Colloque sur les valeurs de la France, sous le patronage de J-M Blanquer

Le 23 mars aura lieu un colloque à la Sorbonne, rassemblant des officiers de l'armée, des chefs d'entreprise et des huiles de l'EN.
Il va falloir nous mettre à jour pour les cours de morale, les valeurs de la France sont en train d'évoluer...

Véronique Servat a écrit:A propos d'un colloque annoncé pour le 23 mars sous la tutelle de Jean-Michel Blanquer, en Sorbonne, consacré à "la défense les valeurs de la France" avec un casting pour le moins désastreux et un projet politique et éducatif qui ne l'est pas moins.

Nul doute que les programmes d’EMC et que le nouvel enseignement du lycée appelé à suppléer l’ECJS et une partie de l’histoire-géographie sauront prochainement bénéficier des retombées fécondes de cette journée de colloque, car personne n’est dupe ici, il s’agit bien de préparer l’avenir. Un avenir sous la férule de l’ordre, de la norme, du culte de l’entreprise et de la réussite, aux antipodes des valeurs de liberté, de solidarité et d’égalité inscrites dans la Constitution.

Le programme de cette journée est à lire dans cet article, et ça fait peur.
https://blogs.mediapart.fr/edition/aggiornamento-histoire-geo/article/060218/l-hiver-s-est-abattu-sur-la-france-comme-ce-colloque-sur-ses-valeurs

Vservat a écrit:Un avenir sous la férule de l’ordre, de la norme, du culte de l’entreprise et de la réussite, aux antipodes des valeurs de liberté, de solidarité et d’égalité inscrites dans la Constitution.

En principe, ce sont des principes. L'abandon du mot au profit de valeur concourt à les affaiblir.

Ce sont bien des valeurs; les principes de la République sont "République indivisible, démocratique, laïque et sociale"

Je maintiens : ce sont des principes. C'est-à-dire que la République fait un peu plus que valoriser la liberté, la fraternité et l'égalité, normalement. Elle en fait sa base.

Je regrette effectivement ce casting exclusivement masculin, qui n'est même pas représentatif de l'armée puisqu'elle est aujourd'hui bien mixte.
Je n'ai pas vu mention de "normes" qu'il faudrait fixer", et là aussi, il convient d'être prudent, mais pour le reste, je ne vois pas en quoi la liberté, l'égalité et la fraternité seraient menacées par l'ordre et la morale. La "fraternité" aurait bien besoin d'un peu de sens de la collectivité et de respect de l'autre, en voie de disparition, à commencer par les écoles où on enseigne l'impunité dès la maternelle, au corps défendant des enseignants. Quant à la solidarité, elle s'exerce bien plus facilement quand on a les moyens de la mettre en pratique.
Mais libre à vous de me considérer comme une horrible réac à banderole rose.
(Entre parenthèses, la liberté s'accommode mal du fait de ne pas être libre, précisément, de penser certaines choses aujourd'hui, au nom de la bien-pensance politiquement correcte.)

Ce qui est inquiétant dans ce colloque c'est moins son orientation idéologique, libéralisme économique combiné avec ordre et morale patriarcale, que cette volonté décomplexée de vouloir redéfinir de "nouvelles" valeurs légitimes pour "la France" qui semblent en rupture avec les valeurs ou principes "officiels" de liberté, égalité et fraternité. Sans porter un jugement normatif pour ou contre l'ordre, le libéralisme économique ou je ne sais quoi d'autre, il est intéressant de constater à la lecture de l'article, que la réflexion amorcée par ce colloque semble aller au delà de la seule ambition de promouvoir ou de défendre une idéologie mais d'essayer de changer la façon de penser des jeunes en légitimant d'autres valeurs plus conformes à celles de l'entreprise ou de l'armée.

Le casting de ce colloque indique qu'il ne s'agit pas d'un débat mais d'une discussion sur comment imposer la légitimité des valeurs (pourrait-on dire réactionnaires?) du groupe (hommes blancs de 50 ans et plus, patronat, armée) si possible dès l'école.

Oui, passer de principes à des valeurs est assez inquiétant, en effet.
D'ailleurs, valeur, vertu ou... compétence ?

Les valeurs et les principes sont clairement définis dans la Constitution.
Mais ça c'était avant ?...

Sans préjuger de ce qui sortira de ce colloque, que je n'entends pas défendre bec et ongles, simplement je suis agacée qu'on le ridiculise a priori- s'agira t-il de changer la façon de penser des jeunes,  de leur donner l'occasion de penser à ce qu'ils pourraient être au lieu de penser à ce qu'ils voudraient avoir, de définir de nouvelles valeurs ou d'en retrouver qui ont été un peu trop oubliées, voire galvaudées? A suivre.

Une anecdote qui m'a beaucoup énervée avant les vacances : une de mes collègues a lancé un projet ambitieux et intéressant sur la Boite à Joujoux de Claude Debussy, plusieurs de mes élèves -qui ont 8 ans- ont demandé si cela passerait à a TV ou sur Youtube. C'est apparemment la seule chose qui les intéresse, avec gagner de l'argent vite, facilement, en faisant n'importe quoi qui se voit. Voila exactement le genre de valeurs que j'aimerais bien voir disparaître au profit du véritable effort.

On va peut-être enfin réussir à avoir une définition de ce concept.

C'est assez signifiant que ce soit la ministre des armées (notez qu'on ne dit plus défense, on s'enorgueillit de pouvoir attaquer désormais) qui ferme la journée. Exactement au même moment où Macron veut mener à la baguette les jeunes avec un nouveau service militaire. Et rendre l’État juge du Vrai et du Faux avec sa loi pour la Vérité. C'est étrangement cohérent, tout ça.
Cette fusion d'ordre moral sous la férule des militaires et de libéralisme débridé sous celle des patrons n'est pas nouvelle, on me dira. Mais je dois dire que je n'avais pas du tout anticipé cette facette chez Macron. Je croyais qu'il n'était obsédé que par l'argent et le pouvoir. En fait il est aussi obsédé par le contrôle, jusque dans les bouches (délit d'opinion dans la loi qui fait passer l'état d'urgence dans le droit commun, heureusement censuré par le CC + "fausses nouvelles" à chasser) et les têtes (service militaire + Valeurs édictées par l’État).

Je ne m'attendais pas forcément non-plus à une dérive autoritaire avec Macron même si on pouvait percevoir un mélange de codes "traditionnels" verticalité, homme providentiel, avec un phénomène nouveau de mobilisation d'une partie de la société civile libérale et d'un pladoyer à contre-courant pour "plus d'Europe".

C'est très intéressant ce qui se passe en tout cas, et oui Zagara je suis d'accord, il y a une certaine cohérence. Je dois dire que quelque part je suis fasciné par la virtuosité de ce nouveau gouvernement à apparaître à apparaître à la fois aux yeux d'une partie de l'opinion comme moderne et progressiste tout en menant résolument une politique néolibérale et sécuritaire en contradiction avec les enseignements de la crise financière et les enjeux écologiques.

Mais je peux me tromper, cela reste "complexe", il semble néanmoins se dessiner une vision plus "régalienne" de l'Etat assorti de nouvelles prérogatives pour contrôler et diffuser l'information tout en prenant plus d'influence idéologique sur l'éducation. Dans le même temps les prérogatives économiques et sociales devraient de réduire.

Je dois reconnaître un certain pouvoir de séduction des détenteurs du pouvoir pour vendre cette "vision" ainsi que l'existence d'une véritable stratégie d'ensemble pour atteindre les objectifs. Un peu comme dans une grande entreprise.

Mener les jeunes à la baguette, férule des militaires... Je ne sais pas si c'est une bonne solution, mais ces termes sont un peu exagérés. A vous entendre, ce serait le retour de Pinochet !

Leodagan a écrit:Mener les jeunes à la baguette, férule des militaires... Je ne sais pas si c'est une bonne solution, mais ces termes sont un peu exagérés. A vous entendre, ce serait le retour de Pinochet !

Oh, non, juste de l'ordre moral. Gardons le sens de la mesure.

En ce moment, le truc qui me fait marrer, c'est cette phrase de la loi sur l'expulsion des étrangers :

Au quatrième alinéa, les mots : « le demandeur » sont remplacés par les mots : « l’étranger » et, après le mot : « asile », sont insérés les mots : « ou de l’exécution de la décision de transfert » ;

Les humains venant d'autres pays n'ont plus la qualité de gens demandeurs de droits et de justice équitable pour tous. Ce ne sont plus que des "étrangers". C'est anecdotique mais ça me laisse songeuse.
L'asile n'est plus la norme, il est secondé par un transfert. Presque comme pour des animaux à vrai dire. J'adore cette subtilité toute administrative et froide. Chaque mot compte en politique.

J'espère qu'il y aura une table ronde sur cette Valeur de la France.

Ceux qui s'étonnent, rappelez-vous des premières images : Macron sur un tank, Macron en treuil depuis un hélicoptère vers un sous-marin... sans parler de sa marche solitaire au Louvre le soir de sa victoire.

Je ne suis absolument pas étonné. C'est le retour des vieilles castes françaises qui reprennent le pouvoir : les patrons, les officiers et les notables provinciaux. L'attaque contre les statuts des fonctionnaires n'est qu'un début.

Eric Mestrallet. Deux mots qui déclenchent une crise d'urticaire.

Fesseur Pro a écrit:Les valeurs et les principes sont clairement définis dans la Constitution.
Mais ça c'était avant ?...

Dans la quoi ???

Et bien, Macron l'aura son armée de chômeurs obligés de répondre à toutes les sollicitations de Pôle Emploi pour les divers travaux des divers patrons de diverses entreprises.