- LefterisEsprit sacré
Un bénévolat obligatoire. Tu peux garder l'exemple quand tu enseigneras les figures de style.HORA a écrit:Sylvain de Saint-Sylvain a écrit:J'aimerais bien voir la fin des voyages scolaires, aussi. Là ça ferait du foin.
Exact. C'est l'exemple même du truc bricolé avec les meilleures intentions du monde (dans le jargon EN, un "projet") qui devient au fil des ans dans l'esprit de tous, élèves, parents, administration, et même enseignants, l'étape obligée de tout cursus. Du bénévolat officialisé et considéré comme un dû.
Les voyages en Grève sont surtout pour les enseignants en ce moment.gauvain31 a écrit:Pour les Lettres Classiques , les voyages en Grève et en Italie peuvent être une motivation pour les élèves. L'état des LC est telle que l'organisation d'un voyage ne me pose aucun problème.
Mais dans les collèges où il n'y a plus de Latin ou de Grec ,alors la fin de tout voyage scolaire ferait l'effet d'une petite bombe
Le voyage est à double tranchant : il attire aussi tous les glandeurs qui ne viennent que pour ça. Anecdote révélatrice : quand mon établissement a ouvert, nous avons reçu des élèves venant d'ailleurs (redéploiement de la carte scolaire). On leur avait "vendu" le latin dans leur établissement précédent en leur faisant miroiter des jeux et des voyages. Quand ils ont vu qu'il n'en était rien (nous n'avions même pas de manuels), qu'il y avait de la grammaire, ils se sont organisés pour que le cours devienne un enfer.
La seule année où j'étais prêt à en faire un, je me tâtais, un père de la Fédération des Consommateurs Parentaux de l'Ecole a demandé d'un air arrogant "où en étaient les voyages" en général, et le latin en particulier, en s'adressant à tout le monde sauf à moi, comme s'il attendait une décision m'enjoignant d'en organiser un. Dans la même seconde, j'ai décidé que je ne bougerai pas le petit doigt pour un voyage. S'ils veulent aller en Italie, qu'ils se débrouillent et y aillent sans moi. Depuis, les LC ont subi de tels avatars, que la question ne se pose même plus. Même ceux qui ont fait les pieds au mur pour racoler ont subi le même sort. Je défends les LC, mais pas dans n'importe quelles conditions. Que ceux qui veulent en voir la fin assument leur position. Je n'ai pas fait ce métier pour enseigner le français, mais pas non plus pour faire voyagiste ou amuseur.HORA a écrit:
Je suis en LC et je ne veux plus organiser le moindre voyage, malgré les suggestions appuyées de mon CDE et de mon IPR. Je ne suis pas guide bénévole, je ne suis pas voyagiste bénévole, je ne suis pas encadrante bénévole d'ados H24 à l'étranger, j'enseigne une discipline et si, de par son statut d'option dans le système scolaire, il est laissé toute latitude aux élèves de s'en priver, tant pis pour eux.
- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
gauvain31 a écrit:Pour les Lettres Classiques , les voyages en Grève et en Italie peuvent être une motivation pour les élèves. L'état des LC est telle que l'organisation d'un voyage ne me pose aucun problème.
Mais dans les collèges où il n'y a plus de Latin ou de Grec ,alors la fin de tout voyage scolaire ferait l'effet d'une petite bombe
Et puis c'est peut-être pour certains collègues l'un des derniers plaisirs de leur métier. Aussi je ne jette la pierre à personne. Mais peut-être que la lutte exigerait aussi de renoncer à des choses qu'on aime bien faire. (C'est sans doute ce qui explique une part de la persistance du bénévolat, dans tous les domaines : malgré tout, les collègues aiment ça, ou du moins luttent ainsi contre la perte de sens de leur travail).
Une année sans voyage en Italie, en Angleterre, en Espagne, sans sorties au théâtre, sans visite du moulin, sans collège au cinéma, ça ne passerait pas du tout inaperçu.
