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- MeddioNiveau 2
Je me suis fait inspecter en début d'année avec une classe de 5e.
L'inspection s'est bien passée pour tout ce qui a un rapport avec le déroulé de mon cours mais je me suis un peu accroché avec l'inspectrice sur une remarque faite à propos de mon projet annuel :
"On ne fait pas Dom Juan avec des 5e, il va falloir changer"
Précisions :
- Étude en œuvre intégrale
- Étude arrivant après Perceval ou le conte du Graal
- Étude se faisant dans le cadre de l'entrée du programme : "Avec autrui : familles, amis, réseaux"
Voici mes principaux arguments :
- L'intégration d'une œuvre dans une partie du programme dépend bien plus de l'axe d'étude choisi pour l’œuvre que de l’œuvre en elle-même
- A partir du moment où le sens propre n'est pas difficile à comprendre (à cause de la versification par exemple), on peut étudier l’œuvre à différents niveaux (il ne s'agit pas de faire du Lacan à des 5e), en témoigne la relecture d’œuvres qu'on appréhende différemment selon les âges (j'ai découvert Alcool d'Apollinaire à huit ans ... Je n'en ai évidemment pas eu la même lecture à 13, 19, et 29 ans !)
- Dire : on ne fait pas telle œuvre à telle classe (indépendamment de problèmes liés à la versification, à une longueur démesurée, etc.) revient à dire qu'il n'y a qu'un seul sens à une œuvre et que ce sens n'est accessible qu'à un âge donné, qu'à un niveau de culture donné. Il me semble qu'il y ait des choses à tirer de Dom Juan (ou d'autres) à tous les âges. En ce sens, étudier Dom Juan me paraît, par exemple, beaucoup plus simple que d'étudier Le Bourgeois gentilhomme (où deux intrigues sont imbriquées l'une dans l'autre) ou L’École des femmes (dont les vers peuvent rendre encore plus difficile la compréhension, car il ne s'agit plus seulement de contexte historique ou de vocabulaire)
- Nous avons étudié (entre autres choses) avec Perceval comment le personnage principal évoluait d'un héros n'écoutant que ses désirs, sans cadre ni identité, à un héros qui joue un rôle dans la communauté, qui en fait respecter les règles, qui ne la parasite plus mais répare ses fautes et participe à son organisation (qui est nécessaire pour ne pas que ce soit le chaos). L'étude de Dom Juan en tant que personne qui "teste" le cadre établi, qui se moque de l'ordre, et parasite une société à laquelle il doit en partie sa place, qui espère peut-être qu'on le punisse car tout aurait alors du sens, peut donc paraître cohérente. Comprendre qu'un ensemble social dans lequel tout le monde ne respecte pas les règles s'écroule peut aussi être important (Dom Juan est le produit de cet univers et fait plus figure de témoin que de coupable, à moins d'être un bouc émissaire).
- Étant à un âge où eux-mêmes testent règles et autorité, Dom Juan qui croit pouvoir ne rien respecter sans conséquences ou qui semble "tester" l'Autorité comme pour en déplorer l'absence peut trouver un écho certain chez nos élèves tout en justifiant l'importance du cadre de façon concrète. De plus Dom Juan peut être à rapprocher d'un élève imaginaire qui parasiterait le groupe classe pour plusieurs raisons possibles : il ne perçoit pas le sens global de tout cela, il trouve l'autorité du professeur illégitime, il voit que certains se permettent des choses en tout impunité alors il cesse de se retenir, il se "venge" des choses de n'être que ce qu'elles sont, du cadre d'être perfectibles, de l'autorité et des règles de n'être que convention et de ne pas être quelque chose d'absolu, quelque chose "en soi" (tout cela n'est que simplifications, et est encore simplifié dans mon cours, mais il s'agit de bien faire comprendre le personnage aux 5e).
- Je connais très bien Dom Juan (celui-ci et d'autres comme celui de Tirso de Molina et de Da Ponte et Mozart, j'ai aussi lu, sans la connaître aussi bien, la version de Byron) et je m'y suis beaucoup intéressé. Je suis donc bien plus performant pour parler de cette pièce que d'autres pièces et ça me semble très important, car parler d'une œuvre qui nous a passionné et avec laquelle on est très à l'aise est un réel plus pour transmettre et adapter ses connaissances.
- Enfin, pour l'avoir déjà expérimentée avec mes 5e de l'année dernière - 5e qui m'en reparlent parfois cette année (en 4e) et de façon pertinente - il me semble que cette séquence a - autant que je puisse en juger - bien fonctionné.
