Un projet de licence universitaire financée par BNP Paribas fait débat

Le principe de cette formation a été voté, jeudi 21 février, par le conseil d’administration de l’université Paris sciences et lettres, en dépit d’oppositions d’enseignants et d’étudiants.

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découvert qu’une licence sur les questions de développement durable était sur les rails avec la grande banque française pour seul mécène  

 Comment dire ? Le développement durable et les banques, ça fait 2. Enfin, comme c'est la banque qui va financer, le développement durable nouveau va apparaître : comment exploiter la Terre en faisant du bénéfice avec bonne conscience.

Grande opération de greenwashing... Dommage qu'une fac se prête à cette mascarade.

https://www.challenges.fr/finance-et-marche/banques/oxfam-denonce-l-utilisation-abusive-des-paradis-fiscaux-des-banques-europeennes_462998

En France, BNP Paribas est la banque qui a le plus recours aux paradis fiscaux. D'après Oxfam, 32% de ses bénéfices sont déclarés dans des paradis fiscaux, l'un des taux les plus élevés en Europe, et 20% de son chiffre d'affaires y est réalisé.

Il faut bien aider les banques et surtout celle-ci à renforcer leur présence dans les paradis fiscaux et à soustraire leurs bénéfices issus de l'exploitation des ressources rebaptisée développement durable aux impôts en France... Alors que les universités y prêtent leur concours...

Il devient urgent de séparer le Fric et l'État !

Tu as raison : privatisons les universités !

C'est un exemple de circuit court ? La banque finance l'université sans passer par l'impôt ?
Il y a en effet quelque chose de (très) dérangeant dans ce projet, sans toutefois que les choses m'apparaissent clairement. Quel est l'intérêt pour la banque ? Uniquement redorer son image ?

Peser sur les contenus enseignés, placer un de ses représentants au CA de l'université en tant que personnalité qualifiée, rendre l'université dépendante de ce partenaire extérieur..., soft power, publicité.

Plus rien ne m'étonne. Nous avons reçu un joli courrier en couleurs envoyé par la Fondation Francis Bouygues pour proposer des bourses aux boursiers qui auront au moins la mention bien. Comment se donner bonne conscience...

Gryphe a écrit:C'est un exemple de circuit court ? La banque finance l'université sans passer par l'impôt ?
Il y a en effet quelque chose de (très) dérangeant dans ce projet, sans toutefois que les choses m'apparaissent clairement. Quel est l'intérêt pour la banque ? Uniquement redorer son image ?

Tu finances des postes de profs et, pour les étudiants qui iront jusqu'au bout, des futurs chercheurs spécialisés dans le développement durable, qui pourront les uns et les autres (les profs maintenant, les étudiants plus tard) certifier à d'éventuels organismes de contrôle où à la télé que BNP Paribas fait vraiment des trucs très bien dans le domaine du développement durable. Enfin je suppose que c'est l'idée : on voit souvent dans le Canard des chercheurs en plein conflit d'intérêt parce qu'ils doivent pondre un avis sur tel ou tel sujet (souvent pharmaceutique mais pas que) qui concerne au premier chef une boîte qui les a déjà rémunérés pour un colloque par exemple (dernier exemple en date dans le numéro de cette semaine sur un ponte en microbiologie qui est chargé de mission pour l'Etat sur le sujet de l'antibiorésistance et cofondateur d'une boîte privée de conseil sur ce même sujet, mais il y a un exemple à peu près chaque semaine). Je suppose que le greenwashing est un sujet de lobbying pas mal porteur pour une banque (on remarque qu'ils ne se sont pas portés volontaires pour soutenir une licence de littérature).

Sur BNP et le développement durable (mais ça vaut pour n'importe quelle grande banque j'imagine) :
https://reporterre.net/Des-dizaines-d-ONG-de-tous-les-pays-accusent-BNP-Paribas

Nous accusons la BNP Paribas d’aggraver la crise climatique, en continuant à financer les énergies fossiles ainsi que le nucléaire et autres fausses solutions incompatibles avec la transition sociale et écologique. Si la BNP Paribas a mis fin à ses soutiens directs à de nouveaux projets charbon, elle continue pourtant à financer les entreprises qui développent, extraient et brûlent le charbon, nocif pour le climat et la santé ! La BNP cherche aussi à financer d’autres projets d’énergies fossiles, comme le terminal d’exportation de gaz de schiste Texas LNG, aux Etats-Unis, alors que les gaz de schiste sont interdits en France !

Pseudo a écrit:Grande opération de greenwashing... Dommage qu'une fac se prête à cette mascarade.

Et pas n'importe quelle fac : PSL c'est l'ENS, Dauphine, Chartes, l'EPHE, l'Institut Curie, l'Observatoire de Paris, les Mines... excellente caution.