- LefterisEsprit sacré
C'est ce que je m'égosille -façon de parler - à dire ici-même. Le boulot, rien que le boulot.Sylvain de Saint-Sylvain a écrit:
Une année sans voyage en Italie, en Angleterre, en Espagne, sans sorties au théâtre, sans visite du moulin, sans collège au cinéma, ça ne passerait pas du tout inaperçu.
_________________
"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.
Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
- CeladonDemi-dieu
Vous cherchez vraiment à ce que tout ce fatras devienne obligatoire, hein, c'est ça ?
- Melyne5Fidèle du forum
gauvain31 a écrit:Pour les Lettres Classiques , les voyages en Grève et en Italie peuvent être une motivation pour les élèves. L'état des LC est telle que l'organisation d'un voyage ne me pose aucun problème.
Mais dans les collèges où il n'y a plus de Latin ou de Grec ,alors la fin de tout voyage scolaire ferait l'effet d'une petite bombe
Les voyages en Grève ?? Beau lapsus... Quelle est ta methode ? Tu pars en voyage en restant chez toi ?
- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
Lefteris a écrit:C'est ce que je m'égosille -façon de parler - à dire ici-même. Le boulot, rien que le boulot.Sylvain de Saint-Sylvain a écrit:
Une année sans voyage en Italie, en Angleterre, en Espagne, sans sorties au théâtre, sans visite du moulin, sans collège au cinéma, ça ne passerait pas du tout inaperçu.
J'en suis déjà au minimum.
C'est plus compliqué d'aller voir les collègues et de leur suggérer d'arrêter avec les pitits trucs en + sans que cela ne constitue une agression, ou du moins un jugement assez gratuit.
- gauvain31Empereur
Melyne5 a écrit:gauvain31 a écrit:Pour les Lettres Classiques , les voyages en Grève et en Italie peuvent être une motivation pour les élèves. L'état des LC est telle que l'organisation d'un voyage ne me pose aucun problème.
Mais dans les collèges où il n'y a plus de Latin ou de Grec ,alors la fin de tout voyage scolaire ferait l'effet d'une petite bombe
Les voyages en Grève ?? Beau lapsus... Quelle est ta methode ? Tu pars en voyage en restant chez toi ?
Oh Pétard le lapsus :lol: Oui un lapsus qui révèle des désirs inconscients probablement !!
Sinon qu'est-ce qu' un voyage "en grève"? C'est un voyage qui s'annonce ne septembre et au moment de mettre les sacs dans le bus , le voyage dit: "oh ben non je suis en grève , repartez chez vous ! C'est cruel je sais :diable: mais efficace
- EU1Fidèle du forum
Les voyages ça fait longtemps que je n'en fait plus...
L'obligation de devoir emmener tous les élèves, même ceux en qui nous n'avons pas du tout confiance, l'obligation d'organiser des actions pour minorer le prix du voyage et le fait que le prix soit baissé de la même façon pour les élèves qui se bougent pour les actions et ceux qui ne font rien.
Je ne suis pas d'accord avec cela, donc j'ai arrêté.
L'obligation de devoir emmener tous les élèves, même ceux en qui nous n'avons pas du tout confiance, l'obligation d'organiser des actions pour minorer le prix du voyage et le fait que le prix soit baissé de la même façon pour les élèves qui se bougent pour les actions et ceux qui ne font rien.
Je ne suis pas d'accord avec cela, donc j'ai arrêté.
- Volo'Neoprof expérimenté
Si jamais cela vous intéresse, JMB était dans le Grand Entretien de FI de ce matin en commençant par la tentative de suicide de la CDE, dont il est question sur un autre fil. Il continue par la suite sur les directions d'école et Léa Salamé l'amène sur le sujet du voile récemment ressorti. Il "entend" beaucoup de choses manifestement, et il souligne même le "discours social" de l'année dernière. J'ai dû faire un black-out l'année dernière, il faut croire.
- HORAHabitué du forum
Lefteris a écrit:Un bénévolat obligatoire. Tu peux garder l'exemple quand tu enseigneras les figures de style.HORA a écrit:Sylvain de Saint-Sylvain a écrit:J'aimerais bien voir la fin des voyages scolaires, aussi. Là ça ferait du foin.
Exact. C'est l'exemple même du truc bricolé avec les meilleures intentions du monde (dans le jargon EN, un "projet") qui devient au fil des ans dans l'esprit de tous, élèves, parents, administration, et même enseignants, l'étape obligée de tout cursus. Du bénévolat officialisé et considéré comme un dû.
Métaphore de la condition enseignante au XXIe siècle, même pas hyperbolique, et confondue avec un oxymoron par ces seules feignasses de profs
- ElbertaHabitué du forum
Moi ce qui m'épuise et fait que je suis à bout, ce sont tout simplement les cours.
Trop de bruit, jamais une minute de silence, jamais un quart de seconde de relâchement possible, même faire l'appel est parfois impossible, la bataille pour tout (s'asseoir, sortir ses affaires, coller la feuille (d'ailleurs je n'utilise plus que le manuel, j'ai économisé cette énergie là), lire la consigne etc etc). L'absence totale de travail des élèves me sidère. Ils appellent pour qu'on vienne tout leur expliquer individuellement comme s'ils avaient cinq ans. Ils n'essayent jamais, ne travaillent jamais, ne réfléchissent jamais. Il ne leur faudrait que des textes ou exercices à trous. Copier est un calvaire.
Même en essayant de ne faire que ce qui est le coeur du métier, enseigner, sans sortie ni voyage, ça n'est pas possible.
Tout ce combat heure après heure m'épuise. Je suis rentrée de ma matinée avec un épouvantable mal de crâne qui ne passe pas. Je ne veux plus vivre comme ça.
Trop de bruit, jamais une minute de silence, jamais un quart de seconde de relâchement possible, même faire l'appel est parfois impossible, la bataille pour tout (s'asseoir, sortir ses affaires, coller la feuille (d'ailleurs je n'utilise plus que le manuel, j'ai économisé cette énergie là), lire la consigne etc etc). L'absence totale de travail des élèves me sidère. Ils appellent pour qu'on vienne tout leur expliquer individuellement comme s'ils avaient cinq ans. Ils n'essayent jamais, ne travaillent jamais, ne réfléchissent jamais. Il ne leur faudrait que des textes ou exercices à trous. Copier est un calvaire.
Même en essayant de ne faire que ce qui est le coeur du métier, enseigner, sans sortie ni voyage, ça n'est pas possible.
Tout ce combat heure après heure m'épuise. Je suis rentrée de ma matinée avec un épouvantable mal de crâne qui ne passe pas. Je ne veux plus vivre comme ça.
- Agrippina furiosaFidèle du forum
Tout d'abord, mille pensées pour tous les collègues qui souffrent ... ne laissez pas l'EN vous bouffer : c'est elle qui vous empêche de bosser, et personne d'autre !!!
Pour moi, après avoir frôlé la cata l'an passé, comme beaucoup dans l'équipe d'ailleurs, ça va mieux cette année. Mais j'ai recadré un peu mes priorités et pris un peu de distance ...
- edt de crotte (pas la faute de notre cde, mais 10 collègues sur 20 en complément de service, donc voilà !), donc je bosse sur mes heures de trous et me contrains à ne rien faire le soir (mon mari, qui a eu très peur l'an passé, y veille !). Pour l'instant, j'ai quand même ouvert le sac deux ou trois fois, mais sinon je m'y tiens. Ca me permet une vraie coupure, salutaire. Je me couche plus tôt, je bouquine et dodo. En meme temps, j'ai 8h de trous sur mon temps scolaire ...
- grève des réunions. Elles sont à 13h chez nous (on finit à 12h15). Bénéfice incroyable ! Je passe ma pause après manger à papoter tranquillement avec d'autres récalcitrants ou à bouquiner pour le boulot au calme dans ma salle et ça me permet de prendre une vraie pause. Je suis bien plus dynamique et à l'écoute des gamins l'après-midi. Pour l'instant, pas de mesure de rétorsion. Et j'ai échappé à devoirs faits.
- aucune sortie ou autre envisagée cette année. Les parents ne le vivent pas très bien (ça s'appelle un euphémisme !), mais j'assume ma position : je suis prof de LC, pas directrice d'agence de voyages. Bénéfice : beaucoup de stress (et de boulot, mais surtout de stress, je crois !) en moins.
- mise à l'écart des collègues toxiques ou ne décrochant jamais du boulot, même en mangeant. Là encore, temps passé avec quelques collègues qui ont envie de discuter d'autre chose et on rigole bien.
- règlement des problèmes avec les élèves ou les parents directement avec les intéressés, sans en référer à la vie sco : j'y ai gagné en temps, en efficacité et mes nerfs s'en portent beaucoup mieux parce que les discours ultra bienveillants du style "oui, mais tu comprends, avec lui, la punition, c'est pas la solution .... Ben en fait si, parce que le loulou, ça le soûle, donc il évite de trop y revenir. (ex : punition pas faite, élève gardé sur heure de trou avec ma classe du moment, face au mur, à faire sa punition, plusieurs heures si nécessaires). On est plusieurs à pratiquer, la doc nous donne un coup de main en cas de besoin, et ça va bien mieux. Bizarrement, on y a gagné en crédibilité ... truc de dingue, non ??
Courage à tous, on est tous dans la même galère, alors autant vider notre sac ici plutôt que de ruminer tout seul !
Pour moi, après avoir frôlé la cata l'an passé, comme beaucoup dans l'équipe d'ailleurs, ça va mieux cette année. Mais j'ai recadré un peu mes priorités et pris un peu de distance ...
- edt de crotte (pas la faute de notre cde, mais 10 collègues sur 20 en complément de service, donc voilà !), donc je bosse sur mes heures de trous et me contrains à ne rien faire le soir (mon mari, qui a eu très peur l'an passé, y veille !). Pour l'instant, j'ai quand même ouvert le sac deux ou trois fois, mais sinon je m'y tiens. Ca me permet une vraie coupure, salutaire. Je me couche plus tôt, je bouquine et dodo. En meme temps, j'ai 8h de trous sur mon temps scolaire ...
- grève des réunions. Elles sont à 13h chez nous (on finit à 12h15). Bénéfice incroyable ! Je passe ma pause après manger à papoter tranquillement avec d'autres récalcitrants ou à bouquiner pour le boulot au calme dans ma salle et ça me permet de prendre une vraie pause. Je suis bien plus dynamique et à l'écoute des gamins l'après-midi. Pour l'instant, pas de mesure de rétorsion. Et j'ai échappé à devoirs faits.
- aucune sortie ou autre envisagée cette année. Les parents ne le vivent pas très bien (ça s'appelle un euphémisme !), mais j'assume ma position : je suis prof de LC, pas directrice d'agence de voyages. Bénéfice : beaucoup de stress (et de boulot, mais surtout de stress, je crois !) en moins.
- mise à l'écart des collègues toxiques ou ne décrochant jamais du boulot, même en mangeant. Là encore, temps passé avec quelques collègues qui ont envie de discuter d'autre chose et on rigole bien.
- règlement des problèmes avec les élèves ou les parents directement avec les intéressés, sans en référer à la vie sco : j'y ai gagné en temps, en efficacité et mes nerfs s'en portent beaucoup mieux parce que les discours ultra bienveillants du style "oui, mais tu comprends, avec lui, la punition, c'est pas la solution .... Ben en fait si, parce que le loulou, ça le soûle, donc il évite de trop y revenir. (ex : punition pas faite, élève gardé sur heure de trou avec ma classe du moment, face au mur, à faire sa punition, plusieurs heures si nécessaires). On est plusieurs à pratiquer, la doc nous donne un coup de main en cas de besoin, et ça va bien mieux. Bizarrement, on y a gagné en crédibilité ... truc de dingue, non ??
Courage à tous, on est tous dans la même galère, alors autant vider notre sac ici plutôt que de ruminer tout seul !
- Agrippina furiosaFidèle du forum
Et j'ai oublié un truc : je boycotte ma bouchère depuis la rentrée, car je ne pouvais jamais y entrer sans m'entendre dire que j'étais ENCORE en vacances/en repos/à la maison ... le samedi 31 août, je suis rentrée en larmes à la maison après une énième remarque (véridique ... quand j'y repense, c'est dingue !) donc maintenant, c'est l'Homme qui se charge de cette corvée.
Elberta, courage et laisse-les se dépatouiller un peu. N'hésite pas à sortir l'artillerie lourde et à leur montrer aussi que l'autonomie, c'est ne plus se comporter comme un bébé qui chouine pour un rien. En principe, ils ont tout de même un peu d'orgueil, donc pour certains, ça marche. Bon, pas pour tous, hein !
Elberta, courage et laisse-les se dépatouiller un peu. N'hésite pas à sortir l'artillerie lourde et à leur montrer aussi que l'autonomie, c'est ne plus se comporter comme un bébé qui chouine pour un rien. En principe, ils ont tout de même un peu d'orgueil, donc pour certains, ça marche. Bon, pas pour tous, hein !
- amethysteDoyen
Courage à tous.
Lu sur FB :
Lu sur FB :
- Spoiler:
- Hier, j’avais rendez-vous avec ma DRH.
Je vous entends d’ici ricaner, enseignants de peu de foi.
Pourtant, à l’heure dite, dans les locaux de la DSDEN, elle se dressait devant moi, telle la Sainte Vierge devant Bernadette. Je la suivis avec ferveur.
Lorsque nous fûmes assises l’une et l’autre, elle rapprocha la boîte de mouchoirs blancs de mon côté.
Mais mon espérance était encore profonde, et je l’éclairai rapidement sur les raisons de ma venue (grosso modo, que je ne me voyais pas survivre longtemps à ce beau métier, ses vacances et ses plages de sable fin de liberté)
Je lui demandai donc les possibilités de reconversion au sein même de l’entrepr…euh, de l’Education Nationale, et elle me proposa, les mains tendues et les paumes tournées vers le ciel, de passer les concours de direction ou d’inspection.
J’expliquai rapidement que je n’étais intéressée ni par l’un, ni par l’autre, et que, conséquemment, les 150h qui apparaissaient miraculeusement depuis cette rentrée sur mon compte personnel de formation pourraient contribuer à financer un bilan de compétences, par exemple, qui me permettrait un accompagnement pour la suite.
J’entendis alors comme un hoquet. « Ha mais ces heures ne sont pas mobilisables », me répondit, gênée, la dame à la chemise immaculée, tout en rapprochant la boîte de mouchoirs de son côté du bureau.
- Et quand le seront-elles ? réponds-je aimablement.
- On ne sait pas, souffle la divine créature.
Elle reprend, les mains serrées l’une contre l’autre, qu’un bilan de compétences, ça n’est pas une baguette magique ! que MOI SEULE dois savoir ce que je peux faire ! que PERSONNE ne peut le savoir pour moi ! que le bilan de compétences, en fait, c’est un peu du caca, et que prof, c’est quand même pas si mal ! Que la grâce divine de la reconversion ne tombe pas du ciel comme ça !
Que je vais, pour y voir plus clair, remplir le petit fascicule qu’elle a confectionné elle-même de ses doigts de madone, et dont elle ne semble pas peu fière.
Une sorte de bilan de compétences express, quoi.
Tandis que je le feuillette distraitement, elle s’approche de moi, et me susurre, d’une voix enveloppante, que d’après ce que je lui ai dit, je suis faite pour être prof, que ma souffrance n’est que provisoire, et puis, est-ce que le travail n’est que joie ?
Lorsque je lui réponds, bêtement prosaïque, qu’il y a comme un énorme hiatus entre l’énergie que je déploie à chaque minute de chaque heure de cours, la place et le poids que ce métier ont dans ma vie, et l’image qu’on m’en renvoie, elle rit, du bout de ses dents parfaites : il ne faut pas écouter ce que les gens disent ! Je fréquente les mauvaises personnes !
J’ai une pensée pour Manu, Jean-mi et tous leurs copains qui nous chient dans les bottes, suivis par une bonne partie de la population, elle-même écrasée par le rouleau compresseur de la loi du marché : j’ai beau essayer de me boucher les oreilles, je les entends. Me dire que je suis une paresseuse, que pour avoir la même retraite que celle qu’auront eue mes propres profs, je vais devoir travailler beaucoup plus, c’est bien normal ! que je suis une incompétente, si je ne m’adapte pas aux réformes nécessaires à la bonne marche de l’entrepr..euh, de l’école ! Que je suis, de toute façon, une privilégiée, avec toutes mes vacances et avec mon travail à vie, et qu’il serait vraiment indécent de me plaindre. Que, pour le bien-être de l’entrepr…euh, de notre belle école, de toute façon, je n’ai pas le DROIT de me plaindre publiquement.
Je pense aux parents d’élèves, souvent prompts à déceler les brebis galeuses chez les enseignants, moins à dénoncer le cruel manque de formation disciplinaire de tous les contractuels appelés à remplacer les fonctionnaires, au fur et à mesure de leur démission ou départ en retraite.
Je pense au cynisme de nos hommes et de nos femmes politiques, qui nous dressent les uns contre les autres, afin de mieux déshabiller Pierre puis Paul. Chacun son tour : « mais vous voyez bien que Pierre a encore un slip et un tee-shirt : c’est bien suffisant pour lui, surtout qu’il est toujours en vacances ! Ce sont vos impôts, quand même ! » pour enchaîner sur « Paul, soyez raisonnable : Pierre est en slip ; vous ne pouvez pas décemment conserver votre pull en laine, un peu de solidarité ! »
Je pense évidemment à Christine, à ceux qui l’ont précédée ou suivie, à tous ceux qui ont souffert dans leur corps ou dans leur âme de ce métier, à ceux dont on n’a jamais entendu parler. A ceux qui serrent les dents en silence, parce que l’Education Nationale les infantilise et leur fait croire qu’ils ne sont plus bons à rien d’autre, et que, s’ils ne sont plus bons à enseigner, ils ne sont plus bons à rien tout court.
Je pense à tous ceux qui souffrent de ce monde du travail où on leur fait croire qu’ils sont interchangeables, qu’ils n’ont rien d’unique, et que n’importe qui, voire n’importe quoi, peut les remplacer.
Je secoue la tête, pour me concentrer à nouveau sur le babillage de la DRH, penchée vers moi, l’air désolé de ne rien avoir à me proposer, pas même une formation, contrairement à ce que dit la loi.
« Sinon, vous pouvez peut-être demander un temps partiel encore plus partiel ? Faut pas démissionner sur un coup de tête, hein, vous risquez de le regretter.»
Pas de miracle.
Je ne démissionnerai de toute façon pas aujourd’hui, mais, en empoignant mon manteau, je demande un autre rendez-vous : clairement, la DSDEN n’est pas Lourdes, mais j’ai encore la foi en ma capacité de travailler mieux, ailleurs. Et je veux que l’Education Nationale soit au courant, qu’elle sache que ce métier de rêve, plus grand monde n’en veut.
Qu’elle prenne ses responsabilités.
Quand on est prof, on se convainc qu’on est passionné, et que si on souffre, c'est POUR LE MEILLEUR. Pour les élèves. Pour une société plus juste, et plus égalitaire.
Une sorte de destin christique, quoi.
On devrait essayer de se souvenir que c’est aussi et surtout un métier.
Qu'on a le droit de quitter, avant de se quitter soi-même.
Je garde dans un coin de la tête la phrase de Nicole Ferroni, évoquant à la fois son parcours d’enseignante et le programme de SVT :« La douleur vous protège car elle vous invite à fuir. »
En mémoire de Christine, et de tous les autres, je vous propose, individuellement mais dans un élan collectif, de réclamer un entretien avec votre DRH, et demander vos heures de CPF. Cela nous est dû.
Comme devrait nous être dû le respect élémentaire accordé à tout travailleur. Le droit de ne pas être humiliés et de ne pas être traités par l’ensemble de la société, politiques en tête, de bouses ignorantes, feignantes et geignantes.
