- MamaVénérable
Bonjour à tous !
Je ne parviens pas à trouver le texte de cette nouvelle (dans les Contes et nouvelles I chez Gallimard, je crois) sur Internet.
Elle n'est pas disponible parmi les œuvres de Zola sur Wikisource.
Estc-e que par hasard quelqu'un en aurait le texte intégral, ou aurait la possibilité de prendre les pages en photo ? Comme elle ne représente que quelques pages dans un gros volume, cela n'est pas contraire aux droits de reproduction, je crois.
Merci infiniment, d'avance, à celle/celui/ceux/celles qui répondront ! :-)
Je ne parviens pas à trouver le texte de cette nouvelle (dans les Contes et nouvelles I chez Gallimard, je crois) sur Internet.
Elle n'est pas disponible parmi les œuvres de Zola sur Wikisource.
Estc-e que par hasard quelqu'un en aurait le texte intégral, ou aurait la possibilité de prendre les pages en photo ? Comme elle ne représente que quelques pages dans un gros volume, cela n'est pas contraire aux droits de reproduction, je crois.
Merci infiniment, d'avance, à celle/celui/ceux/celles qui répondront ! :-)
- YayaneNiveau 5
Bonsoir
Tu peux le trouver dans le manuel fleurs d'encre 4ème.
Tu peux le trouver dans le manuel fleurs d'encre 4ème.
- expérienceNiveau 9
« A quoi rêvent les pauvres filles ? » (1870)
Elle a travaillé pendant douze heures. Elle a gagné quinze sous. Le soir, elle
rentre à son logement, le long des trottoirs blancs de gelée, grelottante sous sa mince
écharpe noire, maigre et furtive, avec cet air craintif des pauvres bêtes abandonnées.
Et, comme ses entrailles crient famine, elle achète quelque reste de charcuterie à
bas prix, qu’elle emporte à la main, plié dans un lambeau de journal. Puis essoufflée,
elle gravit ses six étages.
En haut, le grenier est désolé. Un bout de chandelle éclaire cette misère. Pas de
feu. Le vent passe sous la porte, si aigu, qu’il effare la flamme de la chandelle. Un lit,
une table, une chaise. Il fait si froid que l’eau du pot à eau a gelé.
Elle se hâte ; elle se réchauffera peut-être un peu dans le lit, sous le paquet de ses
vêtements qu’elle entasse chaque soir à ses pieds. Vivement elle s’est assise devant la
petite table ; elle a tiré un morceau de pain d’une armoire, elle mange sa charcuterie
de cet air glouton et indifférent des affamés. Quand elle a soif, il lui faut casser la glace
du pot à eau.
C’est une enfant de dix-huit ans au plus. Pour avoir moins froid, elle n’a retiré ni
son châle ni son bonnet. Elle mange chez elle toute vêtue, en cachant par moments ses
mains que le vent bleuit. Si elle pouvait sourire, elle serait charmante ; ses lèvres
délicates, ses yeux d’un gris tendre auraient une douceur exquise. Mais la souffrance a
pincé sa bouche, et mis une dureté morne dans son regard. Elle a le masque rigide et
menaçant des misérables.
Elle regarde devant elle, vaguement, le cerveau vide, mangeant comme un animal
qui se dépêche. Puis ses yeux s’arrêtent sur le lambeau de journal, taché de graisse, qui
lui sert d’assiette. Elle lit, elle oublie d’achever son pain.
Il y a eu bal aux Tuileries, et elle apprend qu’on y a consommé une quantité
prodigieuse de vin et de mets : neuf mille bouteilles de champagne, trois mille gâteaux,
six cents kilogrammes de viande et le reste. Elle a un sourire singulier, elle se dit que
ces gens doivent être bien gras.
Mais elle est femme, elle s’arrête d’avantage aux descriptions des toilettes. Elle
lit :
«Madame de Metternich, robe blanche, avec ceinture violet foncé. Une rivière de
diamants soutenait un adorable fouillis de perles et de diamants.»
Sa face est devenue plus dure. Pourquoi les autres ont-elles des rivières de
diamants, lorsqu’elle n’a pas une robe chaude à se mettre ? Elle continue :
« L’impératrice en robe vert tendre, recouverte d’une demi-jupe en tulle
bouillonnant blanc, à lamé d’argent, garnie au bas et au corsage de martre zibeline.
