- epekeina.tes.ousiasModérateur
DesolationRow a écrit:
Sur sa doctrine de la prédestination, je sais bien qu'elle est refusée généralement, mais j'aimerais savoir qui l'a réfutée, et si je pose la question, c'est que je ne vois guère comment ce serait possible. A partir du moment où, et personne n'est obligé de le faire, tu acceptes l'existence du Dieu des Écritures, l'enchaînement des idées et des notions me paraît relativement implacable, chez Augustin.
Sauf qu'entre l'affirmation de l'existence du Dieu des Écritures et celle de la prédestination par la grâce, il est fort difficile de nier qu'il y a un gouffre… Soit dit en passant, s'il est vrai que la question de la grâce et du libre arbitre, chez Augustin, peut difficilement être séparée de celle des attributs divins (le “filioque” du De Trinitate), elle est surtout liée à une interprétation théologique du péché originel (laquelle est, comme on sait, un objet de fortes controverses depuis maints siècles).
La preuve en est que tous les théologiens, et pas même tous les Pères de l'Église (pour ne parler que des “catholiques”, ne sont pas strictement augustiniens: il est fort difficile de faire de François de Sales, un augustinien strict… D'autre part, on sait fort bien que les “augustiniens” — Luther, Calvin, Jansénius, Arnaud, Pascal, etc. — ne tiennent pas tous les mêmes thèses sur cette doctrine. Et, bien évidemment, un théologien orthodoxe te répondrait que la conception des soi-disant “semi-pélagiens” est en réalité directement issue des conceptions des “pères du désert” et que la doctrine de la “coopération”, correctement interprétée est vraie, alors que celle d'Augustin est (doublement) fausse, et sur les relations entre les personnes de la trinité, et sur la question de la grâce (et qu'ils l'ont d'ailleurs maintes fois réfutées).
Je n'ai encore rencontré personne qui "réfute" l'enchaînement des idées d'Augustin, qui me montre une incohérence ou une fausseté dans son raisonnement sur la prédestination. Des lecteurs qui sont en désaccord, qui lisent différemment, qui proposent des interprétations concurrentes, il y en a plein. Mais qui prouvent, par la raison, que ce qu'il dit est faux, j'attends de voir.
Mais évidemment que l'on n'est pas obligé d'entrer dans le jeu : si on refuse l'existence de Dieu, il n'y a plus de système à réfuter. À ce moment on n'a pas prouvé que ce qu'il a dit est faux ; on a dit qu'on était pas d'accord avec lui sur une question fondamentale, celle de la nature humaine.
On pourrait te répondre, au contraire, qu'Augustin n'ayant pas essentiellement employé la “raison” dans sa “démonstration”, il n'est pas besoin de le “réfuter”:
car s'il est visible que l'on trouve dans ses écrits des arguments de type rationnel, il est tout aussi visible qu'il n'établit pas ses arguments par cette méthode, mais par des procédés d'herméneutiques portant sur la lettre des textes bibliques (postulant que le “verbe”, ou le “logos” qui s'y exprime, n'est pas du tout le “logos” attribué à l'animal humain par Aristote, ni le “logos” ordonnant le monde selon les stoïciens).
C'est confondre “procédé systématique et cohérent” avec “procédé rationnel”.
Mais alors autant ne pas lire Augustin, pour qui il n'existe pas de différence entre théologie et philosophie.
Je suis en double désaccord sur ce point. Je ne vois vraiment pas de raison de ne pas lire Augustin, sous le prétexte que je n'adhèrerais en rien à son anthropologie centrée dans le péché (j'espère ne pas me tromper car, ayant soutenu jadis une thèse qui consacrait la première de ses deux parties à Augustin, ça m'ennuierait de devoir “rendre mon diplôme”!).
D'autre part, il est faux par inexactitude de dire qu'il n'existe pas de différence entre théologie et philosophie pour Augustin. Il serait bien plus exact de reconnaître qu'il fait un usage fort de la catégorie de “philosophie” dans une certaine période (celles des écrits regroupés sous ce label dans la bibliothèque augustinienne: entre 385 (il lit, probablement sous l'influence d'Ambroise de Milan les Platonici Libri, qui le détourne du manichéisme) et 388 (quand il retourne en Afrique). Resterait toutefois à faire l'étude attentive des usages de la catégorie (elle consiste, pour aller vite, à refuser aux philosophes la capacité d'avoir saisit la “vertu” et la “sagesse”, qui est l'un des attributs divins (I Cor. 1,24): en se rappelant qu'il affirme (dans les Confessions) s'être convertit au manichéisme, justement parce qu'il venait de lire une exhortation à la sagesse (l’Hortensius de Cicéron) — et que passer d'un texte (perdu) de Cicéron au manichéisme, cela suppose une conception très spécifique de la “philosophie”, autant que de passer de la lecture de “livres (néo)platoniciens” au christianisme… Pour aller vite (cf. Conf. II-IV, 8, donc vers ~400, quand il est “enflammé” par l'amour de la sagesse, il conçoit cette sagesse comme (attribut de la) divinité.
En revanche, quand on avance dans son oeuvre, on voit disparaître peu à peu, l'emploi du terme “philosophie”, spécialement dans la période 420-430, et il n'y a alors plus qu'une seule occurrence (désolé, c'est un peu ancien et je ne retrouve pas la référence dans ma mémoire: il faudrait que je rouvre Migne) de l'expression “philosophie chrétienne” chez lui — qui refuse nettement aux “philosophes” toute légitimité.
A titre personnel, je pense cela dit qu'il y a en effet un moment où son raisonnement heurte une limite rationnelle, c'est la question de la grâce d'Adam (ou de la chute des anges), et que c'est par là qu'il faut essayer de "réfuter" Augustin si c'est possible.
Mais par “réfuter”, que faudrait-il entendre? Une réfutation par les voies de l'argumentation rationnelle porterait sans doute contre l'idée d'une grâce d'Adam, laquelle suppose une création divine de l'homme, puis sa chute ou son péché, pour ne rien dire de la création des anges, de leur chute, etc.
Ou alors, “réfuter” consistera à produire une autre théologie par des moyens herméneutiques différents, ou en recevant dans les textes “valables” un certain nombre d'écrits rejetés par d'autres. Mais peu de gens en dehors de ceux qui, justement, adhèrent à ces procédés, accepteront d'employer à ce propos des termes comme “démontrer” ou “réfuter”…
Les Révisions ne corrigent franchement pas grand chose aux idées fortes d'Augustin sur la prédestination, elles sont composées au même moment que les grands traités décisifs sur le sujet.
Ce n'est pas ce que j'ai dit. Elles corrigent fortement certaines idées, en particulier sur le libre arbitre (le De liberio et arbitrio (écrit entre 388 et 395)) — mais certainement pas le traité du Don de la persévérance (plutôt vers 428-429) ou le traité De la prédestination des saints (idem) — et pour cause.
Désolé je jette ça un peu en vrac, je suis entre plusieurs cours. En fait, ce qui me hérisse, c'est le lol on a réfuté tout ça maintenant on est des scientifiques, dans l'Antiquité c'était des rigolos qui croyaient au destin, vivement qu'on transforme tout ça en formules mathématiques.
