- Theriakos96Habitué du forum
Tout est dans le titre du sujet, mais je vais livrer quelques impressions le premier avant de lancer le débat.
Le livre est écrit par une docteur en lettres classiques, enseignant la dramaturgie des textes antiques à Yale, une femme préparée et cultivée, une philologue en somme.
Il traite de l'amour entre Achille et Patrocle (après tout documenté par Platon, Banquet 179e-180b, Echine le Contre Timarque, 142, Eschyle, Les Myrmidons fragments 135-136 Nauck, Pseudo-Lucien, Plutarque etc) en racontant les événements du point de vue de ce dernier, narrateur autodiégétique, qui grandit avec Achille avant qu'ils ne deviennent amoureux et ne meurent.
La langue est simple, mais n'est pas dépourvue de pointes de sublime poésie et les références aux textes anciens sont très présentes pour l'œil qui sait lire [exemple d'Achille encore jeune garçon s'interrogeant sur la manière dont il réagirait si on lui ôtait quelque chose de précieux qui lui appartient, qui conclut qu'il pourrait peut-etre s'énerver ; phrase cocasse pour celui qui connaît le premier mot de l'Iliade].
Leur relation sort du cadre pédérastique, mais après tout on sait que l'homosexualité, à entendre comme la relation d'amour entre deux hommes, proche de notre vision, existait aussi en Grèce (Platon, Banquet 179d-192b) bien que de manière marginale. Selon l'auteur, la relation pédérastique ne peut s'appliquer hors du contexte de l'Athènes du V-IIème siècle sans risquer de commettre anachronismes, donc elle en construit une autre qui n'est pas pour autant un amas informe de romantisme mielleux, mais quelque chose de, à mon sens, très vraisemblable. Elle ne tranche d'ailleurs pas la question de l'âge des deux héros : si les Anciens se demandaient qui était l'erastès et qui l'éromenos, elle en fait des garçons du même âge (leur rapport dans le roman soulève les interrogations d'Ulysse, au début à moitié diverti à moitié dérangé par cette relation, mais l'approuvant à la fin).
J'ai adoré les personnages de Chiron et de Thétis, qui prennent vie sous sa plume, qui en exacerbe peut-être quelque peu le caractère et les traits traditionnels, mais qui nous offre des pages de pure jouissance.
J'ai adoré, à une première lecture, le livre qui m'a fait, en l'espace de quelques heures (il fait un peu plus de 380 pages) , rire, pleurer et me réjouir ; je me demande toutefois – mais est-ce que cela importe? – si c'est un grand livre destiné à un bel avenir, ou seulement un roman d'appendice très bien fait, fondé sur des recherches solides sur les sources anciennes, ce qui n'enlève rien au plaisir qu'il m'a procuré.
Qu'en pensez-vous?
Le livre est écrit par une docteur en lettres classiques, enseignant la dramaturgie des textes antiques à Yale, une femme préparée et cultivée, une philologue en somme.
Il traite de l'amour entre Achille et Patrocle (après tout documenté par Platon, Banquet 179e-180b, Echine le Contre Timarque, 142, Eschyle, Les Myrmidons fragments 135-136 Nauck, Pseudo-Lucien, Plutarque etc) en racontant les événements du point de vue de ce dernier, narrateur autodiégétique, qui grandit avec Achille avant qu'ils ne deviennent amoureux et ne meurent.
La langue est simple, mais n'est pas dépourvue de pointes de sublime poésie et les références aux textes anciens sont très présentes pour l'œil qui sait lire [exemple d'Achille encore jeune garçon s'interrogeant sur la manière dont il réagirait si on lui ôtait quelque chose de précieux qui lui appartient, qui conclut qu'il pourrait peut-etre s'énerver ; phrase cocasse pour celui qui connaît le premier mot de l'Iliade].
Leur relation sort du cadre pédérastique, mais après tout on sait que l'homosexualité, à entendre comme la relation d'amour entre deux hommes, proche de notre vision, existait aussi en Grèce (Platon, Banquet 179d-192b) bien que de manière marginale. Selon l'auteur, la relation pédérastique ne peut s'appliquer hors du contexte de l'Athènes du V-IIème siècle sans risquer de commettre anachronismes, donc elle en construit une autre qui n'est pas pour autant un amas informe de romantisme mielleux, mais quelque chose de, à mon sens, très vraisemblable. Elle ne tranche d'ailleurs pas la question de l'âge des deux héros : si les Anciens se demandaient qui était l'erastès et qui l'éromenos, elle en fait des garçons du même âge (leur rapport dans le roman soulève les interrogations d'Ulysse, au début à moitié diverti à moitié dérangé par cette relation, mais l'approuvant à la fin).
J'ai adoré les personnages de Chiron et de Thétis, qui prennent vie sous sa plume, qui en exacerbe peut-être quelque peu le caractère et les traits traditionnels, mais qui nous offre des pages de pure jouissance.
J'ai adoré, à une première lecture, le livre qui m'a fait, en l'espace de quelques heures (il fait un peu plus de 380 pages) , rire, pleurer et me réjouir ; je me demande toutefois – mais est-ce que cela importe? – si c'est un grand livre destiné à un bel avenir, ou seulement un roman d'appendice très bien fait, fondé sur des recherches solides sur les sources anciennes, ce qui n'enlève rien au plaisir qu'il m'a procuré.
Qu'en pensez-vous?
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Dicebat Bernardus Carnotensis nos esse quasi nanos, gigantium humeris insidentes, ut possimus plura eis et remotiora videre, non utique proprii visus acumine, aut eminentia corporis, sed quia in altum subvenimur et extollimur magnitudine gigantea.
