- User12958Niveau 5
Maintenant que j'ai du temps libre, j'ai pu regarder une émission achetée sur le site de l'INA au mois d'août dernier, il s'agit d'un numéro d'Apostrophe sur les enseignants, en 1984. (je suis assez fan des années 80, je suis prof, donc bon, nostalgie, curiosité, toussa... )
Jean-Claude Milner était invité pour son livre « De l’Ecole ».
Il constate et explique :
- que les parents parlent de « l’Ecole » mais que les textes officiels et les rapports, non.
- que la réforme égalitaire du College Haby a été mise en place sous Giscard, donc sous un gouvernement plutôt de droite et économiquement libéral.
De là, il se pose des questions et en déduit que les Profs et les Élèves sont victimes de ce qu’il appelle une "machine" :
- les gestionnaires veulent que ça coûte le moins cher possible (« là, ils font leur métier » reconnait-il)
- les gestionnaires « se méfient beaucoup des fonctionnaires qui ont une zone d’autonomie ».
- les théoriciens qui influencent le Ministère font passer l’affect, le ressenti de l’élève et la vocation de l’enseignant avant le savoir, « ce qui compte ce n’est pas le savoir mais l’épanouissement de l’enfant », et proposent ces thèmes généreux pour « ne pas dire ouvertement que je veux que vous ne coûtiez rien ».
D’où il conclue que le but de cette « machine » est de faire en sorte que l’enseignant soit recruté à un niveau bas, qu’il ne sache rien, et qu’il soit sous-payé.
« Il y a une distortion extraordinaire entre le discours du prof qui veut transmettte et l’idéologie dominante de son administration qui est un discours tout à fait différent ».
Je rappelle que ce livre et cet entretien datent d’il y a 35 ans....
Question : la réforme actuelle est-elle le point final d'une stratégie ? Sans crier au complot, et peut-être que les choses se font plus ou moins inconsciemment pour certains rouages ? Votre avis ?
Jean-Claude Milner était invité pour son livre « De l’Ecole ».
Il constate et explique :
- que les parents parlent de « l’Ecole » mais que les textes officiels et les rapports, non.
- que la réforme égalitaire du College Haby a été mise en place sous Giscard, donc sous un gouvernement plutôt de droite et économiquement libéral.
De là, il se pose des questions et en déduit que les Profs et les Élèves sont victimes de ce qu’il appelle une "machine" :
- les gestionnaires veulent que ça coûte le moins cher possible (« là, ils font leur métier » reconnait-il)
- les gestionnaires « se méfient beaucoup des fonctionnaires qui ont une zone d’autonomie ».
- les théoriciens qui influencent le Ministère font passer l’affect, le ressenti de l’élève et la vocation de l’enseignant avant le savoir, « ce qui compte ce n’est pas le savoir mais l’épanouissement de l’enfant », et proposent ces thèmes généreux pour « ne pas dire ouvertement que je veux que vous ne coûtiez rien ».
D’où il conclue que le but de cette « machine » est de faire en sorte que l’enseignant soit recruté à un niveau bas, qu’il ne sache rien, et qu’il soit sous-payé.
« Il y a une distortion extraordinaire entre le discours du prof qui veut transmettte et l’idéologie dominante de son administration qui est un discours tout à fait différent ».
Je rappelle que ce livre et cet entretien datent d’il y a 35 ans....
Question : la réforme actuelle est-elle le point final d'une stratégie ? Sans crier au complot, et peut-être que les choses se font plus ou moins inconsciemment pour certains rouages ? Votre avis ?
- gauvain31Empereur
De l'école écrit par JC Milner a été mon livre de chevet pendant des années... la réforme actuelle n'a donc d'abord rien d'étonnant... mais sache qu'on peut faire pire. Hannah Arendt dès les années 50/60 a dénoncé le système américain (vers lequel on se dirige) dans son livre la Crise de L'éducation., livre d'une brulante actualité. Je t'oriente vers un autre livre plus récent de JC Milner : Considérations sur la France certains chapitres constituent une véritable suite du livre écrit en 1984. Je l'ai lu plusieurs fois et je ne m'en lasse pas, tellement ce mec est d'une clairvoyance extraordinaire
Donc le "programme final" pour parler façon "complotiste" ( ) n'est pas encore achevé , le "bac Blanquer" n'est qu'un élément du maillon. Mais on est presque arrivé à destination: les digues sont en train de rompre rapidement. La dernière reste le statut enseignant qui coûte encore trop cher: on peut encore flexibiliser et augmenter le travail des enseignants, et ils vont tout faire pour arriver à leur fin.
Donc le "programme final" pour parler façon "complotiste" ( ) n'est pas encore achevé , le "bac Blanquer" n'est qu'un élément du maillon. Mais on est presque arrivé à destination: les digues sont en train de rompre rapidement. La dernière reste le statut enseignant qui coûte encore trop cher: on peut encore flexibiliser et augmenter le travail des enseignants, et ils vont tout faire pour arriver à leur fin.
- User12958Niveau 5
Oui, je débarque un peu chez certains auteurs que je ne connaisais pas, merci.