Quoi que n'étant ni augustinien, ni chrétien, ni religieux, je trouve le mépris a priori qu'ont beaucoup pour des pensées qu'ils n'aiment pas (parce qu'ils préfèrent les leurs), totalement infondé. Là-dessus, au moins, je partage cette opinion, au moins “négativement”: ceux qui croient naïvement qu'on aurait “réfuté tout ça” se leurrent totalement…
[quote]Moi je veux bien, mais vas-y, montre-moi qui a montré que c'était faux, ça m'intéresse.
Puisque tu me donnes l'ordre de te montrer que c'était faux (je me demande bien pourquoi, d'ailleurs, puisque je ne suis pas du tout “propriétaire” de ces idées, que je connais un peu, et sans les partager), pardonne-moi de te répondre ça: on ne peut pas plus montrer que c'est faux, qu'on ne peut montrer que c'est vrai…
Car, ou bien on tente de démontrer rationnellement que ni la création du premier homme, ni l'événement du péché originel, ni l'incarnation d'un Christ médiateur (le Dieu fait homme, cumulant dans l'unité de sa personne les deux natures humaine et divine), ni sa crucifixion pour le rachat des péchés, ni sa résurrection puis son ascension, ne correspondent à aucun fait établi scientifiquement et même que les faits scientifiquement établis rendent infiniment douteux les précédents. On s'entend alors répondre qu'il faut d'abord accepter que, dans les textes saints, s'exprime en réalité le verbe divin, qu'il convient d'interpréter par des méthodes herméneutiques dont il faut acquérir la maîtrise.
Ou bien l'on tente de montrer par l'emploi d'une herméneutique portant sur des textes canoniques, qu'Augustin s'est trompé (et je te redis que François de Salles, Érasme, Luther, etc. n'ont pas du tout les mêmes opinions sur ce point), et l'on s'entend dire que, quoi qu'il en soit, tous ces procédés n'ont rien avoir avec les démarches et la méthode scientifique.
En d'autres termes, les emplois des termes “réfuter”, “démontrer”, “argumenter”, etc. relèvent de systèmes de pensées, de mentalités et de positions radicalement différentes. Ce qui signifie qu'exiger, comme tu le fais, que l'on “réfute Augustin”, n'a tout simplement aucun sens assignable.
En attendant qu'on le montre, on peut peut-être faire l'honneur à ces gens qui sont des génies de s'y frotter vraiment, pas de dire bah ils croient au destin, heureusement la science moderne a démonté tout ça.
Mais encore une fois, que l'on puisse lire Augustin, j'en conviens (ne serait-ce que parce que je l'ai fait). Qu'on le doive, j'en doute. Mais qu'on refuse a priori de le faire, aussi.
Cdlt
- ZagaraGuide spirituel
Mais *** hiérarchiser entre science et non-science ce n'est pas "mépriser des pensées qu'on n'aime pas", c'est juste dire que quand on fait des sciences, faut laisser son ami imaginaire au placard, parce qu'il ne participe pas de ce régime de vérité.Quoi que n'étant ni augustinien, ni chrétien, ni religieux, je trouve le mépris a priori qu'ont beaucoup pour des pensées qu'ils n'aiment pas (parce qu'ils préfèrent les leurs), totalement infondé.
C'est quand même incroyable. Je m'en fiche de ce que croient les gens, mais les voir importer leurs croyances dans le champ scientifique, NON. Parce que ce n'est pas le même monde et c'est une confusion dangereuse pour l'intégrité de la science et sa capacité à fonctionner correctement en vue de produire des connaissances justes. Cette position est pourtant consensuelle depuis des siècles. Tout comme c'est détestable de dire que la démarche scientifique est une "croyance" égale au christianisme ("préfèrent les leurs").
- Leroy86Niveau 9
C'est du lourd. :troll2:
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- epekeina.tes.ousiasModérateur
Zagara a écrit:Non tu ne peux pas mettre sur le même plan croire en un telos de l'histoire (que ce mysticisme soit chrétien comme dans l'histoire parfaite, scientiste comme chez Guizot, ou libéral comme dans la "fin de l'histoire" de l'idéologie néolib) et sa réfutation. Ce serait exactement comme dire : "certains croient en Dieu, d'autres n'y croient pas, le doute subsiste". Ce type d'argument est tout sauf scientifique et cajole des croyances en les faisant passer pour des vérités possibles parce que "on sait pas". La téléologie est une croyance qui est à classer dans la même case que la religion. Ce n'est pas un "biais inverse" de la réfuter, c'est simplement faire son travail correctement en appliquant la démarche scientifique.
Il va sans doute être fort difficile de discuter et de se comprendre, mais autant essayer. Je ne mets absolument pas sur le même plan “croire en un télos de l’histoire” et “sa réfutation”, mais alors, pas du tout…
Je me contente, en bon sceptique, d’une part de rappeler un fait: l’idée d’une orientation de l’histoire n’est pas nécessairement “religieuse”, encore moins nécessairement “théologique”. Par ex. l’Esquisse d’un tableau des progrès de l’esprit humain de Condorcet a pour propos de rendre pensable une telle orientation (et s’il y a orientation, c’est vers un quelque chose) — or, faire de Condorcet un théologien, un croyant et un religieux sera sans doute très difficile!
Et, d’autre part, toujours en bon sceptique, de signaler le caractère douteux de certaines affirmations comme : “La téléologie est une croyance qui est à classer dans la même case que la religion”. Non seulement parce que, contrairement à ce que tu as l’air de croire (oui, de croire), il n’existe pas quelque chose comme “la téléologie”, mais encore parce qu’il existe des domaines de réalité dans lesquels il n’est pas du tout “démontré” que l’on pourrait s’en passer: ainsi, lorsque les êtres humains agissent, ils poursuivent des fins, et c’est la poursuite de ces fins qui paraît faire le sens de leur action et de leur existence, au moins à leurs yeux. De quoi il faut tirer non pas je ne sais qu’elle “réhabilitation d’une doctrine irrationnelle”, comme tu sembles me l’imputer (à tort), mais le fait d’envisager le problème un peu différemment: ou bien l’on prétend que ce sens “téléologique” de l’existence pour les acteurs est une pure illusion (au profit de quoi et de quel “sens”, on se le demande, à moins qu’il ne s’agisse, en réalité, de se débarrasser, à bon compte, de l’exigence d’une recherche du sens); — ou bien on croit pouvoir en tirer quelque chose comme une réhabilitation de l’existence a priori et absolue des “fins” ultimes (ce qui me paraît fort douteux, ne serait-ce que parce que ce n’est pas parce que nous cherchons des fins que nous sommes fondés à décréter qu’elles existent); — ou bien encore, on admet qu’il existe des segments de réalité et d’expérience dans lesquels la “poursuite de fins” et un usage local de raisonnements “téléologiques” sont inévitables, ce qui ne veut pas dire :
D'ailleurs si on est rigoureux, il revient aux gens qui croient en un telos de prouver que le telos existe, et non aux autres de le réfuter. C'est comme ça que ça marche normalement. C'est facile d'arriver avec sa théorie sans preuve et de dire "testez-moi et tant que ce n'est pas réfuté, c'est que c'est vrai !". Non, c'est parce qu'on prouve ce qu'on avance qu'on peut être pris au sérieux.
ce qui ne veut pas dire qu’il s’agit d’affirmer qu’un telos (dans la vie humaine: car je ne me souviens pas avoir affirmé qu’il existerait un télos de la nature: tout au plus signalerais-je que certains philosophes, dans l’Antiquité, tiennent ce point pour évident, ce qui ne les empêche nullement de procéder rationnellement par ailleurs) existe, et encore moins qu’il gouvernerait l’ensemble de la réalité humaine.