– Jean de Salisbury, Metalogicon, III, 4
- Theriakos96Habitué du forum
Personne ne l’a lu ? J’en profite pour faire remonter.
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– Jean de Salisbury, Metalogicon, III, 4
- AudreyOracle
J'avais commencé à le lire à sa sortie, et je ne sais pas comment le dire... j'avais trouvé ça cucul. Je sais, c'est un jugement sans subtilité... mais je n'ai pas du tout accroché à l'écriture (ou à la traduction?), et je ne peux pas le dire autrement. Peut-être n'étais-je pas dans le bon état d'esprit, parce qu'à force de voir autant d'éloges pour les romans de Miller sur Achille et Circé, je me dis que soit je me suis totalement plantée, soit mes collègues LC, notamment sur Facebook, se comportent comme des midinettes dès qu'un truc a un lien avec l'Antiquité... ceci dit, la réponse est peut-être une conjugaison des deux.
Bref, désolée de ne pas pouvoir alimenter de façon plus fouillée et subtile ce fil.
Bref, désolée de ne pas pouvoir alimenter de façon plus fouillée et subtile ce fil.
- Theriakos96Habitué du forum
@Audrey, merci de ta réponse ; j'ai eu peur d'avoir ce même sentiment de cucul, un peu gnangnan en le lisant mais, pour l'instant, je ne l'ai pas eu. J'ai essayé d'analyser la précision dans la recherche des sources et elle y est : c'était ma plus grande peur avant de commencer ce roman ; le côté un peu mielleux m'effrayait, mais franchement je ne l'ai pas perçu comme tel, ce qui m'a plutôt plu.
Enfin, je n'en sais rien, mais j'ai peur d'aimer quelque chose qui finalement ne le mérite pas et bien que cela ne paraisse pas avoir de sens, j'éprouve ce sentiment.
Merci encore de ta contribution qui alimente mes craintes, j'espère en d'autres avis.
Enfin, je n'en sais rien, mais j'ai peur d'aimer quelque chose qui finalement ne le mérite pas et bien que cela ne paraisse pas avoir de sens, j'éprouve ce sentiment.
Merci encore de ta contribution qui alimente mes craintes, j'espère en d'autres avis.
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- capucine42Érudit
J'ai adoré Circé et Le chant d'Achille ne m'a pas déplu du tout.
- Theriakos96Habitué du forum
Merci du retour : penses-tu que ce soit un ‘bon’ roman ou alors d’un roman de valeur, un ‘grand’ roman? Je ne sais pas si j’arrive à faire passer correctement ce que j’entends dire.
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- capucine42Érudit
Oui je comprends ta question. Je trouve comme toi que ce sont des ouvrages qui ont une valeur littéraire, qui sont bien écrits. Je pense que Madeline M saisit parfaitement la force du mythe et que c'est pour ça qu'ils nous touchent( le point de départ de Circé, l'identité mal définie de la nymphe par exemple)
Je pense aussi qu'elle est très érudite dans son domaine.
Après, je ne saurais te dire, peut-être qu'elle nous a fait une fin un peu à l'américaine dans Circé, mais certains passages sont époustouflants.
Si je me fie à ce que j'ai ressenti en le lisant, je dirais que c'est un grand roman.
Je pense aussi qu'elle est très érudite dans son domaine.
Après, je ne saurais te dire, peut-être qu'elle nous a fait une fin un peu à l'américaine dans Circé, mais certains passages sont époustouflants.
Si je me fie à ce que j'ai ressenti en le lisant, je dirais que c'est un grand roman.
- Theriakos96Habitué du forum
Merci de ta contribution qui exprime assez bien mon ressenti, merci !
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- abricotedapiExpert spécialisé
Une amie, étudiante en LLCE anglais et adoratrice de la littérature anglaise, m'a fortement conseillé ce livre. J'étais déjà tentée, mais ton questionnement me donne encore plus envie de me faire ma propre opinion. Je vais essayer de me le procurer pour revenir dire ce que j'en pense.
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- Spoiler:
- 2024-2025 : en poste fixe !!
2023-2024 (TZR) AFA : 2 classes de 6e (PP 6e)
2022-2023 (TZR) AFA : 1 classe de 5e, 2 classes de 4e, 1 classe de 3e (PP 5e)
2021-2022 (TZR) 2 remplacements : 2 classes de 5e, 1 classe de 6e / 3 classes de 6e
2020-2021 (TZR) AFA 2 collèges dont le RAD : 2 classes de 5e, 1 classe de 4e (PP 5e) + 1 classe de 6e
2019-2020 (TZR) AFA RAD : 2 classes de 6e, 2 classes de 5e (PP 6e)
2018-2019 (TZR) AFA : 4 classes de 6e
2014-2018 : quatre ans en poste fixe (8 classes de 6e, 4 classes de 4e, 3 classes de 5e, 2 classes de 3e et 4 x PP 6e)
2013-2014 (stagiaire) : 2 classes de 5e, 1 classe de 6e
- Theriakos96Habitué du forum
@abricotedapi, j'ai hâte de connaître ton opinion donc, ce ivre me tient vraiment à cœur, finalement.
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– Jean de Salisbury, Metalogicon, III, 4
- MélisandeNeoprof expérimenté
J'ai lu "Circé" de Madeline Miller début juillet et j'ai été totalement envoûtée. Comme toi, je trouve que le style est fluide, mais les pointes poétiques, les références culturelles et une profonde connaissance de la mythologie m'ont séduite. L'histoire de "Circé", bien qu'en partie imaginée par l'auteur, cadre pourtant parfaitement avec les morceaux d'histoire qu'on sait d'elle par la mythologie et s'harmonisent très bien ensemble. C'est une lecture que je conseille, et que j'envisage de conseiller à mes élèves de 3e, d'ailleurs.
