acte commercial. Le iel vient de cercles militants, mais il commence à se diffuser au-delà et rien ne s'oppose à sa récupération par le marché, et le marché fait sa loi pour le moment.

Vous avez vu la pub "Levis" qui passe au cinéma ? C'est instructif. L'écologie est recyclée en greenwashing par le marché, et il va sans dire que recycler un pronom n'est pas davantage un problème pour le marché.

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par Ascagne Sam 20 Nov 2021, 23:49
Concernant le marché, je crois qu'il y a deux angles d'approche :
- profiter de la vague pour paraître cool, branché, progressiste et faire jeune : c'est quand même quelque chose d'assez gros dans certaines pubs ou en ce qui concerne certaines entreprises ; je ne dis pas qu'elles sont dans la contradiction (les choses évoluent en interne aussi) mais ça reste parfois très gros. C'est présent dans les productions culturelles de masse, même si ce n'est pas le seul aspect de la question.
- constituer indirectement un facteur de normalisation/de progression d'un phénomène parce qu'on y a trouvé un intérêt économique direct. Je ne sais pas comment les connaisseurs appellent cela. Mais au fond la société peut par certains côtés se décrisper ou se pacifier par ce biais autour de tel ou tel sujet. Mais cela peut être aussi partiel.
Dans le cas présent, cependant, est-ce qu'être non-binaire est une niche intéressante pour des enjeux commerciaux, au-delà des goodies et t-shirts à motifs imprimés ?

Tangleding a écrit:Ce qui me fait penser que cela s'imposera c'est la façon dont c'est utilisé "naturellement" hors d'un cercle militant. Le fait que ça se produise au sein de la jeune génération et des classes dominantes.
Je ne l'ai jamais entendu dans la bouche d'étudiants ou d'élèves pour ma part, mais je n'en ai pas eu énormément. Et du reste ma vie sociale est limitée !
Si je regarde les réseaux sociaux, ils informent avant tout de l'usage... sur les réseaux sociaux. Un point sur lequel je suis d'accord, c'est qu'une partie de la jeunesse, notamment diplômée, tendance progressiste et de gauche, a volontiers tendance à reprendre des usages militants, pour telle ou telle raison - y compris des discutables à mon avis. Il n'en reste pas moins qu'on a tendance, de ce côté-là, à oublier un peu facilement que les jeunes de bac+tant, ce n'est pas toute la jeunesse. Ce qui m'étonne, c'est qu'il y a un biais curieux qui pousse à valoriser cette évolution de ce côté-là, en oubliant (alors qu'on en a conscience) la progression et la force d'une langue et d'une pensée on-ne-peut-plus réactionnaires de l'autre côté - qui semble aussi plus en prise avec les "dinosaures" des autres classes d'âge... Bon, tout cela me fait penser à l'Archipel français de Fourquet, subitement...

Tangleding a écrit:De ce que je vois c'est un iel utilisé pour indiquer que cela peut concerner un homme, une femme ou une personne non-binaire.
D'entrée de jeu je vois quelque intérêt pour désigner la personne non-binaire (je ne reviens pas sur le reste), en revanche, beaucoup moins dans cette perspective-là...
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par Elaïna Sam 20 Nov 2021, 23:54
Ascagne, j'entends bien pour mon dernier paragraphe, mais bon faut être réaliste au bout un moment. Moi j'ai lu de la poésie jésuite en latin du xviie siècle, c'était fort à la mode en 1642, ça ne l'est plus, ça n'est pas grave, y a pas de quoi s'en relever la nuit.

Et ça vaut pour tout un tas de trucs en fait : qui lit encore Régine Desforges (plus grand monde je pense vu les piles qu'on trouve dans les boîtes à lire urbaines : c'est typiquement le genre de truc qui sent le vidage de la bibliothèque de mamie...) Robbe-Grillet ou alors des machins qui ont eu leur heure de gloire du genre Jamais sans ma fille ou Élise ou la vraie vie ?

Bref j'en ai un peu marre de lire que nous sommes devenus trop bêtes en général pour lire Rabelais. Nous sommes différents. Mais j'ai peine à croire que ça ne soit qu'un problème de débilité profonde. Les goûts changent, aussi.

(Hé, moi aussi j'ai lu Régine Desforges en cachette dans la bibliothèque de mamie quand j'étais ado hein, à l'époque ça avait un parfum d'interdit tout à fait délectable).

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par Tangleding Dim 21 Nov 2021, 01:03
@Ascagne : (ne pas citer)


Spoiler:


Dernière édition par Tangleding le Dim 21 Nov 2021, 23:03, édité 5 fois

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