- hobbessionJe viens de m'inscrire !
Bonjour !
Je définis dans mes cours la culture comme la transformation par un être vivant de lui-même (il se dote de caractères acquis) et de son environnement, et la nature comme l'ensemble des êtres qui présentent des caractéristiques immuables (pour les êtres inanimés) ou innées (pour les êtres vivants).
Je voulais savoir comment vous définissiez vous-mêmes ces deux notions, étant peu satisfait des miennes. Pour la culture notamment, l'expression "transformation de son environnement" me paraît incomplète : les fourmis, abeilles et castors modifient aussi le leur. "transformation par l'intermédiaire d'outils" me semble déjà plus spécifique à l'homme. Qu'en pensez-vous, et quelles sont vos propre définitions ? Utilisez-vous les définitions de philosophes au programme ?
Je définis dans mes cours la culture comme la transformation par un être vivant de lui-même (il se dote de caractères acquis) et de son environnement, et la nature comme l'ensemble des êtres qui présentent des caractéristiques immuables (pour les êtres inanimés) ou innées (pour les êtres vivants).
Je voulais savoir comment vous définissiez vous-mêmes ces deux notions, étant peu satisfait des miennes. Pour la culture notamment, l'expression "transformation de son environnement" me paraît incomplète : les fourmis, abeilles et castors modifient aussi le leur. "transformation par l'intermédiaire d'outils" me semble déjà plus spécifique à l'homme. Qu'en pensez-vous, et quelles sont vos propre définitions ? Utilisez-vous les définitions de philosophes au programme ?
- AiônNiveau 8
Bonjour !
Il me semble qu'il y a une limite (pédagogique) à vouloir enfermer les notions du programme du terminale dans une définition trop circonscrite. L'approche qui serait pertinente dans la construction d'un système ne l'est pas nécessairement dans un cours. En effet, un cours problématisé gagne souvent à faire varier et progresser les définitions des termes impliqués, au fur et à mesure de son déroulement. C'est la raison pour laquelle il paraît souvent pédagogiquement pertinent de partir de l'usage le plus courant du langage ordinaire. Or, les dictionnaires distinguent différents sens du mot culture (agricole, intellectuel, anthropologique...) comme du mot nature (le paysage sauvage ou rural, l'essence, la totalité du réel...). Je ne propose donc pas une seule définition de chacun de ces termes mais plutôt une réflexion mettant en évidence leurs multiples sens dans les expressions du langage ordinaire, et des remarques étymologiques quand elles aident à comprendre comment on est historiquement passé d'un sens à un autre. Sur la culture on peut par exemple renvoyer à Cicéron, Tusculanes, II, 13, puisqu'il fait passer le terme du domaine de l'agriculture à la pédagogie. De façon générale, j'évite de m'appuyer trop explicitement sur les définitions des auteurs lors de la première approche d'une notion. Il est en effet souvent nécessaire d'avoir une idée de ce que signifie un mot en général, avec ses nuances et contradictions, pour comprendre ce que vise sa définition comme concept par un auteur particulier.
Je trouve les définitions que vous proposez admirables par leur caractère synthétique. Mais, comme vous le remarquez immédiatement, elles ne ce cessent pas de poser des problèmes. Vous évoquez notamment celui, passionant, que pose la reconnaissance scientifique des cultures animales à la conceptualité philosophique dont nous héritons. Mais n'est-ce pas là l'occasion d'une activité pédagogique intéressante et profitable ?
Je dirais, pour finir, que ne suis pas un adepte inconditionnel de l'opposition nature/culture (même en séries techno où je découple ces notions...). Il me semble que l'opposition nature/culture tend trop souvent à simplement rejouer - subrepticement - l'opposition déterminisme/liberté. Cela apparaît bien dans la définition de la nature que vous proposez. Celle-ci apparaît essentiellement comme ce qui n'est pas libre, puisque n'en relèverait que l'"immuable" ou l'"inné". Or il ne me semble pas que cette clause soit nécessaire. Une contingence ou un hapax, et même le libre-arbitre ou le clinamen, paraissent pouvoirs être+ qualifiés de naturels sans contradiction. Disons que cette définition engage implicitement un postulat déterministe sur la nature, entièrement vue comme natura naturata. Elle semble par ailleurs interdire de concevoir la culture comme un phénomène naturel, sans risquer la contradiction. Ce n'est pas nécessairement grave, mais ce ne sont pas des définitions sans présupposés philosophiques.
Il me semble qu'il y a une limite (pédagogique) à vouloir enfermer les notions du programme du terminale dans une définition trop circonscrite. L'approche qui serait pertinente dans la construction d'un système ne l'est pas nécessairement dans un cours. En effet, un cours problématisé gagne souvent à faire varier et progresser les définitions des termes impliqués, au fur et à mesure de son déroulement. C'est la raison pour laquelle il paraît souvent pédagogiquement pertinent de partir de l'usage le plus courant du langage ordinaire. Or, les dictionnaires distinguent différents sens du mot culture (agricole, intellectuel, anthropologique...) comme du mot nature (le paysage sauvage ou rural, l'essence, la totalité du réel...). Je ne propose donc pas une seule définition de chacun de ces termes mais plutôt une réflexion mettant en évidence leurs multiples sens dans les expressions du langage ordinaire, et des remarques étymologiques quand elles aident à comprendre comment on est historiquement passé d'un sens à un autre. Sur la culture on peut par exemple renvoyer à Cicéron, Tusculanes, II, 13, puisqu'il fait passer le terme du domaine de l'agriculture à la pédagogie. De façon générale, j'évite de m'appuyer trop explicitement sur les définitions des auteurs lors de la première approche d'une notion. Il est en effet souvent nécessaire d'avoir une idée de ce que signifie un mot en général, avec ses nuances et contradictions, pour comprendre ce que vise sa définition comme concept par un auteur particulier.