Tu sembles ne pas saisir la différence entre “réfuter une idée” et se demander “si l’on peut s’en passer” — et tu sembles aussi te tromper sur la visée sceptique (qui est la mienne). Cette visée sceptique consiste à faire remarquer que, d’une part, l’idée finaliste ou téléologique est infiniment douteuse et que, d’autre part, il est infiniment douteux que l’on puisse s’en passer pour comprendre certains domaines de réalité, comme celui des expériences humaines de l’existence. Je sais, c’est agaçant…
-> ça vaut pour Augustin. A ses défenseurs de me prouver qu'il existe un Dieu et tout le toutim du christianisme. Ce n'est pas à moi de le réfuter, c'est à eux de prouver rationnellement et empiriquement leurs théories, puisque ce sont eux qui les proposent comme alternative à de vraies théories rationnelles. Bon courage.
J’ai déjà donné mon opinion sur ce point. Elle diffère partiellement de la tienne: il me semble impossible de fournir cette “preuve”, mais tout autant, pour autant, de “réfuter”. Tout simplement parce qu’il s’agit de deux postures totalement hétérogènes.
L'inversion de la charge de la preuve est une technique classique des croyants pour faire passer leurs croyances pour des vérités révélées à prétention scientifique. C'est glauque de retrouver ce réflexe chez des gens aussi cultivés.
Diantre! Me voilà classé parmi les “glauques” et les “croyants”! Mais où aurais-je prétendu qu’il fallait être “croyant”? Tu me diras, je suis aussi classé parmi les “cultivés”: c’est gentil de ta part, et ça me consolerait si j’éprouvais de la peine…
En revanche, tu sembles décidé à classer ceux que tu appelles les “croyants” parmi les arriérés, les êtres dénués de raison, de pensée :
Parce que si on en arrive là, je pourrais très bien vous dire : "moi je crois qu'il existe des âmes dans les pierres et que le nombre de cailloux qu'on casse dans sa vie définit le destin de la personne. Prouvez-moi que j'ai tort. Quoi tu refuses l'âme des cailloux ? Il n'y a donc plus de système à réfuter, donc tu n'as pas prouvé que c’était faux. Donc c'est possible que ce soit vrai." Mais réveillez-vous franchement... c'est le même niveau d'argumentation... sophistique ! Si on en arrive là, c'est qu'on refuse 400 ans d'avancée de la méthode scientifique. Si on essaye d'avoir un débat sérieux qui cherche le vrai, on ne peut pas avancer n'importe quoi et attendre d'autrui une rectification. On doit apporter des preuves et une démonstration de ce qu'on avance.
Voudrais-tu dire, par hasard que “400 ans d’avancée de la* méthode scientifique” (*j’ignorais qu’il n’en existait qu’une!) aurait fait passer l’humanité du côté du vrai, et qu’il ne subsisterait que quelques rares esprits égarés, et qu’il s’agirait de les ramener, éventuellement de force, à la raison? J’espère bien que j’ai lu de travers… Mon point, d’ailleurs, était et n’était que de faire remarquer à quel point cette division en deux (résultat moral de la coupure épistémologique dont j’ai parlé) est elle-même douteuse: car figure-toi que ceux que tu appelles les “croyants” (dont je ne fais absolument pas partie, au fait, étant totalement athée et n’ayant aucune attirance pour aucune des religions existant ou ayant existé) en ont “autant” à ton et à mon, donc à “notre” encontre: ils nous jugent, nous aussi, privés de toute raison, et certains d’entre eux se font fort de nous “ramener à plus de bon sens”…
Ne trouves-tu pas qu’il serait préférable d’essayer de comprendre exactement de quoi il retourne, dans la croyance, la foi, etc., plutôt que de la rejeter par un mouvement symétrique même si contraire à elles? Ne serait-ce que pour éviter d’adopter exactement les mêmes procédés que ceux que l’on rejette? Non? Bon… tant pis alors…
Pour en revenir à la question de la téléologie, je trouve ces débats franchement énervants. Pourquoi est-ce que ce type de rhétorique pseudo-scientifique semble honnête à avancer pour venir emmerder les sciences sociales, qui pourtant essayent de faire leur boulot correctement, alors que ça paraîtrait inconcevable pour des sciences plus anciennement établies ? Peut-être qu'on ne fait pas assez sérieux, avec nos livres accessibles qui se lisent comme des romans et nos 65 millions d'amateurs d'histoire qui se prennent tous pour Le Goff parce qu'ils ont lu 2 biographies et regardé 3 docu-fictions.
Je ne me rappelle pas avoir “emmerdé les sciences sociales” — ou alors par inadvertance?
Je ne jette aucun bébé puisque ton bébé téléologique est imaginaire. C'est une croyance, produite par les biais cognitifs de notre cerveau simiesque évolué (biais de sur-causalité notamment). Sous quelle que forme que ce soit. Tu me fais penser aux gens qui disent : "bon ok Dieu n'a pas créé le monde. Mais hè, y'a la pichenette de départ non ? Le secret projet initial. Et si Dieu avait lancé le big bang et était ensuite parti se coucher ? Parce que complètement évacuer Dieu ce serait jeter le bébé avec l'eau du bain".
Quant au fait que les agents sociaux se donnent des fins à leurs actions, c'est mille fois plus compliqué : il y a le discours sur l'acte, la représentation de l'acte, l'acte lui-même, et les effets de l'acte, tous différents. Un agent social peut très bien exprimer une fin, en pratique en poursuivre une autre, voir son action être contre-productive, générer autre chose, et ses contemporains mal comprendre l'ensemble de la chaîne et lui attribuer un tout autre sens. Bref dire que les agents sociaux poursuivent une, ou des, fins est simpliste. Cette question n'a strictement rien à voir avec une "fin de l'histoire" en général.