Les principaux arguments de l'inspectrice :
- Les élèves sont trop jeunes pour percevoir le "véritable" sens de Dom Juan
- Il est discutable que Dom Juan soit une comédie (or le programme impose une comédie du XVIIe siècle)
- Le public est trop défavorisé pour prendre conscience de ce dont je parle (j'ai répondu : "Au contraire ! Je dédierais beaucoup plus volontiers cette séquence aux élèves difficiles qu'aux autres !")
- Je surestime leur capacité de compréhension (pour avoir fait cette séquence l'année dernière et pour l'avoir quand même refaite cette année et l'avoir bien sûr évaluée de plusieurs façons ... Force est de constater que ce n'était pas le cas)
Comme j'ai été incapable de donner le "oui madame l'inspectrice" attendu, on en est resté à l'argument d'autorité que j'ai contesté et qui ne m'a pas satisfait. Je tiens à signaler que ce débat a été un vrai débat et qu'elle ne m'en a pas tenu rigueur dans son rapport (je veux dire que même si elle en parle - et apparemment, je n'accepterais pas les remarques - cela n'a pas occulté à ses yeux le déroulé de mon cours, de mon chapitre, et le reste de ce qui était positif : elle a donc fait preuve d'honnêteté intellectuelle).
Ceci dit, je vous demande votre avis : Dom Juan en 5e, qu'en pensez-vous ?
L'inspection s'est bien passée pour tout ce qui a un rapport avec le déroulé de mon cours mais je me suis un peu accroché avec l'inspectrice sur une remarque faite à propos de mon projet annuel :
"On ne fait pas Dom Juan avec des 5e, il va falloir changer"
Précisions :
- Étude en œuvre intégrale
- Étude arrivant après Perceval ou le conte du Graal
- Étude se faisant dans le cadre de l'entrée du programme : "Avec autrui : familles, amis, réseaux"
Voici mes principaux arguments :
- L'intégration d'une œuvre dans une partie du programme dépend bien plus de l'axe d'étude choisi pour l’œuvre que de l’œuvre en elle-même
- A partir du moment où le sens propre n'est pas difficile à comprendre (à cause de la versification par exemple), on peut étudier l’œuvre à différents niveaux (il ne s'agit pas de faire du Lacan à des 5e), en témoigne la relecture d’œuvres qu'on appréhende différemment selon les âges (j'ai découvert Alcool d'Apollinaire à huit ans ... Je n'en ai évidemment pas eu la même lecture à 13, 19, et 29 ans !)
- Dire : on ne fait pas telle œuvre à telle classe (indépendamment de problèmes liés à la versification, à une longueur démesurée, etc.) revient à dire qu'il n'y a qu'un seul sens à une œuvre et que ce sens n'est accessible qu'à un âge donné, qu'à un niveau de culture donné. Il me semble qu'il y ait des choses à tirer de Dom Juan (ou d'autres) à tous les âges. En ce sens, étudier Dom Juan me paraît, par exemple, beaucoup plus simple que d'étudier Le Bourgeois gentilhomme (où deux intrigues sont imbriquées l'une dans l'autre) ou L’École des femmes (dont les vers peuvent rendre encore plus difficile la compréhension, car il ne s'agit plus seulement de contexte historique ou de vocabulaire)
- Nous avons étudié (entre autres choses) avec Perceval comment le personnage principal évoluait d'un héros n'écoutant que ses désirs, sans cadre ni identité, à un héros qui joue un rôle dans la communauté, qui en fait respecter les règles, qui ne la parasite plus mais répare ses fautes et participe à son organisation (qui est nécessaire pour ne pas que ce soit le chaos). L'étude de Dom Juan en tant que personne qui "teste" le cadre établi, qui se moque de l'ordre, et parasite une société à laquelle il doit en partie sa place, qui espère peut-être qu'on le punisse car tout aurait alors du sens, peut donc paraître cohérente. Comprendre qu'un ensemble social dans lequel tout le monde ne respecte pas les règles s'écroule peut aussi être important (Dom Juan est le produit de cet univers et fait plus figure de témoin que de coupable, à moins d'être un bouc émissaire).