Parce que, quand on parvient à faire face à un public qui voudrait être partout sauf en face de soi, quand, souvent, on arrive à l'intéresser, on n’est pas bon, on est extraordinaire. Et qu'on peut tout faire.
Il faut que ça se sache !
- zigmag17Guide spirituel
Merci Amethyste, ça m'a fait du bien de lire ce témoignage, et courage à nous tous!
- DaphnéDemi-dieu
Agrippina furiosa a écrit:Et j'ai oublié un truc : je boycotte ma bouchère depuis la rentrée, car je ne pouvais jamais y entrer sans m'entendre dire que j'étais ENCORE en vacances/en repos/à la maison ... le samedi 31 août, je suis rentrée en larmes à la maison après une énième remarque (véridique ... quand j'y repense, c'est dingue !) donc maintenant, c'est l'Homme qui se charge de cette corvée.
On en a eu une comme ça. En vacances dans les Pyrénées où mes parents avaient une résidence secondaire. Dans une station avec un lycée climatique. Alors bien entendu on n'y était que pendant les vacances mais enfin ça use.
Et puis leur fille aînée a décidé sur leurs conseils de faire des études de LC pour être professeur. La bonne planque, 18h de boulot par semaine et le reste du temps sur les pistes de ski, parce que bien entendu elle allait être nommée sur place.
Et là grosse désillusion : première nomination dans une banlieue difficile de Roubaix, ça lui a fait un choc, il y a du boulot quand même, deuxième choc, et paye pas très gratifiante, troisième choc ! Après toutes les études faites. Ensuite elle se marie, a des enfants et se met à mi-temps parce que c'est pas possible ! Et le boucher de gueuler sur l'EN, ça va vraiment pas, trop de boulot, public difficile - elle a eu des Polonais dit-il en rouspétant (je ne savais pas que les Polonais étaient un public particulièrement difficile) - pas assez de vacances - seuls moments où ils voient leur fille - et job très mal payé.
Avec ma mère, on buvait du petit lait.
Quant à leur seconde fille, pas douée pour les études, elle a épousé le commis boucher, les parents lui ont ouvert une magnifique boucherie charcuterie traiteur dans la station et elle trône derrière sa caisse : elle gagne mieux sa vie, est restée au pays et travaille certes mais est moins éprouvée que se sœur.
Voilà voilà.
- zigmag17Guide spirituel
De l'importance de l'édification par l'exemple, de l'empirisme, tout ça... C'est succulent à lire!
- LefterisEsprit sacré
Oui mais elle a peut-être tellement engraissé derrière sa caisse qu'elle ne peut même plus enfiler ses bagues en or sur ses doigts boudinés. Tandis que l'enseignante, harassée par le travail, est demeurée une sylphide.Daphné a écrit:
Quant à leur seconde fille, pas douée pour les études, elle a épousé le commis bouché, les parents lui ont ouvert une magnifique boucherie charcuterie traiteur dans la station et elle trône derrière sa caisse : elle gagne mieux sa vie, est restée au pays et travaille certes mais est moins éprouvée que se sœur.
Voilà voilà.
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"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.
Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
- Pourquoi 3,14159Expert
Agrippina furiosa a écrit:Et j'ai oublié un truc : je boycotte ma bouchère depuis la rentrée, car je ne pouvais jamais y entrer sans m'entendre dire que j'étais ENCORE en vacances/en repos/à la maison ... le samedi 31 août, je suis rentrée en larmes à la maison après une énième remarque (véridique ... quand j'y repense, c'est dingue !) donc maintenant, c'est l'Homme qui se charge de cette corvée.
Mon coiffeur a eu le même discours une seule et unique fois avec moi. Je l'ai pourri : Et vous toujours à détourner le liquide ? Vous n'avez pas de stylo pour écrire les RdV au lieu d'un crayon de bois ? Dites elle est bien usée votre gomme. Mon beau'f travaille à l'URSSAF… C'est drôle vous êtes fermé plus de temps que moi j'ai de vacances...
Woilà, maintenant on parle de la pluie et du beau temps.