Ah! Le cerveau simiesque (archaïque, animal, arriéré etc.) et le “biais cognitif”! Voilà un ensemble d’arguments qu’il est doux d’utiliser lorsque l’on veut, par avance, dévaloriser l’imbécile auquel on s’adresse, et qui serait, le pauvre, le jouet d’un atavisme dont il ignore tout. Mais dois-je te rappeler que le “bébé” en question n’est nullement le mien? Car enfin, quand je dis que des êtres humains poursuivent des fins (voir la suite), ça n’est pas moi qui l’ai inventé…
Mais c’est que l’argument ne portait pas du tout là-dessus. Tu admets toi-même que les “agents sociaux” (j’avais plutôt dit, me semble-t-il, “les êtres humains”, mais soit, admettons qu’on puisse les définir comme des “agents sociaux”) expriment des fins, et qu’ils en poursuivent (même si ce ne sont pas forcément les mêmes). Le point n’est pas de dire que “les agents sociaux poursuivent une, ou des fins” en sous-entendant qu’ils ne feraient que ça (ce que je n’ai pas dit) et que ça expliquerait tout (ce que je n’ai pas dit). Le point est de signaler qu’il leur arrive de le faire (et qu’il leur arrive même, ne t’en déplaise, de le faire de manière plus lucide que tu ne le prétends), et il n’est pas de conclure à quelque “fin de l’histoire” (dont j’ai pourtant dit douter fortement: ça a dû passer inaperçu…). Il est de signaler qu’il est difficile de comprendre l’existence humaine en éliminant la catégorie de “fin”, de “finalisation de l’action”, parce que cela rend radicalement incompréhensible une certaine partie (pas “tout”: une “partie”) de l’expérience humaine. Le problème serait alors: comment comprendre des êtres humains à qui il arrive de poursuivre des fins, de leur attribuer des significations, des valeurs à la fois nombreuses et fortes, et auxquelles ils tiennent en refusant tout recours, même sectoriel, à la catégorie de “fins”, de “finalisation” ou ses succédanés (projet, choix, orientation, etc.)? Est-ce possible ou non? Et si l’on doit recourir à un concept de cet ordre, comment le faire, comment le formaliser?
Il est donc, et je comprends fort bien ton agacement puisque oui, je suis en train d’avancer l’idée ou l’hypothèse suivant laquelle la croyance irrationnelle s’avance effectivement à la fois comme ce qui n’est pas réfutable et simultanément comme fortement cohérente et à la fois au-delà et en deçà de toute réfutation (ce qui, peut-être, provoque ta colère et te pousse à des propos fort agressifs, ce que je trouve aussi fort intéressant dans le contexte d’une discussion où tu adoptes la position de l’argumentation dite rationnelle), — d’élaborer une attitude moins unilatérale que le scientisme dans lequel tu parais te réfugier en te contentant de dire “le téléologisme est réfuté”. Ce pour faire, peut-être, comprendre que le fait de prétendre que toute argumentation employant un argument de cette forme relèverait de l’arriération ou du crétinisme (car, je ne sais pourquoi, j’ai un peu l’impression que c’est ce que tu veux dire), et un peu limité, à la fois parce que ça revient à dénoncer et non à réfuter une notion, et parce que ça ne tient peut-être pas compte de certains de ses usages.
Ça revient à “problématiser” la question de façon plus fine: la forme de raisonnement téléologique est inadéquate, certes, mais à propos de quelle catégorie d’objets, de quels domaines de réalité, et en fonction de quel type de démarche méthodologique et de quel type de “compréhension”? Inversement existe-t-il (ou non) des domaines de réalité (certains segments de l’existence humaine et de l’action humaine) dans lesquels cette forme de raisonnement peut, voire doit être employée (sous peine d’interdire toute possibilité de compréhension), et si oui, comment en limiter et en contrôler l’usage, voire comment en rectifier ou modifier le concept? Et j’ajoute qu’énoncer un problème n’est pas énoncer une réponse, encore moins préjuger de cette réponse.
Car, je te le redis: il se trouve que les êtres humains ont un certain nombre d’idées sur leur propre existence, et que ce qu’ils entendent par “destin” peut relever d’élaborations très différentes, fortement hétérogènes; le fait que certaines de ces élaborations puissent être réfutées (ce que je pense être fort probablement le cas), n’implique nullement (contrairement à ce que tu sembles croire sur la base d’un “progrès de la méthode scientifique”) ni qu’elles le soient toutes (ça reste à mes yeux un point à démontrer, ce qui ne veut certainement pas dire que je les croirais toutes rationnelles et de même valeur: j’espère que tu saisis la différence entre dire: “c’est totalement faux” et dire: “c’est douteux, mais pas en soi réfuté”, ou: “c’est douteux et pas réfutable”), ni même, d’ailleurs l’idée qu’il serait (devenu) évident que l’on pourrait réellement/totalement s’en passer, sous peine, justement de ne pas comprendre la partie même de la réalité qu’on prétend vouloir comprendre en éliminant entièrement la catégorie en question.
J’ajoute une chose: tu me fais l’effet de conclure de questions que je pose ou que j’essaie de poser au fait, qui semble avéré à tes yeux vu la virulence de ton propos, que je tiendrais nécessairement des positions (que je ne tiens nullement: j'ai pourtant bien dit que j'étais sceptique, et au sens technique de certaines écoles philosophiques). En quoi tu commets une erreur…
Cdlt
- epekeina.tes.ousiasModérateur
Zagara a écrit:Mais *** hiérarchiser entre science et non-science ce n'est pas "mépriser des pensées qu'on n'aime pas", c'est juste dire que quand on fait des sciences, faut laisser son ami imaginaire au placard, parce qu'il ne participe pas de ce régime de vérité.Quoi que n'étant ni augustinien, ni chrétien, ni religieux, je trouve le mépris a priori qu'ont beaucoup pour des pensées qu'ils n'aiment pas (parce qu'ils préfèrent les leurs), totalement infondé.
“qu'ont beaucoup”: libre à toi de te l'attribuer ou non — mais au fait, as-tu réellement pris connaissance de ces arguments (comme je l'ai fait) avant de les décréter “imaginaires” (là où je me contente de le tenir pour infiniment douteux et n'entrant pas dans une méthode utilisant des arguments rationnels), ou te contentes-tu de préjuger ce que sont ces arguments?
c'est à bon compte que tu présupposes qu'il est possible et facile d'établir une différence entre science et non-science et de “laisser l'ami imaginaire au placard”), me semble-t-il…
C'est quand même incroyable. Je m'en fiche de ce que croient les gens
J'avais bien compris: tu t'en fiches — sans mépris aucun, bien entendu…
, mais les voir importer leurs croyances dans le champ scientifique,
ce qui n'est pas ce que je fais…
NON. Parce que ce n'est pas le même monde et c'est une confusion dangereuse pour l'intégrité de la science et sa capacité à fonctionner correctement en vue de produire des connaissances justes.
La seule chose qui m'inquiète, dans ton inquiétude (que, à part cela, je partage), c'est ce que tu veux dire par “ce n'est pas le même monde”: tu es vraiment certain que la “hiérarchisation entre science et non-science” (outre le fait que tu mets “science” au singulier, ce qui revient à postuler qu'il n'existerait nullement des démarches scientifiques fortement hétérogènes) ne se retrouve pas ici dans cette “image” (un bébé imaginaire??) séparant ceux qui sont “du monde” (scientifique, raisonnable) et ceux qui “ne sont pas du même monde”? Mais alors lequel?
Enfin, quand je dis que ça m'inquiète, je ne veux pas dire que j'en éprouverais une émotion réputée désagréable. Disons que ça pousse mon esprit hors de sa quiétude et le fait se poser une ou deux questions…
Cette position est pourtant consensuelle depuis des siècles. Tout comme c'est détestable de dire que la démarche scientifique est une "croyance" égale au christianisme ("préfèrent les leurs").