- Étant à un âge où eux-mêmes testent règles et autorité, Dom Juan qui croit pouvoir ne rien respecter sans conséquences ou qui semble "tester" l'Autorité comme pour en déplorer l'absence peut trouver un écho certain chez nos élèves tout en justifiant l'importance du cadre de façon concrète. De plus Dom Juan peut être à rapprocher d'un élève imaginaire qui parasiterait le groupe classe pour plusieurs raisons possibles : il ne perçoit pas le sens global de tout cela, il trouve l'autorité du professeur illégitime, il voit que certains se permettent des choses en tout impunité alors il cesse de se retenir, il se "venge" des choses de n'être que ce qu'elles sont, du cadre d'être perfectibles, de l'autorité et des règles de n'être que convention et de ne pas être quelque chose d'absolu, quelque chose "en soi" (tout cela n'est que simplifications, et est encore simplifié dans mon cours, mais il s'agit de bien faire comprendre le personnage aux 5e).
- Je connais très bien Dom Juan (celui-ci et d'autres comme celui de Tirso de Molina et de Da Ponte et Mozart, j'ai aussi lu, sans la connaître aussi bien, la version de Byron) et je m'y suis beaucoup intéressé. Je suis donc bien plus performant pour parler de cette pièce que d'autres pièces et ça me semble très important, car parler d'une œuvre qui nous a passionné et avec laquelle on est très à l'aise est un réel plus pour transmettre et adapter ses connaissances.
- Enfin, pour l'avoir déjà expérimentée avec mes 5e de l'année dernière - 5e qui m'en reparlent parfois cette année (en 4e) et de façon pertinente - il me semble que cette séquence a - autant que je puisse en juger - bien fonctionné.
Les principaux arguments de l'inspectrice :
- Les élèves sont trop jeunes pour percevoir le "véritable" sens de Dom Juan
- Il est discutable que Dom Juan soit une comédie (or le programme impose une comédie du XVIIe siècle)
- Le public est trop défavorisé pour prendre conscience de ce dont je parle (j'ai répondu : "Au contraire ! Je dédierais beaucoup plus volontiers cette séquence aux élèves difficiles qu'aux autres !")
- Je surestime leur capacité de compréhension (pour avoir fait cette séquence l'année dernière et pour l'avoir quand même refaite cette année et l'avoir bien sûr évaluée de plusieurs façons ... Force est de constater que ce n'était pas le cas)
Comme j'ai été incapable de donner le "oui madame l'inspectrice" attendu, on en est resté à l'argument d'autorité que j'ai contesté et qui ne m'a pas satisfait. Je tiens à signaler que ce débat a été un vrai débat et qu'elle ne m'en a pas tenu rigueur dans son rapport (je veux dire que même si elle en parle - et apparemment, je n'accepterais pas les remarques - cela n'a pas occulté à ses yeux le déroulé de mon cours, de mon chapitre, et le reste de ce qui était positif : elle a donc fait preuve d'honnêteté intellectuelle).
Ceci dit, je vous demande votre avis : Dom Juan en 5e, qu'en pensez-vous ?
- roxanneOracle
Je suis désolée mais je vais aller dans le sens de l’inspectrice. Je le fais en première, il faut déjà expliquer beaucoup d’éléments notamment le libertinage, sans parler de la fin. Effectivement, on peut presque tout faire à tout âge mais si c’est pour limiter l’etude et ne pas expliquer l’essentiel , est-ce utile?
- IzambardFidèle du forum
Des extraits de l'oeuvre , oui.
Par exemple, la scène de M. Dimanche, le portrait de DJ par Sgnanarelle me paraissent pertinents dans l'objectif d'analyser une comédie.
Par contre, je trouve que la question essentielle de la comédie classique, à savoir la satire des défauts et des moeurs, n'est pas bien éclairée par cette pièce. En effet, le ridicule de Dom Juan n'est pas évident. Je ne vois donc pas bien l'intérêt de l'étudier dans ce cadre en œuvre intégrale.
Que fais-tu apparaître ? Comment presentes-tu le libertinage ? L'impiété ?
Par exemple, la scène de M. Dimanche, le portrait de DJ par Sgnanarelle me paraissent pertinents dans l'objectif d'analyser une comédie.
Par contre, je trouve que la question essentielle de la comédie classique, à savoir la satire des défauts et des moeurs, n'est pas bien éclairée par cette pièce. En effet, le ridicule de Dom Juan n'est pas évident. Je ne vois donc pas bien l'intérêt de l'étudier dans ce cadre en œuvre intégrale.
Que fais-tu apparaître ? Comment presentes-tu le libertinage ? L'impiété ?
- DeliaEsprit éclairé
Le ridicule de dom Juan a fini par m'apparaitre : ce tombeur est obligé d'épouser pour mettre les femmes dans son lit. Est-ce que le duc de Nemours épouse, lui ?
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Un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle.
Amadou Hampaté Ba
- IzambardFidèle du forum
Il ne met pas la Princesse dans son lit.
Et voudrait l'épouser mais se prend un râteau.
J'en conclus qu'il n'est pas meilleur tombeur ni moins ridicule que Dom Juan !
Et voudrait l'épouser mais se prend un râteau.
J'en conclus qu'il n'est pas meilleur tombeur ni moins ridicule que Dom Juan !
- DeliaEsprit éclairé
Dom Juan est comme tous les grands rôles comiques de molière : un entêté et un aveugle. IL pourrait dire comme Arnolphe :
Prêchez, patrocinez jusqu’à la Pentecôte,
Vous serez ébahi, quand vous serez au bout,
Que vous ne m’aurez rien persuadé du tout
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- OudemiaBon génie
Izambard a écrit:Des extraits de l'oeuvre , oui.
Par exemple, la scène de M. Dimanche, le portrait de DJ par Sgnanarelle me paraissent pertinents dans l'objectif d'analyser une comédie.
Par contre, je trouve que la question essentielle de la comédie classique, à savoir la satire des défauts et des moeurs, n'est pas bien éclairée par cette pièce. En effet, le ridicule de Dom Juan n'est pas évident. Je ne vois donc pas bien l'intérêt de l'étudier dans ce cadre en œuvre intégrale.
Que fais-tu apparaître ? Comment presentes-tu le libertinage ? L'impiété ?
Que j'avais étudiée moi-même, en 6e, je crois.
- henrietteMédiateur
Je suis d'accord moi aussi avec ton IPR : hormis l'un ou l'autre extrait, Dom Juan n'est pas adapté à des 5e.
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"Il n'y a que ceux qui veulent tromper les peuples et gouverner à leur profit qui peuvent vouloir retenir les hommes dans l'ignorance."
- MeddioNiveau 2
@Roxanne : justement, l'idée est qu'il n'y aurait pas "d'essentiel" dans une œuvre ou alors qu'on pourrait ne le percevoir que par paliers. Le libertinage n'est pas expliqué en tant que tel. Voilà ce qui y correspondrait dans mon cours : il y a un ordre dont Dieu est le garant et qui est organisé par la religion (on parle par exemple de l'expression "monarchie de droit divin" qui implique que la hiérarchie, les places sociales, l'encadrement dépendent de ce "divin" ) et quiconque va à l'encontre de cet ordre religieux remet en cause tout l'ordre social (c'est simplifié mais ça me semble clair).
@Izambard : c'est, je pense, ce que voulait dire l'inspectrice en nuançant l'appartenance de Dom Juan à la comédie. Pour le libertinage et l'impiété, j'ai répondu au-dessus, et j'ajoute que je souligne bien l'importance de la religion. Pour le "Que fais-tu apparaître ?", était-ce précisé par "Le libertinage ?" et "L'impiété ?" ou attendais-tu une réponse à part entière ? Si oui, est-ce possible de préciser ?
@Delia : Dom Juan serait ridicule car malgré son libertinage affiché et assumé, il se sentirait quand même obligé d'avoir recours au mariage ?
J'ai conscience que tout cela est problématique et c'est bien pour ça que je pose la question : si ça me paraissait aussi aller de soi, je n'y repenserais plus. Il n'y a donc pas à être désolé de soutenir le point de vue de l'inspectrice car il est également défendable, (plus) légitime, et que je n'ai pas tranché moi-même, mais ça me travaille.
Edité : Donc les arguments sont :
- L'étudier en 5e, c'est passer à côté de beaucoup de choses (notion de ce qui serait "essentiel")
- La satire des défauts et de mœurs n'est pas assez saillante dans cette pièce
@Izambard : c'est, je pense, ce que voulait dire l'inspectrice en nuançant l'appartenance de Dom Juan à la comédie. Pour le libertinage et l'impiété, j'ai répondu au-dessus, et j'ajoute que je souligne bien l'importance de la religion. Pour le "Que fais-tu apparaître ?", était-ce précisé par "Le libertinage ?" et "L'impiété ?" ou attendais-tu une réponse à part entière ? Si oui, est-ce possible de préciser ?
@Delia : Dom Juan serait ridicule car malgré son libertinage affiché et assumé, il se sentirait quand même obligé d'avoir recours au mariage ?
J'ai conscience que tout cela est problématique et c'est bien pour ça que je pose la question : si ça me paraissait aussi aller de soi, je n'y repenserais plus. Il n'y a donc pas à être désolé de soutenir le point de vue de l'inspectrice car il est également défendable, (plus) légitime, et que je n'ai pas tranché moi-même, mais ça me travaille.
Edité : Donc les arguments sont :
- L'étudier en 5e, c'est passer à côté de beaucoup de choses (notion de ce qui serait "essentiel")
- La satire des défauts et de mœurs n'est pas assez saillante dans cette pièce
- IzambardFidèle du forum
Honnêtement je trouve ton choix inhabituel mais pas inconséquent. Je crois que tu as raison de penser que les élèves peuvent comprendre certaines choses, même dans ce que la pièce a de plus complexe, et je sais d'expérience comme tous les collègues que l'œuvre remporte bien souvent l'adhésion - du moins des lycéens mais après tout...
Le questionnement de l'inspectrice n'est pas illégitime, notamment si tu dois répondre de la conformité aux programmes, mais tu sembles y avoir trouvé tes réponses.
Je préfère continuer à penser qu' en matière de littérature on peut faire étudier n'importe quoi à n'importe qui, avec les approches et les arbitrages nécessaires.
Et pourquoi pas, finalement ?
Le questionnement de l'inspectrice n'est pas illégitime, notamment si tu dois répondre de la conformité aux programmes, mais tu sembles y avoir trouvé tes réponses.
Je préfère continuer à penser qu' en matière de littérature on peut faire étudier n'importe quoi à n'importe qui, avec les approches et les arbitrages nécessaires.
Et pourquoi pas, finalement ?
- roxanneOracle
Le problème aussi, c’est qu’ils risquent de retrouver la pièce au lycée .
- MeddioNiveau 2
Izambard a écrit:Je préfère continuer à penser qu' en matière de littérature on peut faire étudier n'importe quoi à n'importe qui, avec les approches et les arbitrages nécessaires.
J'envisage également les choses comme ça.
Si la bonne adéquation avec programme de 5e peut faire débat (on peut défendre avec pertinence le fait que Dom Juan y ait sa place comme le contraire, cependant on ne peut pas, il me semble, trancher de façon péremptoire et irrévocable), des éléments pragmatiques m'ont permis d'orienter la balance :
- J'adore cette pièce, je la maîtrise bien et donc, je suis performant avec elle et très à l'aise pour en parler
- Elle a été très bien reçue par les élèves qui sont intrigués par ce personnage qui semble ne rien respecter
@Roxanne : s'ils retrouvent la pièce, on peut penser qu'ils l'étudieront différemment - en tout cas, si j'avais à faire la pièce en 1ère, je ne l'envisagerais pas de la même façon.
- egometDoyen
Meddio a écrit:
Les principaux arguments de l'inspectrice :
- Les élèves sont trop jeunes pour percevoir le "véritable" sens de Dom Juan
- Il est discutable que Dom Juan soit une comédie (or le programme impose une comédie du XVIIe siècle)
- Le public est trop défavorisé pour prendre conscience de ce dont je parle (j'ai répondu : "Au contraire ! Je dédierais beaucoup plus volontiers cette séquence aux élèves difficiles qu'aux autres !")
- Je surestime leur capacité de compréhension (pour avoir fait cette séquence l'année dernière et pour l'avoir quand même refaite cette année et l'avoir bien sûr évaluée de plusieurs façons ... Force est de constater que ce n'était pas le cas)
Ceci dit, je vous demande votre avis : Dom Juan en 5e, qu'en pensez-vous ?
Dom Juan est assurément une pièce complexe. Le sujet est difficile et remue des questions morales qui peuvent être un peu prématurées avec des 5e. La pièce aurait plus sa place avec des lycéens.
Il est certain que les 5e sont un peu jeunes pour la comprendre. Après tout dépend de la façon dont tu es capable de les guider.
Pour son caractère de comédie, c'est une question complexe. Il est certain que la pièce en est une. Ce qui est délicat, c'est de savoir quelle est la cible de l'humour. Dom Juan apparaît beaucoup moins ridicule que ceux qui lui font la morale. Il n'y a guère que le pauvre et Elvire qui surnagent un peu. Et encore, tout dépend de la façon dont ces personnages sont joués. Quel est le sens de la pièce? Pas évident. Libertinage ou critique du libertinage? On peut même se demander si l'introduction du comique ne fait pas manquer le but recherché par Molière. C'est très intéressant pour réfléchir au sens de l'humour et sortir un peu du poncif selon lequel "l'humour permet de dénoncer les travers de la société". Mais je crois que c'est un peu trop pour une première approche du genre. J'aurais tendance à préférer une pièce moins ambiguë pour commencer. Je réserverais Dom Juan pour la suite.