- capucine42Érudit
Moi aussi je l'ai conseillée en première HLP. Circé est une oeuvre envoûtante, c'est exactement cela.
Ça fait plaisir de lire que je ne suis pas la seule à avoir été habitée par Circé.
J'envisage même de prendre le temps de transformer l'oeuvre en pièce théâtrale pour l'option théâtre, un jour, quand j'aurai le temps.
Pour le plaisir, le début de l'incipit:
Quand je suis née, le mot désignant ce que j’étais n’existait pas. Ils m’appelèrent donc nymphe, présumant que je serais comme ma mère, mes tantes et mes milliers de cousines. Moindres que ceux des déesses mineures, nos pouvoirs étaient si modestes qu’ils garantissaient à peine nos éternités. Nous parlions aux poissons et soignions les fleurs, cajolions nuages et vagues pour en extraire les gouttes d’eau et de sel. Ce terme de nymphe englobait notre futur en long et en large. Dans notre langue, il ne signifie pas uniquement déesse, mais aussi jeune mariée.
Après, le miracle ne s'est pas reproduit à l'identique chez moi à la lecture du chant d'Achille mais c'est une belle oeuvre aussi.
Ça fait plaisir de lire que je ne suis pas la seule à avoir été habitée par Circé.
J'envisage même de prendre le temps de transformer l'oeuvre en pièce théâtrale pour l'option théâtre, un jour, quand j'aurai le temps.
Pour le plaisir, le début de l'incipit:
Quand je suis née, le mot désignant ce que j’étais n’existait pas. Ils m’appelèrent donc nymphe, présumant que je serais comme ma mère, mes tantes et mes milliers de cousines. Moindres que ceux des déesses mineures, nos pouvoirs étaient si modestes qu’ils garantissaient à peine nos éternités. Nous parlions aux poissons et soignions les fleurs, cajolions nuages et vagues pour en extraire les gouttes d’eau et de sel. Ce terme de nymphe englobait notre futur en long et en large. Dans notre langue, il ne signifie pas uniquement déesse, mais aussi jeune mariée.
Après, le miracle ne s'est pas reproduit à l'identique chez moi à la lecture du chant d'Achille mais c'est une belle oeuvre aussi.
- Theriakos96Habitué du forum
@Mélisande, merci de ton témoignage ; j'aurais aimé lire un tel livre à l'âge de tes étudiants...
@capucine42 tu me donnes l'envie de lire ce fameux Circé ; de toute façon le personnage m'a toujours intrigué, du fait de l'halo de mystère qui l'entoure dans les mythes à elle reliés, notamment l'Odyssée et la Télémachie
; je vais donc l'acheter et le lire, en espérant que la magie se reproduise.
Merci à tous de vos retours.
@capucine42 tu me donnes l'envie de lire ce fameux Circé ; de toute façon le personnage m'a toujours intrigué, du fait de l'halo de mystère qui l'entoure dans les mythes à elle reliés, notamment l'Odyssée et la Télémachie
; je vais donc l'acheter et le lire, en espérant que la magie se reproduise.
Merci à tous de vos retours.
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– Jean de Salisbury, Metalogicon, III, 4
- Lord StevenExpert
Mon retour ne sera pas constructif car non littéraire mais vous m'avez donné envie de découvrir cette oeuvre que je ne connaissais pas. Simplement je tenais à vous dire que disserter librement et simplement sur les amours d'Achille et Patrocle peut tout simplement aider psychologiquement des étudiants qui peuvent hélas être issus d'un milieu qui continue à stigmatiser de telles amours.
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If you play with a cat, you should mind his scratch
- Theriakos96Habitué du forum
@LordSteven, je n’aurais pas su mieux le dire, merci ; si seulement je l’avais eu à 14 ce bouquin...
Bref, tu nous diras ce que tu en penses, je suis curieux.
Bref, tu nous diras ce que tu en penses, je suis curieux.
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– Jean de Salisbury, Metalogicon, III, 4
- *Ombre*Grand sage
Je ne parlerai pas de Circé que je n'ai pas lu, mais pour ma part, comme Audrey, je n'ai pas été séduite par Le Chant d'Achille. Après tout ce qu'on en avait dit, je m'attendais à une écriture épique, quelque chose qui emporte le lecteur dans un tourbillon haut en couleur, comme sait si bien le faire L'Iliade, et j'ai rencontré un style d'une grande platitude, et une histoire encombrée de psychologie convenue, qui ôte tout son souffle à l'action. Je place ce roman dans la même catégorie que les Histoires noires de la mythologie de Nathan : des ouvrages médiocres, mais que je propose en cursive aux élèves, parce qu'ils ont au moins le mérite de faire connaître ces récits fondateurs.
En fait, à lire ces ouvrages (le Milner et les histoires de Nathan), je me dis que ces récits, tout en archétypes, en images poétiques à la puissance souterraine, ne peuvent être transposés dans le roman, avec ses développements psychologiques, sa volonté explicative, sans perdre leur puissance. Pour moi, Achille reste le héros de L'Iliade, oeuvre qui tient avant tout à une langue, un genre, celui de l'épopée. Je ne sais pas s'il est possible d'en faire un héros de roman sans l'affaiblir, lui faire perdre son sublime. En tout cas, je considère que la gageure n'a pas été relevée par Milner.