Dans la mesure où je n'ai jamais dit que la démarche scientifique serait une “croyance”, et dans la mesure où j'ai encore moins dit qu'elle serait “égale au christianisme” (je crois même avoir essayé d'expliquer quelque chose sur la différence entre les méthodes herméneutiques traditionnelles chrétiennes et les méthodes argumentatives rationnelles et critiques qu'emploient ceux que l'on peut qualifier de philosophe), et où même je n'ai jamais dit qu'il existait seulement quelque chose comme “la (seule, unique) démarche scientifique, mais plutôt des démarches (plusieurs, différentes) scientifiques, au sens de “employant des argumentations rationnelles” (et en refusant, au passage d'opposer science et non-science, parce que c'est très simpliste, ne serait-ce que parce que cela peut (sans le devoir) conduire à ne rien comprendre à ce qui est “non scientifique”) — je considère que ton propos passe à côté et ne me concerne pas.
Cdlt
- DesolationRowEmpereur
epekeina.tes.ousias a écrit:DesolationRow a écrit:
Sur sa doctrine de la prédestination, je sais bien qu'elle est refusée généralement, mais j'aimerais savoir qui l'a réfutée, et si je pose la question, c'est que je ne vois guère comment ce serait possible. A partir du moment où, et personne n'est obligé de le faire, tu acceptes l'existence du Dieu des Écritures, l'enchaînement des idées et des notions me paraît relativement implacable, chez Augustin.
Sauf qu'entre l'affirmation de l'existence du Dieu des Écritures et celle de la prédestination par la grâce, il est fort difficile de nier qu'il y a un gouffre… Soit dit en passant, s'il est vrai que la question de la grâce et du libre arbitre, chez Augustin, peut difficilement être séparée de celle des attributs divins (le “filioque” du De Trinitate), elle est surtout liée à une interprétation théologique du péché originel (laquelle est, comme on sait, un objet de fortes controverses depuis maints siècles).
La preuve en est que tous les théologiens, et pas même tous les Pères de l'Église (pour ne parler que des “catholiques”, ne sont pas strictement augustiniens: il est fort difficile de faire de François de Sales, un augustinien strict… D'autre part, on sait fort bien que les “augustiniens” — Luther, Calvin, Jansénius, Arnaud, Pascal, etc. — ne tiennent pas tous les mêmes thèses sur cette doctrine. Et, bien évidemment, un théologien orthodoxe te répondrait que la conception des soi-disant “semi-pélagiens” est en réalité directement issue des conceptions des “pères du désert” et que la doctrine de la “coopération”, correctement interprétée est vraie, alors que celle d'Augustin est (doublement) fausse, et sur les relations entre les personnes de la trinité, et sur la question de la grâce (et qu'ils l'ont d'ailleurs maintes fois réfutées).
C'est ce que je dis, précisément : il y a des différences d'interprétation, de lecture. Mais les adversaires d'Augustin ne l'ont pas "réfuté", ils ont repoussé sa doctrine, c'est ce que j'essaie d'écrire, pas clairement visiblement, depuis un moment. Augustin, bon gré mal gré et il est certain qu'il n'en avait pas l'intention (lui comptait seulement, en gros, commenter paul et rendre compte de son expérience personnelle, il ne comptait pas construire un système théologique, il n'en a eu ni l'ambition ni le loisir), a construit une doctrine qui présente une impeccable cohérence interne ; le seul moment où rationnellement elle achoppe, c'est sur la question d'Adam et des anges, qui lui paraissait secondaire parce que trop spéculative je pense. Mais c'est là, précisément, qu'il a probablement trop accordé à la grâce et pas assez au libre-arbitre - ça se discute en tout cas.
En tout cas comme enchaînement de raison, je suis curieux de savoir où on trouve cette réfutation du "système" augustinien. Il a rencontré de fortes oppositions morales, psychologiques, mais une réfutation logique, il n'y en a pas vraiment eu. A un moment, il faut accepter que Augustin face à pélage, ce sont deux intuitions irréconciliables qui s'opposent (ce n'est pas le cas des mal nommés semi-pélagiens, qui sont en fait beaucoup plus semi-augustiniens qu'autre chose), et tu pourras faire ce que tu veux tu ne les mettras pas d'accord, parce que leurs systèmes ont tous deux leur cohérence et leur logique interne ; mais ils comprennent la relation de Dieu à l'homme sur des modèles différents. Je ne crois pas qu'on puisse tenir que le pélagianisme est plus chrétien que l'augustinisme, mais je suis ravi d'en discuter.
Bon, pour l'histoire du péché originel, c'est un vaste bazar, évidemment ; mais dans l'ordre de l'argumentation d'Augustin, il est faux de considérer que le péché originel est à l'origine de l'affirmation de la nécessité et de la gratuité de la grâce, c'est même strictement l'inverse. C'est l'affirmation de la gratuité de la grâce qui amène à dégager une compréhension rigoureuse de ce que raconte paul sur la faute d'Adam.
epekeina.tes.ousias a écrit:desolationrow a écrit:Je n'ai encore rencontré personne qui "réfute" l'enchaînement des idées d'Augustin, qui me montre une incohérence ou une fausseté dans son raisonnement sur la prédestination. Des lecteurs qui sont en désaccord, qui lisent différemment, qui proposent des interprétations concurrentes, il y en a plein. Mais qui prouvent, par la raison, que ce qu'il dit est faux, j'attends de voir.
Mais évidemment que l'on n'est pas obligé d'entrer dans le jeu : si on refuse l'existence de Dieu, il n'y a plus de système à réfuter. À ce moment on n'a pas prouvé que ce qu'il a dit est faux ; on a dit qu'on était pas d'accord avec lui sur une question fondamentale, celle de la nature humaine.
On pourrait te répondre, au contraire, qu'Augustin n'ayant pas essentiellement employé la “raison” dans sa “démonstration”, il n'est pas besoin de le “réfuter”:
car s'il est visible que l'on trouve dans ses écrits des arguments de type rationnel, il est tout aussi visible qu'il n'établit pas ses arguments par cette méthode, mais par des procédés d'herméneutiques portant sur la lettre des textes bibliques (postulant que le “verbe”, ou le “logos” qui s'y exprime, n'est pas du tout le “logos” attribué à l'animal humain par Aristote, ni le “logos” ordonnant le monde selon les stoïciens).
C'est confondre “procédé systématique et cohérent” avec “procédé rationnel”.
C'est vraiment une drôle d'idée que de penser qu'Augustin n'emploie pas la raison, il aurait été très vexé de lire ça. En fait, c'est complètement faux. Il passe son temps à raisonner, à analyser, à synthétiser, à déduire. Il le fait à partir de principes et de textes qu'on peut considérer comme fantaisistes, certes.
epekeina.tes.ousias a écrit:
Je suis en double désaccord sur ce point. Je ne vois vraiment pas de raison de ne pas lire Augustin, sous le prétexte que je n'adhèrerais en rien à son anthropologie centrée dans le péché (j'espère ne pas me tromper car, ayant soutenu jadis une thèse qui consacrait la première de ses deux parties à Augustin, ça m'ennuierait de devoir “rendre mon diplôme”!).
D'autre part, il est faux par inexactitude de dire qu'il n'existe pas de différence entre théologie et philosophie pour Augustin. Il serait bien plus exact de reconnaître qu'il fait un usage fort de la catégorie de “philosophie” dans une certaine période (celles des écrits regroupés sous ce label dans la bibliothèque augustinienne: entre 385 (il lit, probablement sous l'influence d'Ambroise de Milan les Platonici Libri, qui le détourne du manichéisme) et 388 (quand il retourne en Afrique). Resterait toutefois à faire l'étude attentive des usages de la catégorie (elle consiste, pour aller vite, à refuser aux philosophes la capacité d'avoir saisit la “vertu” et la “sagesse”, qui est l'un des attributs divins (I Cor. 1,24): en se rappelant qu'il affirme (dans les Confessions) s'être convertit au manichéisme, justement parce qu'il venait de lire une exhortation à la sagesse (l’Hortensius de Cicéron) — et que passer d'un texte (perdu) de Cicéron au manichéisme, cela suppose une conception très spécifique de la “philosophie”, autant que de passer de la lecture de “livres (néo)platoniciens” au christianisme… Pour aller vite (cf. Conf. II-IV, 8, donc vers ~400, quand il est “enflammé” par l'amour de la sagesse, il conçoit cette sagesse comme (attribut de la) divinité.
Dire qu'il passe de Cicéron au manichéisme est faux par inexactitude. Il passe de Cicéron à la lecture de la Bible, et il devient manichéen (mollement, en fait) parce qu'il trouve que la Bible n'est pas digne de Cicéron ni de ce qu'il s'attendait à y trouver. Le manichéisme a surtout l'avantage de lui donner 1) l'occasion de succès rhétoriques faciles 2) des réponses commodes aux problèmes qui le contrarient 3) la promesse qu'on lui en apprendra davantage s'il reste discipliné.
Même pour les ouvrages dits philosophiques de Cassiciacum, il faut avoir le coeur bien accroché pour considérer qu'il ne s'agit pas déjà de théologie, hein. C'est au même moment qu'il écrit les Soliloques, quand même. Cela ressemble davantage à ce que l'on appelle de la philosophie et on emploie le terme par commodité, mais ce sont déjà des ouvrages théologiques, qui ne parlent strictement que de Dieu.
Ce n'est par ailleurs pas un saut très compliqué de passer des néo-platoniciens au christianisme, c'était même la grande mode à Milan à l'époque.
epekeina.tes.ousias a écrit:
En revanche, quand on avance dans son oeuvre, on voit disparaître peu à peu, l'emploi du terme “philosophie”, spécialement dans la période 420-430, et il n'y a alors plus qu'une seule occurrence (désolé, c'est un peu ancien et je ne retrouve pas la référence dans ma mémoire: il faudrait que je rouvre Migne) de l'expression “philosophie chrétienne” chez lui — qui refuse nettement aux “philosophes” toute légitimité.
Oui, il ne parle plus de philosophie parce que la philosophie, c'est uniquement le christianisme.
epekeina.tes.ousias a écrit:
A titre personnel, je pense cela dit qu'il y a en effet un moment où son raisonnement heurte une limite rationnelle, c'est la question de la grâce d'Adam (ou de la chute des anges), et que c'est par là qu'il faut essayer de "réfuter" Augustin si c'est possible.
Mais par “réfuter”, que faudrait-il entendre? Une réfutation par les voies de l'argumentation rationnelle porterait sans doute contre l'idée d'une grâce d'Adam, laquelle suppose une création divine de l'homme, puis sa chute ou son péché, pour ne rien dire de la création des anges, de leur chute, etc.
Réfuter rationnellement. Il y a des textes dans lesquels Augustin expose ce qu'il pense de la première grâce d'Adam et tire les conséquences de tout ce qu'il a exposé de la grâce précédemment, et qui posent des problèmes logiques probablement pas solubles. En tout cas tous les spécialistes qui essaient de sauver Augustin sont contraints de se lancer dans des contorsions pas convaincantes, depuis Jansenius jusqu'à aujourd'hui.
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epekeina.tes.ousias a écrit:
Les Révisions ne corrigent franchement pas grand chose aux idées fortes d'Augustin sur la prédestination, elles sont composées au même moment que les grands traités décisifs sur le sujet.
Ce n'est pas ce que j'ai dit. Elles corrigent fortement certaines idées, en particulier sur le libre arbitre (le De liberio et arbitrio (écrit entre 388 et 395)) — mais certainement pas le traité du Don de la persévérance (plutôt vers 428-429) ou le traité De la prédestination des saints (idem) — et pour cause.
Je parlais surtout à vrai dire du De correptione et gratia qui est plus décisif que les deux traités que tu cites (et qui en fait ne sont qu'un seul traité, d'ailleurs), et qui est très exactement contemporain des Révisions.
Les idées corrigées dans les premiers traités sont corrigées très rapidement en fait ; les Révisions se contentent de faire le bilan ; en tout cas elles ne corrigent rien de ce que l'on appelle la doctrine augustinienne de la grâce.
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Puisque tu me donnes l'ordre de te montrer que c'était faux (je me demande bien pourquoi, d'ailleurs, puisque je ne suis pas du tout “propriétaire” de ces idées, que je connais un peu, et sans les partager), pardonne-moi de te répondre ça: on ne peut pas plus montrer que c'est faux, qu'on ne peut montrer que c'est vrai…
C'est bien ce que je dis, gros malin.
Mais encore une fois, que l'on puisse lire Augustin, j'en conviens (ne serait-ce que parce que je l'ai fait). Qu'on le doive, j'en doute. Mais qu'on refuse a priori de le faire, aussi.
Oui, mais on a évidemment tort.
- epekeina.tes.ousiasModérateur
DesolationRow a écrit:Bon, pour l'histoire du péché originel, c'est un vaste bazar, évidemment ; mais dans l'ordre de l'argumentation d'Augustin, il est faux de considérer que le péché originel est à l'origine de l'affirmation de la nécessité et de la gratuité de la grâce
Ce qui n'est pas du tout ce que j'ai dit, note bien… Seulement que les deux questions sont inséparables: impossible d'accorder la moindre valeur à la question de la grâce et du libre arbitre, sans tenir la question du péché originel pour pertinente — c'est-à-dire sans demander si la liberté, voire la nature humaine, est “corrompue”, affaiblie ou non… La position de coétayage (par cohérence) de ces différentes questions n'implique pas nécessairement qu'il y ait un “système” (au sens d'une construction volontairement totalisante et absolue), mais bien que les différents éléments de l'oeuvre ne sont pas séparables…
De sorte qu'une chose est de refuser à Augustin tout usage de quelque chose comme “la raison” (ce que je ne fais justement pas, tellement ça me semble impossible), autre chose est de dire que la cohérence dans son oeuvre relèverait (voire relèverait seulement) de quelque chose comme “la raison” (ce qui me paraît, pour le coup, douteux)…
desolationrow a écrit:
C'est vraiment une drôle d'idée que de penser qu'Augustin n'emploie pas la raison, il aurait été très vexé de lire ça. En fait, c'est complètement faux. Il passe son temps à raisonner, à analyser, à synthétiser, à déduire. Il le fait à partir de principes et de textes qu'on peut considérer comme fantaisistes, certes
Mais je n'ai pas dit cela… J'ai plutôt signalé qu'il emploie tantôt des procédés rationnels (empruntés aux philosophes qu'il connaissait (parfois “un peu”) — tantôt qu'il emploie d'autres procédés qui, cette fois, ne le sont pas…
Dire qu'il passe de Cicéron au manichéisme est faux par inexactitude.