La remarque de l'IPR sur les publics défavorisés est absolument lamentable.
Tu es la seule personne en mesure d'évaluer la situation et d'évaluer tes forces. On peut expliquer des choses incroyablement compliquées à un enfant, pour peu qu'on maîtrise son sujet et qu'on sache se mettre à sa portée. A priori, j'aurais envie de mettre en garde un professeur qui voudrait se lancer dans un tel projet. Mais puisque tu l'as déjà fait, nos avis sont caducs. Ce qui compte, c'est ton retour d'expérience.
_________________
Primum non nocere.
Ubi bene, ibi patria.
Mes livres, mes poèmes, réflexions pédagogiques: http://egomet.sanqualis.com/
- DeliaEsprit éclairé
Dom Juan est comique par l'écart entre sa prétention affichée d'être un grand séducteur et le procédé basique dont il use. Il est à la séduction ce que Matamore est au courage. Le chevalier de Lorraine (1643-1702), amant, entre autres, de Monsieur frère du roi et de la princesse de Monaco n'avait pas besoin d'épouser pour parvenir à ses fins. Dom Juan ne lui arrive pas à la cheville...@Delia : Dom Juan serait ridicule car malgré son libertinage affiché et assumé, il se sentirait quand même obligé d'avoir recours au mariage ?
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Amadou Hampaté Ba
- IphigénieProphète
Je pense qu'effectivement on peut tout faire, selon l'angle compatible avec le niveau.
Cela posé, c'est quand même très ennuyeux quand les élèves ont fait en collège des œuvres que l'on veut étudier en lycée: même si l'approche n'est pas la même, les élèves ont l'impression du déjà vu, et il est plus difficile de les faire approfondir.
On peut se dire aussi que c'est un peu de temps perdu, il y a tant d'oeuvres qu'ils ne feront jamais, c'est dommage de refaire les mêmes... Mais on peut se dire aussi qu'ils ne referont peut-être jamais Dom Juan et que c'est dommage qu'ils ignorent cette pièce...
C'est l"un des problèmes de ces programmes génériques, qui font que les parcours des œuvres littéraires au fil d'une scolarité n'ont plus aucune cohérence, que les élèves passent à côté de pans entiers, et font Dom Juan en 5e ou le malade imaginaire en 1e: pourquoi pas me direz-vous, mais c'est très réducteur, surtout quand ce n'est pas l'un et l'autre mais l'un ou l'autre, voire ni l'un ni l'autre...
Bref, en soi cela n'a rien de choquant, c'est la cohérence générale qui fait défaut...
Cela posé, c'est quand même très ennuyeux quand les élèves ont fait en collège des œuvres que l'on veut étudier en lycée: même si l'approche n'est pas la même, les élèves ont l'impression du déjà vu, et il est plus difficile de les faire approfondir.
On peut se dire aussi que c'est un peu de temps perdu, il y a tant d'oeuvres qu'ils ne feront jamais, c'est dommage de refaire les mêmes... Mais on peut se dire aussi qu'ils ne referont peut-être jamais Dom Juan et que c'est dommage qu'ils ignorent cette pièce...
C'est l"un des problèmes de ces programmes génériques, qui font que les parcours des œuvres littéraires au fil d'une scolarité n'ont plus aucune cohérence, que les élèves passent à côté de pans entiers, et font Dom Juan en 5e ou le malade imaginaire en 1e: pourquoi pas me direz-vous, mais c'est très réducteur, surtout quand ce n'est pas l'un et l'autre mais l'un ou l'autre, voire ni l'un ni l'autre...
Bref, en soi cela n'a rien de choquant, c'est la cohérence générale qui fait défaut...
- egometDoyen
Delia a écrit:Dom Juan est comme tous les grands rôles comiques de molière : un entêté et un aveugle. IL pourrait dire comme Arnolphe :
Prêchez, patrocinez jusqu’à la Pentecôte,
Vous serez ébahi, quand vous serez au bout,
Que vous ne m’aurez rien persuadé du tout
Le problème, c'est que le ridicule du personnage n'est pas flagrant dans le texte. Il est parfaitement possible de jouer un Dom Juan magnifique, qui ridiculise les donneurs de leçons. On a toutes les raisons de trouver des tas de défauts au personnage libertin. On a toutes les raisons de le considérer comme un salaud. Mais il serait facile de mettre les rieurs de son côté, comme de les mettre contre lui. Le deus ex machina ne facilite pas les choses. La condamnation venue de nulle part est facilement ridicule. Dès lors, ce n'est plus Dom Juan qui est condamné, mais ceux qui croient à l'Enfer. Franchement, la réplique de Sganarelle ("mes gages, mes gages") gâche tout. On peut faire de Dom Juan une sorte de héros athée. Terrible ambiguïté du rire!
Je pense que cette dernière interprétation est un contre-sens. Comme la pièce n'a pas suscité un scandale monstrueux à sa sortie, on peut supposer que Molière a su faire rire de son libertin. Mais il s'agit plus d'une performance d'acteur que d'une performance d'écrivain, à mon avis.
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- IphigénieProphète
le recours au mariage fait partie intégrante du défi de Dom Juan: ce qui est amusant, c'est de se jouer du sacrement. Ce n'est pas pour séduire qu'il épouse, c'est pour aller au bout du jeu.Delia a écrit:Dom Juan est comique par l'écart entre sa prétention affichée d'être un grand séducteur et le procédé basique dont il use. Il est à la séduction ce que Matamore est au courage. Le chevalier de Lorraine (1643-1702), amant, entre autres, de Monsieur frère du roi et de la princesse de Monaco n'avait pas besoin d'épouser pour parvenir à ses fins. Dom Juan ne lui arrive pas à la cheville...@Delia : Dom Juan serait ridicule car malgré son libertinage affiché et assumé, il se sentirait quand même obligé d'avoir recours au mariage ?
Pour autant Dom Juan est rendu antipathique par son hypocrisie: il faut inscrire la pièce dans l'enfilade de Tartuffe et du Misanthrope: au coeur de cette période c,est l'hypocrisie qui est visée aussi et qui fait de lui ce "grand seigneur méchant homme".
On a d'ailleurs dans la pièce une profgression, dans laquelle la séduction n'est que le premier degré, avant la lâcheté face au devoir d'honneur et l'hypocrisie face au père. Mais on peut penser que le personnage n'est pas tout à fait cohérent: écrit vite, volonté de ne pas trop défendre le libertin, pour ne pas donner à moudre aux dévots; la ligne du milieu ne tient pas toujours...
PS: pas de scandale monstrueux, la pièce? euh...................
- liskayaNeoprof expérimenté
Ou pas... mon fils a étudié les Fourberies en 5e et n'a plus jamais croisé Molière...roxanne a écrit:Le problème aussi, c’est qu’ils risquent de retrouver la pièce au lycée .
Je ne pense qu'on doive s'empêcher de travailler un texte pour cet argument-là, car on peut très bien aussi se dire que c'est peut-être la seule fois où ils étudierons tel ou tel titre ou auteur. Mieux vaut parfois travailler une œuvre deux fois que risquer de ne jamais la rencontrer. Je ne dis pas ça spécialement pour Don Juan...
Et puis, c'est aussi à nous de nous renseigner sur ce que nos élèves ont déjà lu et de nous adapter s'il le faut.
- IphigénieProphète
Iphigénie a écrit:Je pense qu'effectivement on peut tout faire, selon l'angle compatible avec le niveau.
Cela posé, c'est quand même très ennuyeux quand les élèves ont fait en collège des œuvres que l'on veut étudier en lycée: même si l'approche n'est pas la même, les élèves ont l'impression du déjà vu, et il est plus difficile de les faire approfondir.
On peut se dire aussi que c'est un peu de temps perdu, il y a tant d'oeuvres qu'ils ne feront jamais, c'est dommage de refaire les mêmes... Mais on peut se dire aussi qu'ils ne referont peut-être jamais Dom Juan et que c'est dommage qu'ils ignorent cette pièce...
C'est l"un des problèmes de ces programmes génériques, qui font que les parcours des œuvres littéraires au fil d'une scolarité n'ont plus aucune cohérence, que les élèves passent à côté de pans entiers, et font Dom Juan en 5e ou le malade imaginaire en 1e: pourquoi pas me direz-vous, mais c'est très réducteur, surtout quand ce n'est pas l'un et l'autre mais l'un ou l'autre, voire ni l'un ni l'autre...
Bref, en soi cela n'a rien de choquant, c'est la cohérence générale qui fait défaut...
Démonstration!liskaya a écrit:Ou pas... mon fils a étudié les Fourberies en 5e et n'a plus jamais croisé Molière...roxanne a écrit:Le problème aussi, c’est qu’ils risquent de retrouver la pièce au lycée .
ça par contre ça ne s'applique pas au lycée, vu le melting-pot des élèves, aux parcours extrêmement différents: s'il fallait s'adapter à tous les parcours, comment dire...Et puis, c'est aussi à nous de nous renseigner sur ce que nos élèves ont déjà lu et de nous adapter s'il le faut.
- egometDoyen
Iphigénie a écrit:
PS: pas de scandale monstrueux, la pièce? euh...................
Renseignements pris, la polémique apparaît après plusieurs semaines de représentation sans problèmes particuliers.
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- IphigénieProphète
Non, je ne crois pas: le texte a d'ailleurs dû être remanié plusieurs fois, et n'a été édité que post mortem, me semble-t-il....Enfin à vérifier tout ça,de mémoire!egomet a écrit:Iphigénie a écrit:
PS: pas de scandale monstrueux, la pièce? euh...................
Renseignements pris, la polémique apparaît après plusieurs semaines de représentation sans problèmes particuliers.
- IzambardFidèle du forum
Oui, d'ailleurs ce n'est qu'au XIXeme que le texte est réédité dans son intégralité (scène du pauvre inclus).
- egometDoyen
Iphigénie a écrit:Non, je ne crois pas: le texte a d'ailleurs dû être remanié plusieurs fois, et n'a été édité que post mortem, me semble-t-il....Enfin à vérifier tout ça,de mémoire!egomet a écrit:Iphigénie a écrit:
PS: pas de scandale monstrueux, la pièce? euh...................
Renseignements pris, la polémique apparaît après plusieurs semaines de représentation sans problèmes particuliers.
Ben justement: d'après Wikipédia (ça vaut ce que ça vaut), un libelle a provoqué la polémique après six semaines de représentations qui ont été un succès commercial. Apparemment, un bon paquet de gens ont vu la pièce sans s'offusquer. Par la suite, la polémique incite Molière à réviser son texte. Nous n'avons malheureusement pas d'enregistrement de la mise en scène, pour savoir exactement où Molière voulait en venir. Il est certain que le texte lui-même donne matière à scandale. Mais le sens de la pièce, ce n'est pas seulement le texte.
Ca me fait un peu penser au "scandale" que constituait pour certains critiques la Vie est belle de Benigni. Il était scandaleux de faire de l'humour sur la Shoah, sans se préoccuper de savoir quelle était précisément la cible de l'humour de Benigni.
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Primum non nocere.
Ubi bene, ibi patria.
Mes livres, mes poèmes, réflexions pédagogiques: http://egomet.sanqualis.com/
- IphigénieProphète
Dom Juan vient pour pallier l'interdiction du Tartuffe: les esprits sont déjà bien chauds, on attend Molière au tournant. D'un autre côté il faut bien que la troupe vive, Molière écrit vite, sur un sujet qui a déjà été traité par les auteurs espagnols, italiens, introduit en France par les comédiens italiens, repris par Dorimond, entre autre bien avant Molière, et justement, c'est celui de Molière qui fait scandale....
Excès de la dévotion, excès de l’impiété, et pour en finir, tentation du désert. ... des comédies, certes. Mais. Pas facile de vivre en société harmonieuse.
En fait, pour en revenir au sujet initial, ce qui me gênerait plut$ot selon le niveau, c'est plutôt un sentiment de frustration, tant cette pièce provoque d'interrogations et de contradictions.
C'est d'ailleurs la pièce qui répondait le mieux au programme de lycée sur" texte et représentation", parce que là il y a vraiment matière à interroger les mises en scènes,( d'où son succès d'abord, puis, tout succès ayant ses revers, sa mise à distance, un peu comme Candide: ça s'use aussi, les textes scolaires )
Excès de la dévotion, excès de l’impiété, et pour en finir, tentation du désert. ... des comédies, certes. Mais. Pas facile de vivre en société harmonieuse.
En fait, pour en revenir au sujet initial, ce qui me gênerait plut$ot selon le niveau, c'est plutôt un sentiment de frustration, tant cette pièce provoque d'interrogations et de contradictions.
C'est d'ailleurs la pièce qui répondait le mieux au programme de lycée sur" texte et représentation", parce que là il y a vraiment matière à interroger les mises en scènes,( d'où son succès d'abord, puis, tout succès ayant ses revers, sa mise à distance, un peu comme Candide: ça s'use aussi, les textes scolaires )
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