Je trouve les définitions que vous proposez admirables par leur caractère synthétique. Mais, comme vous le remarquez immédiatement, elles ne ce cessent pas de poser des problèmes. Vous évoquez notamment celui, passionant, que pose la reconnaissance scientifique des cultures animales à la conceptualité philosophique dont nous héritons. Mais n'est-ce pas là l'occasion d'une activité pédagogique intéressante et profitable ?
Je dirais, pour finir, que ne suis pas un adepte inconditionnel de l'opposition nature/culture (même en séries techno où je découple ces notions...). Il me semble que l'opposition nature/culture tend trop souvent à simplement rejouer - subrepticement - l'opposition déterminisme/liberté. Cela apparaît bien dans la définition de la nature que vous proposez. Celle-ci apparaît essentiellement comme ce qui n'est pas libre, puisque n'en relèverait que l'"immuable" ou l'"inné". Or il ne me semble pas que cette clause soit nécessaire. Une contingence ou un hapax, et même le libre-arbitre ou le clinamen, paraissent pouvoirs être+ qualifiés de naturels sans contradiction. Disons que cette définition engage implicitement un postulat déterministe sur la nature, entièrement vue comme natura naturata. Elle semble par ailleurs interdire de concevoir la culture comme un phénomène naturel, sans risquer la contradiction. Ce n'est pas nécessairement grave, mais ce ne sont pas des définitions sans présupposés philosophiques.
- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
hobbession a écrit:Qu'en pensez-vous, et quelles sont vos propre définitions ? Utilisez-vous les définitions de philosophes au programme ?
Si je présente cette distinction, je la présente comme l'opposition qu'elle est : la culture est tout ce par quoi l'homme se distingue de la nature (essentiellement à travers ses activités symboliques ?), c'est-à-dire de ce qui n'est pas lui. C'est vaste et cela contribue sans doute à rendre la frontière poreuse, mais c'est en même temps immédiatement perceptible.
Après, je ne suis pas professeur de philo.
- AiônNiveau 8
Je dirais que c'est une très bonne première définition, claire et pédagogique, avant d'attaquer la philo en terminale.
Il me semble qu'elle présente deux limites :
a - Elle ne permet pas de penser les cultures animales que décrivent les éthologues contemporains.
b - Elle ne permet pas de donner sens aux expressions "nature humaine" et "état de nature", qui supposent que l'humanité n'est pas anti-naturelle ou nécessairement fortement distincte de la nature.
Il me semble qu'elle présente deux limites :
a - Elle ne permet pas de penser les cultures animales que décrivent les éthologues contemporains.
b - Elle ne permet pas de donner sens aux expressions "nature humaine" et "état de nature", qui supposent que l'humanité n'est pas anti-naturelle ou nécessairement fortement distincte de la nature.
- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
Je ne suis pas au fait des dernières découvertes en matière d'éthologie. J'en suis toujours à l'idée qu'il n'y a pas de commune mesure entre ce que nous appelons le langage et les "langages" des animaux, parce que ces derniers ne sont pas symboliques, et restent du côté du signal plus que du signe. À la critique, en somme, que faisait Benveniste de Von Frisch. Mais j'aimerais en savoir plus, et je vais me renseigner. Aurais-tu quelques articles à me signaler ?
Je me demande aussi si notre siècle n'est pas en train de voir, idée sans doute audacieuse, l'extension de l'humanité à certains domaines de la vie animale.
Je me demande aussi si notre siècle n'est pas en train de voir, idée sans doute audacieuse, l'extension de l'humanité à certains domaines de la vie animale.
- AiônNiveau 8
Je vais essayer de voir pour des références, là je suis un peu pris. Je suis parfaitement d'accord sur le langage qui n'est pas symbolique chez les animaux, au sens où à ma connaissance ils ignorent tous la métaphore et la syntaxe. Ils sont également tous incapables de conserver leurs outils et les produisent à nouveau au besoin, ce qui est une différence frappante avec l'humanité (enfin, on a aussi nos spécialistes de la perte des outils... ). Il semble néanmoins que les langages animaux puissent être conventionnels, en un certain sens, puisque certains groupes d'animaux ont un langage inventé et acquis par imitation et apprentissage. Cela se déduit de l'existence de dialectes de signaux qui dans certains groupes sont différents d'autres groupes, alors que cela ne s'explique pas génétiquement. Les éthologues ont adopté une définition cognitive de la culture qui est indépendante du langage symbolique. Ils désignent comme culture l'ensemble des comportements (signaux, techniques, comportements...) acquis et transmis par imitation.
Je suis d'accord avec l'idée que nous nous orientons vers une extension des droits des animaux. Ce qui ne revient pas nécessairement à leur reconnaître l'humanité. Cette idée ne serait néanmoins pas une nouveauté complète. De nombreux peuples totémiques entretiennent des rapports de parenté avec des espèces animales, et ont des tabous ou des prescriptions les concernant qui recoupent ceux qui concernent les êtres humains (ne pas les tuer, les manger, entretenir un cycle d'échange symbolique...). On jugeait les animaux meurtriers au Moyen-Age...
Je suis d'accord avec l'idée que nous nous orientons vers une extension des droits des animaux. Ce qui ne revient pas nécessairement à leur reconnaître l'humanité. Cette idée ne serait néanmoins pas une nouveauté complète. De nombreux peuples totémiques entretiennent des rapports de parenté avec des espèces animales, et ont des tabous ou des prescriptions les concernant qui recoupent ceux qui concernent les êtres humains (ne pas les tuer, les manger, entretenir un cycle d'échange symbolique...). On jugeait les animaux meurtriers au Moyen-Age...
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