Oui, d'ailleurs on se demande lequel de ces établissements aura le bonheur d'héberger ladite L.

J'ajoute une question, ne connaissant pas le sujet : je suppose qu'en plus du compte ce genre de mécénat ne coûte pas grand chose parce que joyeusement déductible des impôts ?

Merci @Condorcet et @Sphinx pour les éclaircissements. Je vois mieux le problème du coup.

Sphinx a écrit:J'ajoute une question, ne connaissant pas le sujet : je suppose qu'en plus du compte ce genre de mécénat ne coûte pas grand chose parce que joyeusement déductible des impôts ?

Je n'en sais trop rien. Pour le crédit impôt recherche il y a tout de même quelques contraintes, et puis ça s'applique surtout à des financements de recherche, pas de diplômes.

Même Les Echos reconnaissent l'efficacité relative du crédit impôt recherche.
https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-185094-le-credit-impot-recherche-un-gouffre-de-presque-6-milliards-deuros-2192716.php

Presque 6 milliards d’euros, c’est presque deux fois le budget du CNRS. Avec un enseignement supérieur en mal de financement et une recherche publique en stagnation, le Crédit Impôt Recherche est une niche fiscale qui a un intérêt limité et qui devrait être redirigé exclusivement vers les PME et la recherche publique.

Le CIR a subventionné le trading haute fréquence.

Sphinx a écrit:

Pseudo a écrit:Grande opération de greenwashing... Dommage qu'une fac se prête à cette mascarade.

Et pas n'importe quelle fac : PSL c'est l'ENS, Dauphine, Chartes, l'EPHE, l'Institut Curie, l'Observatoire de Paris, les Mines... excellente caution.

Tout se perd… Ça me rappelle le scandale qu'avaient provoqué quelques joyeux farceurs au moment du "forum des entreprises" qui se tenait dans le gymnase de l'ENS (le seul lieu suffisamment spacieux). Ils avaient récupéré la sono du club boum, l'avaient entreposée dans le local ballons soigneusement fermé à clé, et avaient passé en boucle "Le petit commerce" de Boris Vian. Lagardère, qui tenait un stand, n'avait pas beaucoup apprécié "Canons à veeeendre !" et avait juré qu'il ne remettrait pas les pieds dans ce repaire de gauchistes.

C'était quand ?

Au passage l'article cité en début de topic dit qu'effectivement les étudiants (on ne sait pas lesquels) ont protesté tandis que c'est le conseil d'administration de PSL qui a signé des deux mains.

Delia a écrit:Il devient urgent de séparer le Fric et l'État !

L'école publique est laïque, elle n'a pas vocation à faire oeuvre d'idéologie religieuse, nationaliste (ou patriotique) ou économique.

Ce n'est justement pas une "fac" où on l'entend habituellement, mais une structure bureaucratique. Pour info, le CA de PSL : https://www.psl.eu/universite/organisation/conseil-dadministration-de-la-comue

Sphinx a écrit: C'était quand ?

Au passage l'article cité en début de topic dit qu'effectivement les étudiants (on ne sait pas lesquels) ont protesté tandis que c'est le conseil d'administration de PSL qui a signé des deux mains.

Il y a une grosse vingtaine d'années (1995, sauf erreur). J'ai siégé plusieurs années au bureau de l'association sportive, c'est comme ça que j'avais eu vent du complot car on avait la clé du local ballons. Du coup, il était assez évident que l'AS était dans le coup, mais l'administration était assez cool à l'époque : ça avait beaucoup fait rire Etienne Guyon, le directeur de l'école, qui était très bon public pour ce genre de blagues.

Spoiler:

Quel sujet étrange... quand les entreprises et les fonds financier financent les grandes écoles, cela ne dérange personne. Quand les banques traitent différemment les élèves de GE, cela ne dérange personne. Quand ces compagnies financent en partie les formations ingénieurs et les masters spécialisés dans les GE, cela ne dérange personne. Bien au contraire, tout le monde est fière du système français des grandes écoles, de Paris Dauphine etc. Et quand la même chose arrivent dans une fac, ce sont les méchants capitalistes??? Pourquoi? Parce que les universités c'est pour les nuls et les GE pour les élites? Cela frôle l'hypocrisie ici  :|

Dans le labo de la grande école d'ingénieur (top 5) où j'ai fait le doctorat, la moitié du budget provient des entreprises. Quand au master spécialisé, il est financé entièrement par des grosses boites. Y compris le déplacement d'une semaine chaque année dans un pays pour toute la promo (USA, Corée du Sud, Russie), bourse de 400/euros pour tout le monde pendant les cours et le stage payé autours du SMIC après.

Gryphe a écrit: Quel est l'intérêt pour la banque ? Uniquement redorer son image ?

Le même intérêt quand ils financent X, Mines, Centrale etc...

Justement, l'ENS n'est pas une école d'ingénieur, en tout cas pas dans son principe : elle a été fondée pour former des enseignants et des chercheurs. Il n'est pas illogique que les intrusions du secteur marchand soient perçues comme une tentative de séduire (au sens étymologique, de "détourner du droit chemin") les futurs chercheurs. De même, le fait que les grandes écoles de commerce essaient de récupérer des normaliens n'est pas toujours très bien vu : déjà en prépa, les matheux au réfectoire de LLG accueillent volontiers les élèves de prépa HEC au cri de "HEC, épiciers". Dès le bac, vous avez choisi la voie du fric !

C'est peut-être excessif, mais il est indéniable que beaucoup d'élèves partent du principe que si on veut être ingénieur, on va à l'X, et que la recherche fondamentale a une plus grande noblesse que la recherche appliquée. En somme, on fait le sacrifice d'une carrière mieux rémunérée contre l'exigence de faire de la recherche de façon libre et désintéressée, "pour la science". C'est un peu caricatural, mais c'est une vraie tendance. Les étudiants les plus doués deviennent chercheurs CNRS alors qu'ils pourraient gagner 10 fois plus en faisant des maths financières ou en se formant à la direction d'entreprises. Les matheux sérieux considèrent d'ailleurs les maths financières comme de la foutaise totale.

Ça n'empêche naturellement pas que certains normaliens bifurquent : j'ai des amis qui travaillent pour Total ou pour l'Aérospatiale. Mais ils ont bifurqué très discrètement, car "ça ne se fait pas".

e-Wanderer a écrit:De même, le fait que les grandes écoles de commerce essaient de récupérer des normaliens n'est pas toujours très bien vu : déjà en prépa, les matheux au réfectoire de LLG accueillent volontiers les élèves de prépa HEC au cri de "HEC, épiciers". Dès le bac, vous avez choisi la voie du fric !

Cela reste plus sympathique que le sobriquet qu'on leur envoyait dans ma prépa.

Spoiler:

e-Wanderer a écrit:Justement, l'ENS n'est pas une école d'ingénieur, en tout cas pas dans son principe : elle a été fondée pour former des enseignants et des chercheurs. Il n'est pas illogique que les intrusions du secteur marchand soient perçues comme une tentative de séduire (au sens étymologique, de "détourner du droit chemin") les futurs chercheurs. De même, le fait que les grandes écoles de commerce essaient de récupérer des normaliens n'est pas toujours très bien vu : déjà en prépa, les matheux au réfectoire de LLG accueillent volontiers les élèves de prépa HEC au cri de "HEC, épiciers". Dès le bac, vous avez choisi la voie du fric !

C'est peut-être excessif, mais il est indéniable que beaucoup d'élèves partent du principe que si on veut être ingénieur, on va à l'X, et que la recherche fondamentale a une plus grande noblesse que la recherche appliquée. En somme, on fait le sacrifice d'une carrière mieux rémunérée contre l'exigence de faire de la recherche de façon libre et désintéressée, "pour la science". C'est un peu caricatural, mais c'est une vraie tendance. Les étudiants les plus doués deviennent chercheurs CNRS alors qu'ils pourraient gagner 10 fois plus en faisant des maths financières ou en se formant à la direction d'entreprises. Les matheux sérieux considèrent d'ailleurs les maths financières comme de la foutaise totale.

Ça n'empêche naturellement pas que certains normaliens bifurquent : j'ai des amis qui travaillent pour Total ou pour l'Aérospatiale. Mais ils ont bifurqué très discrètement, car "ça ne se fait pas".

J'imagine qu'on peut trouver ça sale et moins valorisant de faire de l'argent en étant bon dans son domaine quand on a grandi dans une famille qui nous a envoyé à l'ENS et nous a aidé à penser qu'il fallait travailler "pour la science" et certainement pas pour monter dans l'échelle sociale (puisqu'on est déjà, de base, tout en haut).

Avec les RCE, qu'est-ce qui pourrait fondamentalement empêcher qu'on finance des diplômes grâce à des fonds privés ? L'Etat ne voulant plus payer pour ses étudiants, forcément, ça risque d'être la solution — qui va créer du conflit d'intérêt et des universités à différentes vitesses (ce qui est déjà un peu le cas, soyons clairs).

Je crois que tu caricatures un peu : la sociologie des élèves de l'ENS n'est pas tout à fait la même que celle des élèves de l'X. Il y a beaucoup d'enfants d'universitaires et d'enfants de professeurs. Il me semble que nous sommes bien placés pour savoir que nos professions ne se situent pas "tout en haut de l'échelle sociale". Parler d'héritage culturel, si tu veux…