- InvitéInvité
Hugues666 a écrit:Maintenant que j'ai du temps libre, j'ai pu regarder une émission achetée sur le site de l'INA au mois d'août dernier, il s'agit d'un numéro d'Apostrophe sur les enseignants, en 1984. (je suis assez fan des années 80, je suis prof, donc bon, nostalgie, curiosité, toussa... )
La même année, il y a eu un autre numéro consacré à l'enseignement, avec Jacqueline de Romilly (L'enseignement en détresse), Maurice Maschino (Voulez-vous vraiment des enfants idiots ?), Jean-Pierre Despin (Le poisson rouge dans le Perrier), Francine Best (représentant la clique des IUFM-ESPE-INSPE) et un probable SGENiste dont j'ai oublié le nom. L'émission, qu'on trouvait encore gratuitement sur YT il y a peu, est excellente.
- jean-20100Niveau 2
Bonjour, je suis peut-être un peu hors-sujet, mais ce midi dans le journal de 13h, un beau reportage sur l'école de coiffure créée par L'Oréal.
Extraits choisis :
-Une élève :"on apprend ici en 2 mois ce qu'on apprend en 1 an en CAP".
-La journaliste : "depuis 2018 la loi s'est assouplie, créer son centre de formation est plus facile qu'avant, plus besoin d'obtenir l'autorisation de la région,une formation de 6mois au lieu de 3 ans est reconnue par l'état".
https://www.france.tv/france-2/journal-13h00/1151281-journal-13h00.html
Le lycée pro a un pied dans la tombe...
Je prédis un bel avenir à un centre de formation qui prendra des 3mes et les transformera en bacheliers en 1 an (reconnus par l'état bien évidemment ).
Extraits choisis :
-Une élève :"on apprend ici en 2 mois ce qu'on apprend en 1 an en CAP".
-La journaliste : "depuis 2018 la loi s'est assouplie, créer son centre de formation est plus facile qu'avant, plus besoin d'obtenir l'autorisation de la région,une formation de 6mois au lieu de 3 ans est reconnue par l'état".
https://www.france.tv/france-2/journal-13h00/1151281-journal-13h00.html
Le lycée pro a un pied dans la tombe...
Je prédis un bel avenir à un centre de formation qui prendra des 3mes et les transformera en bacheliers en 1 an (reconnus par l'état bien évidemment ).
- User12958Niveau 5
D’après les autres invités en fin d’émission : il faut mettre le paquet sur le lycée Pro pour avoir du personnel très qualifié (bon, ça ça a été fait en 1985), ne pas donner d’ordres uniformément depuis les hauteurs du ministère parce que les situations sur le terrain sont variables et qu'on explique que des rapports confidentiels indiquent que des réformes du MEN ne sont pas appliquées par les Profs en réalité parce qu’elles ne sont pas applicables, qu’on peut décentraliser mais sans atomiser pour que le Prof reste un fonctionnaire d’Etat, et qu’on laisse le Prof enseigner...
- InvitéInvité
Hugues666 a écrit:De là, il se pose des questions et en déduit que les Profs et les Élèves sont victimes de ce qu’il appelle une "machine" :
- les gestionnaires veulent que ça coûte le moins cher possible (« là, ils font leur métier » reconnait-il)
- les gestionnaires « se méfient beaucoup des fonctionnaires qui ont une zone d’autonomie ».
- les théoriciens qui influencent le Ministère font passer l’affect, le ressenti de l’élève et la vocation de l’enseignant avant le savoir, « ce qui compte ce n’est pas le savoir mais l’épanouissement de l’enfant », et proposent ces thèmes généreux pour « ne pas dire ouvertement que je veux que vous ne coûtiez rien ».
Dans son livre, Milner est un peu plus précis quand il décrit les forces obscures qui concourent à l’abaissement de l’EN. Il parle d’une machine à trois pièces, composée :
– des gestionnaires, des petits énarques de fin de classement, qui œuvrent à réduire les coûts structurels de l’EN en bons néolibéraux (le bouquin date du début des années 70, c’est-à-dire du moment où triomphent les thèses de Friedman par exemple), ainsi qu’à abaisser une profession qui jouit d’une certaine autonomie, aigris qu’ils sont de ne pas être les dépositaires d’un pouvoir absolu ;
– de la Corporation, sorte de réplique à l’échelle locale des gestionnaires, formant une bande (au sens fort) de bas du front, de petits chefaillons qui, n’ayant pu atteindre les salons du ministère, exercent leur petit pouvoir tyrannique, surtout dans le premier degré, contre ceux qui osent leur résister et justifient leur position par le fait qu’ils ont été touchés par la Grâce du dieu Pédagogie — quelque chose qui a (donc) donné le SE-UNSA ;
– des chrétiens démocrates, qui appliquent l’enseignement de Jésus-Christ (autoflagellation permanente, idéal d’une École comme grande communauté de paix et d’amour, etc.) — en gros le SGEN.
Si les idéaux de ces trois groupes ne concordent pas, les pièces arrivent toujours à s’articuler pour former des alliances temporaires (quitte à laisser de temps en temps une pièce de côté) pour maintenir leurs positions. Cette Realpolitik se traduit en pratique par un consensus autour de la Réforme, c’est-à-dire non pas une suite de réformes par-ci par là aux objectifs vaguement ressemblants mais plutôt un grand mouvement de fond qui conduit, coups après coups, à la destruction de l’EN (cf. au passage la stratégie du puzzle de notre Cassandre néoprofienne). Face à cette machine, une presse qui, tantôt est incompétente car désintéressée, tantôt devance les attentes de la machine. Voilà pour les forces obscures.
Les choses ont évidemment évolué depuis Milner et son modèle méritait d’être actualisé : de ce que je me souviens, l’aspect « cession d’un service public au privé » n’apparaît pas ; la Corporation s’est étendue au second degré et au supérieur…
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