Dans les cheveux, des fleurs en boule de neige et un simple bandeau de diamants.
Autour du cou, un velours noir sur lequel est appliquée une grecque en diamants
admirables. »
Toujours des diamants, et ici des diamants à enrichir cent familles. L’enfant ne lit
plus. Elle s’est renversée sur sa chaise, elle songe.
Des pensées mauvaises passent dans ses yeux gris. Elle ne sent plus le froid, elle
est tout entière à la tentation du mal.
Et quand elle s’éveille de son rêve, elle a un grand frisson, et jetant un regard
autour de sa chambre, elle murmure :
«A quoi bon ? – A quoi bon travailler ? Je veux des diamants.»
Demain elle en aura.
Emile Zola, Contes et nouvelles.
Elle a travaillé pendant douze heures. Elle a gagné quinze sous. Le soir, elle
rentre à son logement, le long des trottoirs blancs de gelée, grelottante sous sa mince
écharpe noire, maigre et furtive, avec cet air craintif des pauvres bêtes abandonnées.
Et, comme ses entrailles crient famine, elle achète quelque reste de charcuterie à
bas prix, qu’elle emporte à la main, plié dans un lambeau de journal. Puis essoufflée,
elle gravit ses six étages.
En haut, le grenier est désolé. Un bout de chandelle éclaire cette misère. Pas de
feu. Le vent passe sous la porte, si aigu, qu’il effare la flamme de la chandelle. Un lit,
une table, une chaise. Il fait si froid que l’eau du pot à eau a gelé.
Elle se hâte ; elle se réchauffera peut-être un peu dans le lit, sous le paquet de ses
vêtements qu’elle entasse chaque soir à ses pieds. Vivement elle s’est assise devant la
petite table ; elle a tiré un morceau de pain d’une armoire, elle mange sa charcuterie
de cet air glouton et indifférent des affamés. Quand elle a soif, il lui faut casser la glace
du pot à eau.
C’est une enfant de dix-huit ans au plus. Pour avoir moins froid, elle n’a retiré ni
son châle ni son bonnet. Elle mange chez elle toute vêtue, en cachant par moments ses
mains que le vent bleuit. Si elle pouvait sourire, elle serait charmante ; ses lèvres
délicates, ses yeux d’un gris tendre auraient une douceur exquise. Mais la souffrance a
pincé sa bouche, et mis une dureté morne dans son regard. Elle a le masque rigide et
menaçant des misérables.
Elle regarde devant elle, vaguement, le cerveau vide, mangeant comme un animal
qui se dépêche. Puis ses yeux s’arrêtent sur le lambeau de journal, taché de graisse, qui
lui sert d’assiette. Elle lit, elle oublie d’achever son pain.
Il y a eu bal aux Tuileries, et elle apprend qu’on y a consommé une quantité
prodigieuse de vin et de mets : neuf mille bouteilles de champagne, trois mille gâteaux,
six cents kilogrammes de viande et le reste. Elle a un sourire singulier, elle se dit que
ces gens doivent être bien gras.
Mais elle est femme, elle s’arrête d’avantage aux descriptions des toilettes. Elle
lit :
«Madame de Metternich, robe blanche, avec ceinture violet foncé. Une rivière de
diamants soutenait un adorable fouillis de perles et de diamants.»
Sa face est devenue plus dure. Pourquoi les autres ont-elles des rivières de
diamants, lorsqu’elle n’a pas une robe chaude à se mettre ? Elle continue :
« L’impératrice en robe vert tendre, recouverte d’une demi-jupe en tulle
bouillonnant blanc, à lamé d’argent, garnie au bas et au corsage de martre zibeline.
Dans les cheveux, des fleurs en boule de neige et un simple bandeau de diamants.
Autour du cou, un velours noir sur lequel est appliquée une grecque en diamants
admirables. »
Toujours des diamants, et ici des diamants à enrichir cent familles. L’enfant ne lit
plus. Elle s’est renversée sur sa chaise, elle songe.
Des pensées mauvaises passent dans ses yeux gris. Elle ne sent plus le froid, elle
est tout entière à la tentation du mal.