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"Placez votre main sur un poêle une minute et ça vous semble durer une heure. Asseyez vous auprès d'une jolie fille une heure et ça vous semble durer une minute. C'est ça la relativité. " (Albert Einstein).
- User20159Esprit éclairé
Daphné a écrit:Et là grosse désillusion : première nomination dans une banlieue difficile de Roubaix, ça lui a fait un choc, il y a du boulot quand même, deuxième choc, et paye pas très gratifiante, troisième choc ! Après toutes les études faites. Ensuite elle se marie, a des enfants et se met à mi-temps parce que c'est pas possible ! Et le boucher de gueuler sur l'EN, ça va vraiment pas, trop de boulot, public difficile - elle a eu des Polonais dit-il en rouspétant (je ne savais pas que les Polonais étaient un public particulièrement difficile) - pas assez de vacances - seuls moments où ils voient leur fille - et job très mal payé.
Avec ma mère, on buvait du petit lait.
1- Ah ben c'est pas compliqué, Roubaix, c'est presque plus dur que le 93...
2- Ah non mais pas plus que d'autres, mais le gosse d'immigré, peu importe l'origine, de seconde ou de troisième génération, qui vit dans la misère, ça va souvent être compliqué à l'école.
- PointàlaligneExpert
Merci Améthyste. C'est très bien écrit en plus !
- e-WandererGrand sage
Lefteris a écrit:Oui mais elle a peut-être tellement engraissé derrière sa caisse qu'elle ne peut même plus enfiler ses bagues en or sur ses doigts boudinés. Tandis que l'enseignante, harassée par le travail, est demeurée une sylphide.Daphné a écrit:
Quant à leur seconde fille, pas douée pour les études, elle a épousé le commis bouché, les parents lui ont ouvert une magnifique boucherie charcuterie traiteur dans la station et elle trône derrière sa caisse : elle gagne mieux sa vie, est restée au pays et travaille certes mais est moins éprouvée que se sœur.
Voilà voilà.
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« Profitons du temps qui nous reste avant la définitive invasion de la grande muflerie du Nouveau Monde » (Huysmans)
- TiberiusNiveau 8
Pourquoi 3.15159 a écrit:Mon coiffeur a eu le même discours une seule et unique fois avec moi. Je l'ai pourri : Et vous toujours à détourner le liquide ? Vous n'avez pas de stylo pour écrire les RdV au lieu d'un crayon de bois ? Dites elle est bien usée votre gomme. Mon beau'f travaille à l'URSSAF… C'est drôle vous êtes fermé plus de temps que moi j'ai de vacances...
Bravo
- Pourquoi 3,14159Expert
Tiberius a écrit:
Bravo
J'y suis allé fort, mais ce n'était pas le jour. Il a pris pour les autres.
J'ai ma fille avec sa L3+1 qui va de petit boulot en petit boulot, trop diplômée . Son frère a arrêté deux mois avant le bac et gagne déjà bien sa vie. Comme quoi les études… Donc les professeurs…
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"Placez votre main sur un poêle une minute et ça vous semble durer une heure. Asseyez vous auprès d'une jolie fille une heure et ça vous semble durer une minute. C'est ça la relativité. " (Albert Einstein).
- Agrippina furiosaFidèle du forum
Merci Amethyste, ce texte est très drôle, très bien écrit et criant de vérité. Et donne bien envie de voir la tête du DRH du coin ...
- OrlandaFidèle du forum
Pourquoi 3,14159 a écrit:Tiberius a écrit:
Bravo
J'y suis allé fort, mais ce n'était pas le jour. Il a pris pour les autres.
J'ai ma fille avec sa L3+1 qui va de petit boulot en petit boulot, trop diplômée . Son frère a arrêté deux mois avant le bac et gagne déjà bien sa vie. Comme quoi les études… Donc les professeurs…
Son frère est privilégié, parce que malheureusement, aujourd'hui, ne pas avoir le bac, c'est quand même une très bonne façon de s'assurer une VDM. Même les études n'en préservent plus.
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"Nous vivons à une époque où l'ignorance n'a plus honte d'elle-même". Robert Musil
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