Non, c'est un moment biographique important que cette séquence (je le sais pour l'avoir étudiée en détail).
Il passe de Cicéron à la lecture de la Bible
Non. Il lit Cicéron en ayant en tête une conception de la sagesse qui est religieuse et qui ne peut rien avoir de commun (et pour cause) avec celle de Cicéron.
et il devient manichéen (mollement, en fait) parce qu'il trouve que la Bible n'est pas digne de Cicéron ni de ce qu'il s'attendait à y trouver.
Mollement, c'est vite dit — puisqu'en réalité il se dit lui-même manichéen, certes pas “haut dignitaire du manichéisme”, mais il explique en détail à quel point il n'arrivait ni à se défaire de cette croyance, ni à s'en satisfaire (il ne parvenait pas, dit-il, à surmonter ses propres concupiscences)…
Le manichéisme a surtout l'avantage de lui donner 1) l'occasion de succès rhétoriques faciles 2) des réponses commodes aux problèmes qui le contrarient 3) la promesse qu'on lui en apprendra davantage s'il reste discipliné.
Même pour les ouvrages dits philosophiques de Cassiciacum, il faut avoir le coeur bien accroché pour considérer qu'il ne s'agit pas déjà de théologie, hein
Mais je n'ai pas dit cela non plus. Je me suis contenté de rappeler que, parmi ses oeuvres, ce sont celles qui font le plus “appel” à “de la philosophie”: ça ne signifie pas qu'elles ne sont que cela.
Ce n'est par ailleurs pas un saut très compliqué de passer des néo-platoniciens au christianisme, c'était même la grande mode à Milan à l'époque.
Ça paraissait tellement compliqué aux néoplatoniciens eux-mêmes, qu'ils ne le faisaient justement pas! Ni Plotin, ni Porphyre, par exemple. Car enfin: les néoplatoniciens refusent l'idée même de “création”, ils refusent également toute forme de “péché”, ils ont une conception des “hypostases” qui n'a rien à voir avec celles des chrétiens. Que ces derniers leur aient emprunté, c'est vrai — mais que les premiers aient “tendu” vers le christianisme, c'est une fable apologétique connue sous l'appellation de “Platon chrétien” et qui ne résiste guère aux études menées sur les platoniciens anciens, moyens (Numenius) ou “néo”…
Oui, il ne parle plus de philosophie parce que la philosophie, c'est uniquement le christianisme.
Autrement dit, il vient de rejeter la totalité de ce qui est connu, et qui existe encore, à son époque, sous l'appellation de “philosophie” comme n'étant pas de la philosophie, pour imposer cette idée que le “christianisme” serait la “philosophie”…
Mais mon argument portait sur autre chose: faire remarquer que l'expression “philosophie chrétienne” est un quasi hapax à partir d'une certaine période prend pour but de rendre douteux l'idée qu'Augustin aurait affirmé l'existence d'une “philosophie chrétienne”. Si tel était le cas, pourquoi ne pas employer l'expression? Et si l'on répond: “parce que la philosophie, c'est uniquement le christianisme”, en quoi la proposition diffère-t-elle de: “la philosophie n'existe pas, elle a été éliminée, il ne reste que le christianisme, c'est-à-dire tout autre chose que de la philosophie”? Ce qui revient à l'idée précédente.
Réfuter rationnellement. Il y a des textes dans lesquels Augustin expose ce qu'il pense de la première grâce d'Adam et tire les conséquences de tout ce qu'il a exposé de la grâce précédemment, et qui posent des problèmes logiques probablement pas solubles. En tout cas tous les spécialistes qui essaient de sauver Augustin sont contraints de se lancer dans des contorsions pas convaincantes, depuis Jansenius jusqu'à aujourd'hui.
Je t'abandonne cette opinion, que je ne partage pas, et qui me paraît à la fois ambigüe et auto-contradictoire. Ambigüe parce que cela revient à passer sous silence le fait de refuser d'examiner rationnellement les postulats de la pensée que l'on avance (même Aristote, quand il expose l'argument de la régression à l'infini le fait — quand bien même il répond rien d'autre que “mais il est nécessaire de s'arrêter quelque part” — et il est connu qu'il existe un certain nombres de ses écrits qui portent cette méthode sur des notions de cet ordre). Et auto-contradictoire parce qu'elle implique à la fois d'accepter des techniques d'argumentation rationnelle, tout en les refusant lorsqu'il s'agit de rendre compte des principes (refus équivalent à celui de la philosophie entendue comme “examen des questions dites métaphysiques”).
Je parlais surtout à vrai dire du De correptione et gratia qui est plus décisif que les deux traités que tu cites (et qui en fait ne sont qu'un seul traité, d'ailleurs), et qui est très exactement contemporain des Révisions.
Les idées corrigées dans les premiers traités sont corrigées très rapidement en fait ; les Révisions se contentent de faire le bilan ; en tout cas elles ne corrigent rien de ce que l'on appelle la doctrine augustinienne de la grâce.
Et pour cause: il ne le peut absolument pas, ou plus, puisque, à supposer qu'il ait été philosophe à certains moments, il a (volontairement) cessé de l'être. Ce qui était mon point.
C'est bien ce que je dis, gros malin.Puisque tu me donnes l'ordre de te montrer que c'était faux (je me demande bien pourquoi, d'ailleurs, puisque je ne suis pas du tout “propriétaire” de ces idées, que je connais un peu, et sans les partager), pardonne-moi de te répondre ça: on ne peut pas plus montrer que c'est faux, qu'on ne peut montrer que c'est vrai…
Il est vrai que je suis gros (ou perçu comme tel) — mais douteux que je sois malin…
Mais plus simplement, ton “argument” consiste, me semble-t-il, à demander qu'on réfute rationnellement Augustin (à l'exiger de façon autoritaire même), sous peine de quoi tu penserais que, les idées n'étant pas rationnellement réfutées, leur “vérité” ne le serait pas non plus. Le mien consiste à énoncer l'hypothèse suivant laquelle ces “idées” n'étant ni établies ni argumentées par des procédés rationnels (lorsqu'il s'agit des points de foi et de croyance), prétendent échapper entièrement à ce type de procédés: elles ne sont pas plus démontrables que réfutables, ce qui revient à dire qu'il se pourrait bien qu'elles n'aient strictement au sens rationnel. Et non pas parce que l'on serait parvenu, de façon critique, à établir qu'elles le sont — mais parce qu'on les postule telles dès le point de départ. Ça n'a pas “tout à fait” le même sens que ce que tu sembles dire…
Tu sembles dire que, si une “idée” n'est pas réfutable par la raison, elle pourrait rester “vraie” en un certain sens que tu ne précises pas, alors qu'en fait, il arrive que certaines idées ne soient tout simplement pas accessibles à la raison parce qu'elles en refusent entièrement l'application: de ce fait, je ne vois absolument pas quel sens tu pourrais attribuer au terme “vrai” — mais certainement pas celui d'une “idée qui, établies par des procédures rationnelles, pourrait, de ce fait, être communiquée ou rendue partageables autrement que par un acte de croyance”. Si c'est pour dire qu'il existe des croyances partagés, c'est un fait: mais ça ne prouve rien ni dans un sens, ni dans l'autre. Si c'est pour prouver qu'on “peut les partager”, cela ne veut rien dire d'autre que “certains croient, d'autre non”: et cela laisse en blanc la question de savoir s'il est possible ou non de développer des méthodes d'argumentation rationnelle permettant de dépasser ce simple constat. Si c'est, enfin, pour dire que les “idées” totalement irrationnelles peuvent “résister” à tout, et en particulier à tout procédé raisonnable/rationnel, c'est vrai: mais ça revient à postuler une valeur de l'absurde (ou du non-rationnel), d'une part, et c'est difficilement discriminable de la proposition: “j'y crois, j'y tiens, je refuse d'en discuter car je me réserve le droit de refuser tout procédé rationnel à tout moment”…
“Pourquoi pas”, comme disent certains — mais cela revient à prétendre que l'on aurait quelque chose comme un “droit de déraisonner” (il sera fort difficile de “démontrer”, surtout rationnellement, un tel “droit”)…
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- Leroy86Niveau 9
Croire en dieu? Une trahison. Vis ta vie menteur
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"On ne peut pas plier la réalité à ses désirs." Thomas A. Anderson
"Ça rapporterait des milliers de milliers de dollars." "Ça s'appelle des millions."
- RedNiveau 1
Bonjour!
J'arrive sans doute après la bataille (et sans avoir lu in extenso les 7 pages de discussions) mais, pour répondre au message initial, je tiens simplement à rappeler que, du côté de la physique théorique, il existe des arguments scientifiques extrêmement probants pour nier le libre-arbitre et affirmer la validité d'un déterminisme radical. Ce déterminisme n'est pas un fatalisme ou un providentialisme, il ne croit en aucune "force mystique"... mais il ruine tout de même l'idée de liberté du sens commun et reste compatible avec l'idée d'un destin fixé d'avance.
Il existe une abondante littérature philosophique contemporaine qui développe et discute cette thèse. Et beaucoup adhèrent aux idées que je viens d'énoncer.
Comme quoi, la science nous permet souvent d'inquiéter les certitudes les plus tenaces
Bien à vous
J'arrive sans doute après la bataille (et sans avoir lu in extenso les 7 pages de discussions) mais, pour répondre au message initial, je tiens simplement à rappeler que, du côté de la physique théorique, il existe des arguments scientifiques extrêmement probants pour nier le libre-arbitre et affirmer la validité d'un déterminisme radical. Ce déterminisme n'est pas un fatalisme ou un providentialisme, il ne croit en aucune "force mystique"... mais il ruine tout de même l'idée de liberté du sens commun et reste compatible avec l'idée d'un destin fixé d'avance.
Il existe une abondante littérature philosophique contemporaine qui développe et discute cette thèse. Et beaucoup adhèrent aux idées que je viens d'énoncer.
Comme quoi, la science nous permet souvent d'inquiéter les certitudes les plus tenaces
Bien à vous
- The PaperHabitué du forum
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On a toujours raison, le destin toujours tort."
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@Red.
Il y a un article assez intéressant de J-P Delahaye sur un thème proche dans le numéro de décembre de Pour la science.
Il évoque entre autres le paradoxe de Banach-Tarski qui m'a toujours fait penser que les nombres réels ( au sens mathématique ) représentent mal le réel ( au sens physique ).
Mais le point qui m'a semblé vraiment intéressant, et qui est un argument contre le déterminisme « physique » dont tu parles, est l'idée assez naturelle qu'un volume fini ne peut pas contenir une quantité infinie d'information. Ce qui introduit l'aléatoire ( on peut dire la liberté ) au sein même de la mécanique newtonienne et interdit d'envisager rationnellement l'idée du démon de Laplace.
Bien sur ce n'est pas une preuve : il n'y a aucune théorie physique acceptée, à ma connaissance très limitée, qui majore la quantité d'information contenue dans un volume donné.
Je suis aussi en désaccord avec
Il y a un article assez intéressant de J-P Delahaye sur un thème proche dans le numéro de décembre de Pour la science.
Il évoque entre autres le paradoxe de Banach-Tarski qui m'a toujours fait penser que les nombres réels ( au sens mathématique ) représentent mal le réel ( au sens physique ).
Mais le point qui m'a semblé vraiment intéressant, et qui est un argument contre le déterminisme « physique » dont tu parles, est l'idée assez naturelle qu'un volume fini ne peut pas contenir une quantité infinie d'information. Ce qui introduit l'aléatoire ( on peut dire la liberté ) au sein même de la mécanique newtonienne et interdit d'envisager rationnellement l'idée du démon de Laplace.
Bien sur ce n'est pas une preuve : il n'y a aucune théorie physique acceptée, à ma connaissance très limitée, qui majore la quantité d'information contenue dans un volume donné.
Je suis aussi en désaccord avec
Dire que le destin du crayon que je fais tomber de ma table est d'arriver sur le plancher me semble un abus de langage.Red a écrit:Ce déterminisme n'est pas un fatalisme ou un providentialisme, il ne croit en aucune "force mystique"... mais il ruine tout de même l'idée de liberté du sens commun et reste compatible avec l'idée d'un destin fixé d'avance.
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En effet, même si la terminologie peut varier, on peut considérer comme acquis que le déterminisme n'est pas le destin, pas plus que le libre arbitre n'est la liberté au sens trivial du terme.
J'ajouterai que ces questions ne peuvent être résolues scientifiquement, bien que la science puisse effectivement, du moins je le suppose, contribuer à clarifier les problèmes.
J'ajouterai que ces questions ne peuvent être résolues scientifiquement, bien que la science puisse effectivement, du moins je le suppose, contribuer à clarifier les problèmes.
- verdurinHabitué du forum
En fait il n'est pas strictement impossible que « la science » tranche le sujet en démontrant qu'il y a un déterminisme absolu.
Et c'est la seule conclusion qu'elle peut, éventuellement, démontrer. Je ne vois pas comment on pourrait démontrer le contraire.
Face au hasard on peut toujours supposer une connaissance insuffisante, c'est l'idée du démon de Laplace. Essai philosophique sur les probabilités
Mais je ne crois pas qu'elle y réussisse théoriquement même si on lui accorde un temps très long ( genre en millions d'années ) et encore moins pratiquement.
Et c'est la seule conclusion qu'elle peut, éventuellement, démontrer. Je ne vois pas comment on pourrait démontrer le contraire.
Face au hasard on peut toujours supposer une connaissance insuffisante, c'est l'idée du démon de Laplace. Essai philosophique sur les probabilités
Mais je ne crois pas qu'elle y réussisse théoriquement même si on lui accorde un temps très long ( genre en millions d'années ) et encore moins pratiquement.
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