Et quand elle s’éveille de son rêve, elle a un grand frisson, et jetant un regard
autour de sa chambre, elle murmure :
«A quoi bon ? – A quoi bon travailler ? Je veux des diamants.»
Demain elle en aura.
Emile Zola, Contes et nouvelles.
- MamaVénérable
Merci beaucoup ! Je vais noter "résolu" dans le sujet. :-)
- PonocratesExpert spécialisé
Merci beaucoup à Mama -pour son idée- et surtout à Expérience pour ce texte !
_________________
"If you think education is too expensive, try ignorance ! "
"As-tu donc oublié que ton libérateur,
C'est le livre ? "
- gregforeverGrand sage
En effet merci pour ce texte; j'aime bien la chute qui va les forcer à réfléchir
- AphrodissiaMonarque
C'est une nouvelle que j'aime beaucoup moi aussi: elle fait toujours son petit effet.
_________________
Hominis mens discendo alitur et cogitando. (Cicéron)
Et puis les steaks ? Ça se rate toujours comme la tragédie. Mais à des degrés différents. (M. Duras)
- MamaVénérable
Bon, je ne peux m'empêcher de souligner le "mais elle est femme" = elle s'intéresse aux fringues :-D
- MamaVénérable
Si cela peut servir, le voici mis en page.
- DeliaEsprit éclairé
Ce qui m'étonne, c'est qu'elle sache lire...
_________________
Un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle.
Amadou Hampaté Ba
- pseudo-intelloSage
Denise aussi.
Chez Hugo, c'est Eponine qui se vante, devant Marius, de savoir écrire joliment et sans fautes d'orthographe.
Chez Hugo, c'est Eponine qui se vante, devant Marius, de savoir écrire joliment et sans fautes d'orthographe.
_________________
- Publicité:
Mots croisés d'apprentissage - lecture et orthographe
Mamusique sur Bandcamp
Ecoutez mes chansons sur Soundcloud
- MamaVénérable
Exact !
On peut imaginer une déchéance soudaine. Anomalie intéressante à faire chercher aux élèves en tout cas. :-)
On peut imaginer une déchéance soudaine. Anomalie intéressante à faire chercher aux élèves en tout cas. :-)
- pseudo-intelloSage
La chute de Denise, c'est la mort de ses parents (avec ses frères à charge, surtout ; elle ne peut pas continuer à travailler dans le Sud tout en s'occupant du plus jeune).
Celle d'Eponine, c'est la mort de ses parents.
Edit : la ruine, bien sûr. Il était tard et mon cerveau a buggé.
Celle d'Eponine, c'est la mort de ses parents.
Edit : la ruine, bien sûr. Il était tard et mon cerveau a buggé.
- MamaVénérable
Oui, mais pour la nouvelle on en est réduit aux suppositions. :-)
Et lesdits parents, vivants, n'étaient pas forcément capables d'enseigner ou de payer l'enseignement...
Et lesdits parents, vivants, n'étaient pas forcément capables d'enseigner ou de payer l'enseignement...
- AphrodissiaMonarque
Il n'est pas étonnant qu'elle sache lire: la nouvelle a été écrite en 1870. Or, l'Etat, dès 1830, a invité les communes à se doter d'une école primaire pour filles, où les filles du peuple apprennent à lire, écrire, compter et coudre. Et avant cela, les congrégations religieuses s'occupaient déjà de dispenser cet enseignement. La statistique que j'ai lue (je n'ai pas cherché à l'époque à vérifier dans d'autres sources), c'est que 75 % des filles sont passées par cet enseignement dans la deuxième moitié du XIXe siècle.
Il faut se rappeler que Louise Michel est institutrice dès 1850 (elle n'enseigne pas aux garçons), que Victor Duruy a ouvert l'enseignement secondaire aux filles vers 1870 et Camille Sée a institué le lycée pour les filles en 1880 (avec un enseignement adapté à leur sexe, bien sûr) mais on peut comprendre que notre jeune fille sache lire même si c'est une fille du peuple et sans qu'elle ait forcément connu un déclassement.