En fait, à lire ces ouvrages (le Milner et les histoires de Nathan), je me dis que ces récits, tout en archétypes, en images poétiques à la puissance souterraine, ne peuvent être transposés dans le roman, avec ses développements psychologiques, sa volonté explicative, sans perdre leur puissance. Pour moi, Achille reste le héros de L'Iliade, oeuvre qui tient avant tout à une langue, un genre, celui de l'épopée. Je ne sais pas s'il est possible d'en faire un héros de roman sans l'affaiblir, lui faire perdre son sublime. En tout cas, je considère que la gageure n'a pas été relevée par Milner.
- Theriakos96Habitué du forum
*@Ombre* merci de ta riche et intéressante contribution qui vient mettre des mots sur une série de sensations que j'avais eues après la lecture.
L'écriture n'est pas épique, mais je trouve que le but de l'auteure n'était pas justement de faire un Prélude d'Homère à la Quintus de Smyrne, mais plutôt de raconter d'une manière autre ces deux personnages encrés dans le mythe. Le style est sec, simple, presque hérité des romans grecs eux-mêmes, mais ne se prive pas, à mon sens, de quelques pointes très poétiques – comme un savant usage de la langue lors des descriptions. La psychologie des personnages n'est pas si convenue je trouve, mais c'est peut-être mon point de vue qui est faux ou faussé.
Je ne connais pas la série de livres médiocres à laquelle tu fais référence, je me renseignerai ; le tout est de savoir si médiocre signifie ce que son sens originel veut dire (donc, grosso modo, moyen, dans la moyenne) ou si alors on l'utilise pour indiquer quelque chose de mauvais, sans vouloir employer l'adjectif.
Je trouve également que la valeur du livre réside dans les recherches approfondies que Miller a faites pour l'écrire ; on sent la lecture de toute la tradition sur ces deux personnages (Platon, Eschiyle, Lucien, les mythographes, Stace etc.) qui rend l'intrigue solide et vraisemblable.
De plus, le titre est à mon sens volontairement en porte à faux avec le contenu du livre : le véritable (anti-)héros est le narrateur autodiégétique lui-même, Patrocle. Achille reste sublime parce que ce n'est pas son point de vue que nous vivons (qui est vraisemblablement celui de l'Iliade) ; Achille reste sublime puisque le monde est vu des yeux d'un homme qui, lui, n'est pas sublime, mais simplement homme. La langue résulte simple puisque les yeux de Patrocle ne sont pas en mesure de produire le même regard que celui d'Homère, inspiré lui aussi par la muse et donc en quelque sorte participant de la nature divine, θέσπις aurait dit Platon. J'aime beaucoup ce roman, malgré tout et cela me chagrine, le fait que je puisse aimer quelque chose de médiocre, mais, au fond de moi, j'estime l'œuvre très réfléchie, comme j'ai essayé de le montrer.
En tout cas merci @*Ombre* !
L'écriture n'est pas épique, mais je trouve que le but de l'auteure n'était pas justement de faire un Prélude d'Homère à la Quintus de Smyrne, mais plutôt de raconter d'une manière autre ces deux personnages encrés dans le mythe. Le style est sec, simple, presque hérité des romans grecs eux-mêmes, mais ne se prive pas, à mon sens, de quelques pointes très poétiques – comme un savant usage de la langue lors des descriptions. La psychologie des personnages n'est pas si convenue je trouve, mais c'est peut-être mon point de vue qui est faux ou faussé.
Je ne connais pas la série de livres médiocres à laquelle tu fais référence, je me renseignerai ; le tout est de savoir si médiocre signifie ce que son sens originel veut dire (donc, grosso modo, moyen, dans la moyenne) ou si alors on l'utilise pour indiquer quelque chose de mauvais, sans vouloir employer l'adjectif.
Je trouve également que la valeur du livre réside dans les recherches approfondies que Miller a faites pour l'écrire ; on sent la lecture de toute la tradition sur ces deux personnages (Platon, Eschiyle, Lucien, les mythographes, Stace etc.) qui rend l'intrigue solide et vraisemblable.
De plus, le titre est à mon sens volontairement en porte à faux avec le contenu du livre : le véritable (anti-)héros est le narrateur autodiégétique lui-même, Patrocle. Achille reste sublime parce que ce n'est pas son point de vue que nous vivons (qui est vraisemblablement celui de l'Iliade) ; Achille reste sublime puisque le monde est vu des yeux d'un homme qui, lui, n'est pas sublime, mais simplement homme. La langue résulte simple puisque les yeux de Patrocle ne sont pas en mesure de produire le même regard que celui d'Homère, inspiré lui aussi par la muse et donc en quelque sorte participant de la nature divine, θέσπις aurait dit Platon. J'aime beaucoup ce roman, malgré tout et cela me chagrine, le fait que je puisse aimer quelque chose de médiocre, mais, au fond de moi, j'estime l'œuvre très réfléchie, comme j'ai essayé de le montrer.
En tout cas merci @*Ombre* !
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– Jean de Salisbury, Metalogicon, III, 4
- MyrrhaNiveau 9
Il faudra que je lise Circé, qui a l'air d'avoir davantage plu, mais en ce qui concerne Le Chant d'Achille, je n'ai pas été fascinée. Pourtant, le point de vue de Patrocle et sa relation avec Achille m'intéressait, et j'étais vraiment curieuse de le lire. Mais j'ai trouvé ce roman un peu plat, et pour tout dire, je ne l'ai pas fini. Bien sûr il n'a pas de grandeur épique, mais ce n'est même pas ça. Je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages, j'ai trouvé la plupart des réflexions psychologiques assez basiques, bref, ça ne m'a pas emportée.
Mais j'essaierai Circé !
Mais j'essaierai Circé !
- Theriakos96Habitué du forum
Merci @Myrrha de ta contribution ; je suis triste que tu n'aies pas aimé le roman, j'en viens même à douter de sa qualité (existe-t-il un paramètre objectif?) au vu des critiques, mais je dois encore chercher à approfondir ma lecture.
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– Jean de Salisbury, Metalogicon, III, 4
- Hardy-LaclosNiveau 9
Je n'ai pas lu Le Chant d'Achille mais la lecture de Circé m'a envoûté. L'auteur retrace le parcours d'une femme qu'on connaît finalement assez mal et s'appuie beaucoup sur la mythologie. Vu le pavé, il y a forcément un développement de la psyché du personnage mais c'est très bien fichu. L'écriture est fluide et l'intrigue très bien menée malgré quelques longueurs. On prend plaisir à retrouver certains personnages connus (Ariane, le Minotaure, Médée...)
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- Spoiler:
- 2018-2019 : T2 (deux 6è ; une 5è ; une 3ème + PP 3ème)
2017-2018 : T1 (trois 6è ; 1 3è)
2016-2017 : stagiaire (deux 5è)
« - Alors, tu t'es bien amusée ?
- Comme ça.
- T'as vu le métro ?
- Non.
- Alors, que'est ce que t'as fait ?
- J'ai vieilli. »
Raymond Queneau, Zazie dans le métro
- Theriakos96Habitué du forum
J'ai acheté ce matin Circé et je l'ai terminé il y a quelques dizaines de minutes ; c'est également envoûtant et cela me confirme dans mon appréciation de l'auteure, j'en dirai plus. Pour l'instant, comme je l'ai lu dans un autre fil dédié aux héros grecs, j'attends l'intervention de @Sitia sur Le chant d'Achille.
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Dicebat Bernardus Carnotensis nos esse quasi nanos, gigantium humeris insidentes, ut possimus plura eis et remotiora videre, non utique proprii visus acumine, aut eminentia corporis, sed quia in altum subvenimur et extollimur magnitudine gigantea.
– Jean de Salisbury, Metalogicon, III, 4
- SitiaNiveau 5
Bonsoir Theriakos96,
tu m'intimides avec ta remarque. Je n'ai pas renseigné mon âge (par déni, vraisemblablement) mais tu as exactement l'âge de ma fille: j'ai donc lu beaucoup plus que toi, forcément, étant de plus une lectrice boulimique, rapide, qui relit immédiatement tout livre aimé à peine fini de dévorer (en juillet, Déracinée et La fileuse d'argent de N Novik, évoqués sur le fil fantasy, et en SF Chroniques du pays des mères (de E Vonarberg, traductrice de GG Kay), lu 3 fois malgré ses 500 pages écrites bien petit).
Le Chant d'Achille n'a pas eu cet effet sur moi quand je l'ai lu, probablement dès sa sortie il y a plusieurs années. Circé attend sur la pile près de mon lit.
Je suis lectrice des mythes homériques depuis mon enfance (à chacun son addiction, aussi étrange soit-elle): je lis avec curiosité les romans et autres formes qui les revisitent mais avec un attachement puissant et indéfectible ma foi, à la trame et à la version homérique des personnages. J'apprécie les variations, les développements autour de personnages "points de vue". Par exemple, Cassandre pour La trahison des dieux de Marion Zimmer Bradley, Hélène pour Hélène de Troie de Margaret Georges, un personnage POV par chapitre pour le Cheval de Troie de Colleen McCullough (riche idée, reprise par Nathalie Haynes, pas lu encore pour cause de VO en anglais), Enée pour la trilogie Troie de David Gemmell, Cassandra de Christa Wolf, Illium de Dan Simmons (de la SF), et récemment Briséis dans The silence of the girls, dur, de Pat Barker, laborieusement lu en VO aussi.
J'ai lu la série des BD d'Eric Shanower, L'âge de bronze (et comme GRR Martin, ce serait bien qu'il accélère le rythme), celle de Jarry et Campanella "Troie".
Lu les tragédies grecques.
Lu aussi des livres d'histoire grecque (Romilly, Vernant, Vidal Naquet, Finlay, Monsacré), des livres que je ne classe pas avec certitude (D Bouvier, Le sceptre et la lyre, G Nagy, Le meilleur des Achéens), des essais (est-ce le bon mot ?) comme Achille de Marie Richeux (elle imagine s'entretenir avec Achille apparu dans sa salle de bains, en bon fils de déesse marine), Tombeau d'Achille de Vincent Delecroix.
Et Simone Weil, L'Iliade ou le poème de la force, L'Iliade de Alessandro Baricco, et la nouvelle traduction de l'Iliade dans Tout Homère récemment paru.
Je suis en vacances, mais si j'avais ma bibliothèque sous les yeux, j'en trouverais certainement d'autres encore.
Il y a du très bon et du très bof dans tout cela.
Madeline Miller n'est ni l'un ni l'autre pour moi. J'ai lu il y a quelques années un article, dans l'Histoire je pense, expliquant que les Grecs connaissaient ces récits, comportant dans leur transmission orale des variations, mais aussi des passages obligés entre un début fixé et une fin fixée elle aussi. Pour moi, ces variations développées dans tous les bouquins que j'ai fastidieusement énumérés, sont les bienvenues et je les découvre avec plaisir, tant qu'elles ne s'éloignent pas trop du schéma d'Homère, ma (p)référence à moi.
M Miller a choisi Patrocle comme personnage Pov: c'est la seule à l'avoir fait, je crois.
(Il faut que tu lises ce qu'en dit Bouvier, qui explique qu'Homère aurait justement inventé le personnage, en transposant l'Ethiopide de ... quelqu'un, où Antiloque est tué par Memnon en protégeant son père Nestor, et vengé par Achille. Le nom de Patrocle est selon lui révélateur de cet emprunt mais tu en feras l’étymologie bien mieux que moi. Pour info, le livre est disponible dans le réseau des biblis de Paris, où ma fille l'avait fort gentiment emprunté et ramené pour moi malgré son poids et son volume).
(Attention pour ceux qui n'ont pas lu Le chant d'Achille: spoilers dans la suite de mon blabla)
Donc M Miller choisit Patrocle, mais il n'est personne d'autre que le fidèle et très aimé compagnon d'Achille, arrivé enfant auprès de lui après un meurtre, ce qui lui permet de rester ensuite auprès de lui pour les besoins de l'intrigue dès Homère. Mais il n'a pas de vie à lui, d'aventures à lui, de hauts faits. Il est fidèle, loyal, doux, compatissant. C'est peu pour donner vie à un personnage. Est-ce pour cela qu'elle choisit de les rendre amoureux et de raconter leurs amours. Le bât commence à blesser ici pour moi, même si des auteurs antiques ont déjà pris cette idée, comme tu le dis, et cherché à savoir qui est quoi dans cette relation.
Pour moi lectrice d'Homère, Achille et Patrocle sont amis, plus que frères, compagnons, pas amants. Homère nomme les captives avec lesquelles ils couchent (vais-je devenir parano et le soupçonner de noyer le poisson ?): pudeur ? Il ne censure pourtant en rien les amours de Zeus avec tout ce qui bouge, déesses, femmes, jeune prince troyen. Le désespoir immense d'Achille à la mort de Patrocle s'explique bien aisément par la perte de l'ami le plus cher, le plus proche, depuis 20 ans, à vue de nez, et de la culpabilité de ne pas avoir été à ses côtés face à Hector. La culpabilité du survivant d'une certaine façon?
2e élément qui me fait tiquer, la haine de Thétis envers Patrocle: je ne la comprends pas autrement que comme un ressort dramatique, de même que le portrait de Néoptolème, devenu un abominable personnage, cruel, exécrable, dénué de sens de l'honneur, qu'elle charge plus que les récits homériques, pas tendres pourtant avec lui.
Avec tout ça, tu comprends que je n'adore pas ce livre (mais je le relirai en rentrant) pour des raisons qui ne tiennent en rien à ses qualités littéraires mais parce qu'il ne rentre pas assez bien dans mon cahier des charges personnel. Raison décevante, je suppose.
Ceci dit,à lire ce fil, je me suis souvenue de la fluidité, de la beauté de certaines scènes, particulièrement quand Thétis s'en prend à Patrocle, vivant ou mort, et j'ai été émue quand il obtient enfin la sépulture promise par (et avec ? je ne sais plus) Achille.
Il me sera bien plus facile d'aimer Circé, la mystérieuse, la mal-aimée, sur laquelle rien n'a été écrit spécifiquement, et pour laquelle je n'ai pas d'attentes incontournables. J'espère que nous en reparlerons dans quelque temps.
Paradoxalement, j'ai apprécié Troy, le film de Petersen, malgré tout ce qui ne colle pas avec l'Iliade et mes attentes, parce qu'il redonnait une vie au cinéma à ce mythe. Le réalisateur n'a pas vraiment fait un excellent film, mais il a quand même parfois utilisé des dialogues sortis de l'Iliade (les insultes lancées à Agamemnon), trouvé une explication élégante à la mort résultant d'une flèche dans le talon, créé un cheval magnifique, et donné envie de voir Sean Bean incarner à nouveau Ulysse (en plus, pour une fois, il resterait en vie à la fin). Le reste est moins mémorable, dirais-je gentiment.
Je suis désolée de ne pas partager ton enthousiasme pour Le Chant d'Achille, d'où la longueur infinie de ce message: je sais combien j'aime que mes coups de cœur soit partagés.
Bonne nuit.
tu m'intimides avec ta remarque. Je n'ai pas renseigné mon âge (par déni, vraisemblablement) mais tu as exactement l'âge de ma fille: j'ai donc lu beaucoup plus que toi, forcément, étant de plus une lectrice boulimique, rapide, qui relit immédiatement tout livre aimé à peine fini de dévorer (en juillet, Déracinée et La fileuse d'argent de N Novik, évoqués sur le fil fantasy, et en SF Chroniques du pays des mères (de E Vonarberg, traductrice de GG Kay), lu 3 fois malgré ses 500 pages écrites bien petit).
Le Chant d'Achille n'a pas eu cet effet sur moi quand je l'ai lu, probablement dès sa sortie il y a plusieurs années. Circé attend sur la pile près de mon lit.
Je suis lectrice des mythes homériques depuis mon enfance (à chacun son addiction, aussi étrange soit-elle): je lis avec curiosité les romans et autres formes qui les revisitent mais avec un attachement puissant et indéfectible ma foi, à la trame et à la version homérique des personnages. J'apprécie les variations, les développements autour de personnages "points de vue". Par exemple, Cassandre pour La trahison des dieux de Marion Zimmer Bradley, Hélène pour Hélène de Troie de Margaret Georges, un personnage POV par chapitre pour le Cheval de Troie de Colleen McCullough (riche idée, reprise par Nathalie Haynes, pas lu encore pour cause de VO en anglais), Enée pour la trilogie Troie de David Gemmell, Cassandra de Christa Wolf, Illium de Dan Simmons (de la SF), et récemment Briséis dans The silence of the girls, dur, de Pat Barker, laborieusement lu en VO aussi.
J'ai lu la série des BD d'Eric Shanower, L'âge de bronze (et comme GRR Martin, ce serait bien qu'il accélère le rythme), celle de Jarry et Campanella "Troie".
Lu les tragédies grecques.
Lu aussi des livres d'histoire grecque (Romilly, Vernant, Vidal Naquet, Finlay, Monsacré), des livres que je ne classe pas avec certitude (D Bouvier, Le sceptre et la lyre, G Nagy, Le meilleur des Achéens), des essais (est-ce le bon mot ?) comme Achille de Marie Richeux (elle imagine s'entretenir avec Achille apparu dans sa salle de bains, en bon fils de déesse marine), Tombeau d'Achille de Vincent Delecroix.
Et Simone Weil, L'Iliade ou le poème de la force, L'Iliade de Alessandro Baricco, et la nouvelle traduction de l'Iliade dans Tout Homère récemment paru.
Je suis en vacances, mais si j'avais ma bibliothèque sous les yeux, j'en trouverais certainement d'autres encore.
Il y a du très bon et du très bof dans tout cela.
Madeline Miller n'est ni l'un ni l'autre pour moi. J'ai lu il y a quelques années un article, dans l'Histoire je pense, expliquant que les Grecs connaissaient ces récits, comportant dans leur transmission orale des variations, mais aussi des passages obligés entre un début fixé et une fin fixée elle aussi. Pour moi, ces variations développées dans tous les bouquins que j'ai fastidieusement énumérés, sont les bienvenues et je les découvre avec plaisir, tant qu'elles ne s'éloignent pas trop du schéma d'Homère, ma (p)référence à moi.
M Miller a choisi Patrocle comme personnage Pov: c'est la seule à l'avoir fait, je crois.
(Il faut que tu lises ce qu'en dit Bouvier, qui explique qu'Homère aurait justement inventé le personnage, en transposant l'Ethiopide de ... quelqu'un, où Antiloque est tué par Memnon en protégeant son père Nestor, et vengé par Achille. Le nom de Patrocle est selon lui révélateur de cet emprunt mais tu en feras l’étymologie bien mieux que moi. Pour info, le livre est disponible dans le réseau des biblis de Paris, où ma fille l'avait fort gentiment emprunté et ramené pour moi malgré son poids et son volume).
(Attention pour ceux qui n'ont pas lu Le chant d'Achille: spoilers dans la suite de mon blabla)
Donc M Miller choisit Patrocle, mais il n'est personne d'autre que le fidèle et très aimé compagnon d'Achille, arrivé enfant auprès de lui après un meurtre, ce qui lui permet de rester ensuite auprès de lui pour les besoins de l'intrigue dès Homère. Mais il n'a pas de vie à lui, d'aventures à lui, de hauts faits. Il est fidèle, loyal, doux, compatissant. C'est peu pour donner vie à un personnage. Est-ce pour cela qu'elle choisit de les rendre amoureux et de raconter leurs amours. Le bât commence à blesser ici pour moi, même si des auteurs antiques ont déjà pris cette idée, comme tu le dis, et cherché à savoir qui est quoi dans cette relation.
Pour moi lectrice d'Homère, Achille et Patrocle sont amis, plus que frères, compagnons, pas amants. Homère nomme les captives avec lesquelles ils couchent (vais-je devenir parano et le soupçonner de noyer le poisson ?): pudeur ? Il ne censure pourtant en rien les amours de Zeus avec tout ce qui bouge, déesses, femmes, jeune prince troyen. Le désespoir immense d'Achille à la mort de Patrocle s'explique bien aisément par la perte de l'ami le plus cher, le plus proche, depuis 20 ans, à vue de nez, et de la culpabilité de ne pas avoir été à ses côtés face à Hector. La culpabilité du survivant d'une certaine façon?
2e élément qui me fait tiquer, la haine de Thétis envers Patrocle: je ne la comprends pas autrement que comme un ressort dramatique, de même que le portrait de Néoptolème, devenu un abominable personnage, cruel, exécrable, dénué de sens de l'honneur, qu'elle charge plus que les récits homériques, pas tendres pourtant avec lui.
Avec tout ça, tu comprends que je n'adore pas ce livre (mais je le relirai en rentrant) pour des raisons qui ne tiennent en rien à ses qualités littéraires mais parce qu'il ne rentre pas assez bien dans mon cahier des charges personnel. Raison décevante, je suppose.
Ceci dit,à lire ce fil, je me suis souvenue de la fluidité, de la beauté de certaines scènes, particulièrement quand Thétis s'en prend à Patrocle, vivant ou mort, et j'ai été émue quand il obtient enfin la sépulture promise par (et avec ? je ne sais plus) Achille.
Il me sera bien plus facile d'aimer Circé, la mystérieuse, la mal-aimée, sur laquelle rien n'a été écrit spécifiquement, et pour laquelle je n'ai pas d'attentes incontournables. J'espère que nous en reparlerons dans quelque temps.
Paradoxalement, j'ai apprécié Troy, le film de Petersen, malgré tout ce qui ne colle pas avec l'Iliade et mes attentes, parce qu'il redonnait une vie au cinéma à ce mythe. Le réalisateur n'a pas vraiment fait un excellent film, mais il a quand même parfois utilisé des dialogues sortis de l'Iliade (les insultes lancées à Agamemnon), trouvé une explication élégante à la mort résultant d'une flèche dans le talon, créé un cheval magnifique, et donné envie de voir Sean Bean incarner à nouveau Ulysse (en plus, pour une fois, il resterait en vie à la fin). Le reste est moins mémorable, dirais-je gentiment.
Je suis désolée de ne pas partager ton enthousiasme pour Le Chant d'Achille, d'où la longueur infinie de ce message: je sais combien j'aime que mes coups de cœur soit partagés.
Bonne nuit.
- Theriakos96Habitué du forum
Merci @Sitia de ce long développement qui est très intéressant.
Concernant ce qui t'a déçue dans le livre dont nous parlons, je conçois qu'on n'ait jamais imaginé Patrocle et Achille comme amants, mais c'est ce qui, personnellement, me paraît le plus logique.
Pour le reste, je comprends tout ce que tu dis et apprécie la finesse de ton message ; lis Circé, il est merveilleux, bien que pour moi son Achille reste imbattable!
Concernant ce qui t'a déçue dans le livre dont nous parlons, je conçois qu'on n'ait jamais imaginé Patrocle et Achille comme amants, mais c'est ce qui, personnellement, me paraît le plus logique.
A cela répond aisément Eschine qui écrit, Contre Timarque, 142 : "Je mentionnerai avant tous Homère que nous énumérons parmi les poètes les plus anciens et les plus sages. En effet, bien qu'il cite souvent Achille et Patrocle, il voile leur amour et le véritable nom de leur amitié, puisqu'il pensait que le caractère sublime de leur affection était évident aux gens cultivés qui étaient dans son public" (traduction en français d'une traduction personnelle que je fis en Italien il y a quelques mois, donc peut-être un peu imprécise).@Sitia a écrit:Pour moi lectrice d'Homère, Achille et Patrocle sont amis, plus que frères, compagnons, pas amants. Homère nomme les captives avec lesquelles ils couchent (vais-je devenir parano et le soupçonner de noyer le poisson ?): pudeur ? Il ne censure pourtant en rien les amours de Zeus avec tout ce qui bouge, déesses, femmes, jeune prince troyen. Le désespoir immense d'Achille à la mort de Patrocle s'explique bien aisément par la perte de l'ami le plus cher, le plus proche, depuis 20 ans, à vue de nez, et de la culpabilité de ne pas avoir été à ses côtés face à Hector. La culpabilité du survivant d'une certaine façon?
Pour le reste, je comprends tout ce que tu dis et apprécie la finesse de ton message ; lis Circé, il est merveilleux, bien que pour moi son Achille reste imbattable!
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Dicebat Bernardus Carnotensis nos esse quasi nanos, gigantium humeris insidentes, ut possimus plura eis et remotiora videre, non utique proprii visus acumine, aut eminentia corporis, sed quia in altum subvenimur et extollimur magnitudine gigantea.
– Jean de Salisbury, Metalogicon, III, 4
- SitiaNiveau 5
Réflexion assez démagogique de ma part: peut-on faire confiance à un orateur qui doit gagner une cause et pourrait pour cela ne pas hésiter à "tordre" tout élément afin d'un faire un argument marquant ?
Je me demande alors pourquoi Homère est si discret sur le sujet de la nature des relations entre Achille et Patrocle: parce que c'est un non-sujet ? parce c'est tellement évident qu'il est inutile d'y faire allusion ? parce que c'est privé ?
Et pourquoi est-ce mis en lumière par les auteurs des siècles suivants ? J'ai lu tout à l'heure un extrait d'une étude de la fin du XIXe sur Les Myrmidons, la "pièce" que tu as citée: l'auteur y voyait un ressort dramatique qui permet d'expliquer qu'Achille accepte le départ au combat de Patrocle. je conçois qu'il faille surprendre dans une pièce qui traite un thème connu de tous. Mais pourquoi cela devient-il récurrent ? Pour répondre à quels enjeux ?
Dans les titres que je citais, deux montrent Achille et Patrocle amants: le roman de C McCullough (qui n'est pas excellent mais se lit bien) et dans la série de BD de Shanower.
Autre question: nous discutons d'une histoire qui a près de 3000 ans et qui, depuis, est re re re racontée, peinte, sculptée, jouée, filmée : quel autre mythe, légende, récit a donné lieu à autant de reprises depuis des siècles ? J'ai pensé au cycle arthurien. Rien d'autre ne me vient à l'esprit ce soir mais il doit bien y en avoir.
Je me demande alors pourquoi Homère est si discret sur le sujet de la nature des relations entre Achille et Patrocle: parce que c'est un non-sujet ? parce c'est tellement évident qu'il est inutile d'y faire allusion ? parce que c'est privé ?
Et pourquoi est-ce mis en lumière par les auteurs des siècles suivants ? J'ai lu tout à l'heure un extrait d'une étude de la fin du XIXe sur Les Myrmidons, la "pièce" que tu as citée: l'auteur y voyait un ressort dramatique qui permet d'expliquer qu'Achille accepte le départ au combat de Patrocle. je conçois qu'il faille surprendre dans une pièce qui traite un thème connu de tous. Mais pourquoi cela devient-il récurrent ? Pour répondre à quels enjeux ?
Dans les titres que je citais, deux montrent Achille et Patrocle amants: le roman de C McCullough (qui n'est pas excellent mais se lit bien) et dans la série de BD de Shanower.
Autre question: nous discutons d'une histoire qui a près de 3000 ans et qui, depuis, est re re re racontée, peinte, sculptée, jouée, filmée : quel autre mythe, légende, récit a donné lieu à autant de reprises depuis des siècles ? J'ai pensé au cycle arthurien. Rien d'autre ne me vient à l'esprit ce soir mais il doit bien y en avoir.
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