Il faut se rappeler que Louise Michel est institutrice dès 1850 (elle n'enseigne pas aux garçons), que Victor Duruy a ouvert l'enseignement secondaire aux filles vers 1870 et Camille Sée a institué le lycée pour les filles en 1880 (avec un enseignement adapté à leur sexe, bien sûr) mais on peut comprendre que notre jeune fille sache lire même si c'est une fille du peuple et sans qu'elle ait forcément connu un déclassement.
_________________
Hominis mens discendo alitur et cogitando. (Cicéron)
Et puis les steaks ? Ça se rate toujours comme la tragédie. Mais à des degrés différents. (M. Duras)
- MauvetteÉrudit
J'ai l'habitude de faire écrire la suite aux élèves. Ça fonctionne bien en général.
_________________
Je vais bien, ne t'en fais pas
- DeliaEsprit éclairé
Aphrodissia a écrit:Il n'est pas étonnant qu'elle sache lire: la nouvelle a été écrite en 1870. Or, l'Etat, dès 1830, a invité les communes à se doter d'une école primaire pour filles, où les filles du peuple apprennent à lire, écrire, compter et coudre. Et avant cela, les congrégations religieuses s'occupaient déjà de dispenser cet enseignement. La statistique que j'ai lue (je n'ai pas cherché à l'époque à vérifier dans d'autres sources), c'est que 75 % des filles sont passées par cet enseignement dans la deuxième moitié du XIXe siècle.
Il faut se rappeler que Louise Michel est institutrice dès 1850 (elle n'enseigne pas aux garçons), que Victor Duruy a ouvert l'enseignement secondaire aux filles vers 1870 et Camille Sée a institué le lycée pour les filles en 1880 (avec un enseignement adapté à leur sexe, bien sûr) mais on peut comprendre que notre jeune fille sache lire même si c'est une fille du peuple et sans qu'elle ait forcément connu un déclassement.
C'est exact, mais cet enseignement n'était pas gratuit, ni obligatoire. Des parents préféraient envoyer leurs enfants à l'usine, dès cinq ans, pour les voir rapporter un salaire. Dans les Mystères de Paris, Fleur de Marie ne sait pas lire après avoir passé plusieurs années dans la maison d'apprentissage de Saint-Lazare.
_________________
Un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle.
Amadou Hampaté Ba
- AphrodissiaMonarque
Oui,voilà : il y a des personnages qui savent lire et d'autres qui ne le savent pas. Les deux sont possibles.Delia a écrit:Aphrodissia a écrit:Il n'est pas étonnant qu'elle sache lire: la nouvelle a été écrite en 1870. Or, l'Etat, dès 1830, a invité les communes à se doter d'une école primaire pour filles, où les filles du peuple apprennent à lire, écrire, compter et coudre. Et avant cela, les congrégations religieuses s'occupaient déjà de dispenser cet enseignement. La statistique que j'ai lue (je n'ai pas cherché à l'époque à vérifier dans d'autres sources), c'est que 75 % des filles sont passées par cet enseignement dans la deuxième moitié du XIXe siècle.
Il faut se rappeler que Louise Michel est institutrice dès 1850 (elle n'enseigne pas aux garçons), que Victor Duruy a ouvert l'enseignement secondaire aux filles vers 1870 et Camille Sée a institué le lycée pour les filles en 1880 (avec un enseignement adapté à leur sexe, bien sûr) mais on peut comprendre que notre jeune fille sache lire même si c'est une fille du peuple et sans qu'elle ait forcément connu un déclassement.
C'est exact, mais cet enseignement n'était pas gratuit, ni obligatoire. Des parents préféraient envoyer leurs enfants à l'usine, dès cinq ans, pour les voir rapporter un salaire. Dans les Mystères de Paris, Fleur de Marie ne sait pas lire après avoir passé plusieurs années dans la maison d'apprentissage de Saint-Lazare.
_________________
Hominis mens discendo alitur et cogitando. (Cicéron)
Et puis les steaks ? Ça se rate toujours comme la tragédie. Mais à des degrés différents. (M. Duras)
- [résolu] "À quoi ?" et "De quoi ?" sont-ils des tournures incorrectes ?
- 6è : A quoi ressemblent vos premières études de texte ?
- [Résolu] Je recherche un texte sur la tolérance ?
- [résolu] Référent culture en collège: de quoi s'agit-il ?
- [résolu] Je recherche un texte pour une évaluation sur les chevaliers (5e)
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum