- User17706Bon génie
Ah mais je suis d'accord avec l'ensemble de ces derniers constats : des objectifs « éducatifs » ont mordu et mordent encore (le Supérieur s'y met ! ) sur les objectifs légitimes de l'institution scolaire en général, de sorte qu'il donne bien davantage l'impression de vouloir former des gens sympa et cool que de vouloir instruire (ce qui devrait être son but principal et intouchable, sinon l'unique).Euthyphron a écrit:Le problème c'est le deuxième point. Les choses se sont bien dégradées depuis Bourdieu.Zagara a écrit:Si on suit Bourdieu, dans les grandes lignes :
1/ le processus scolaire de création ou de reproduction d'inégalités est inconscient : les acteurs croient tous bien faire, agir pour le bien du plus grand nombre, etc.
2/ il existe de vraies opportunités de mérite pour les gens des classes inférieures, la promotion sociale par l'école existe (c'est d'ailleurs la dernière qui existe aujourd'hui), même si la majeure partie de la population est dans un état de reproduction sociale.
3/ l'école n'est pas le seul moteur de reproduction sociale, et son potentiel de promotion sociale est entravé, ou annulé, par des moteurs d'inégalités très puissants extérieurs à elle (notamment le fait que l'environnement familial est par définition incontrôlable et inégalitaire).
Pauvre Yorick, peux-tu préciser tes objections? Pour ma part, j'ajouterai afin d'éviter tout malentendu qu'aucune théorie du complot ne me paraît nécessaire pour expliquer la situation. Il suffit de noter que les objectifs de promotion sociale par l'école et de formation des intelligences ne sont pas ceux des politiques éducatives depuis vingt ans. En revanche, tout ce qui a une efficacité policière quelconque (y compris au bon sens du terme) est valorisé : intégration, morale citoyenne, spots en faveur de l'enseignement professionnel, lutte contre la violence, etc.
Il y a une grande différence entre faire ces constats et approuver le discours de Delia, qui fait de la de création d'un sous-prolétariat docile par élimination des moins performants et préservation des écarts entre héritiers et non-héritiers non pas un effet de reproduction bourdieusien, mais l'objectif intentionnellement recherché, si ce n'est par l'ensemble de l'institution, du moins par ceux qui la pilotent. (Peut-être est-ce ce que tu appelles « théorie du complot ».)
L'écart est même si grand, entre ces deux discours, qu'il est comparable, je pense qu'une seconde de réflexion suffit à le voir, à celui qui existe entre darwinisme et créationnisme. (C'est pourquoi j'ai demandé si la lettre du propos correspondait bien à l'intention de signification.)
- User17706Bon génie
Ah et pendant que j'y suis, je ne peux pas parler à la place d'Elyas, d'autant que je n'ai pas toujours l'impression de comprendre ce qu'il dit, mais là, je veux bien parier que ce qu'il voulait dire est très, très différent de ce qui a été lu.
Si je comprends bien, Elyas veut faire deux choses : [1] souligner — et je ne vois pas comment on peut lui donner tort sur ce point — que la notion de mérite est susceptible d'un usage idéologique (ce qui ne veut pas dire, là c'est moi qui l'ajoute, qu'elle ne soit susceptible que de cet usage) ; et [2] souligner également que sélectionner les élèves par la porte logique « réussite / échec » ne devrait pas se faire dans des domaines et sur des questions où il serait légitime de se donner l'ambition de les faire tous ou presque réussir (c'est-à-dire pas les équations aux dérivées partielles, on est d'accord, mais des choses bien plus élémentaires). Là non plus, si c'est bien ce qu'il voulait dire, je ne vois pas comment on pourrait lui donner tort.
Tu additionnes les deux et tu vois bien comment des réussites ponctuelles « au mérite » peuvent servir d'alibi (les autres ne l'ont pas, le fameux mérite, puisqu'ils n'ont pas réussi) pour s'excuser de n'avoir pas l'ambition d'apprendre mieux à tout le monde.
Si je comprends bien, Elyas veut faire deux choses : [1] souligner — et je ne vois pas comment on peut lui donner tort sur ce point — que la notion de mérite est susceptible d'un usage idéologique (ce qui ne veut pas dire, là c'est moi qui l'ajoute, qu'elle ne soit susceptible que de cet usage) ; et [2] souligner également que sélectionner les élèves par la porte logique « réussite / échec » ne devrait pas se faire dans des domaines et sur des questions où il serait légitime de se donner l'ambition de les faire tous ou presque réussir (c'est-à-dire pas les équations aux dérivées partielles, on est d'accord, mais des choses bien plus élémentaires). Là non plus, si c'est bien ce qu'il voulait dire, je ne vois pas comment on pourrait lui donner tort.
Tu additionnes les deux et tu vois bien comment des réussites ponctuelles « au mérite » peuvent servir d'alibi (les autres ne l'ont pas, le fameux mérite, puisqu'ils n'ont pas réussi) pour s'excuser de n'avoir pas l'ambition d'apprendre mieux à tout le monde.
- ZagaraGuide spirituel
Ben oui la sélection/orientation ne doit pas commencer avant, au plus tôt, mettons la cinquième (niveau d'orientation/sélection aux Pays-Bas), mais tout le monde est d'accord là dessus, non ?
Je n'ai jamais entendu quelqu'un dire que le concept de mérite ou de sélection devaient s'appliquer aux élèves de primaire. :lol: Pour eux, l'objectif (y compris de la droite représentée par M. Blanquer) est de les faire tous réussir dans les domaines fondamentaux (lire/écrire/compter/savoirs ultra fondamentaux). Parce que sans cette panoplie, on ne peut pas faire son job de citoyen de démocratie correctement.
Je n'ai jamais entendu quelqu'un dire que le concept de mérite ou de sélection devaient s'appliquer aux élèves de primaire. :lol: Pour eux, l'objectif (y compris de la droite représentée par M. Blanquer) est de les faire tous réussir dans les domaines fondamentaux (lire/écrire/compter/savoirs ultra fondamentaux). Parce que sans cette panoplie, on ne peut pas faire son job de citoyen de démocratie correctement.
- User17706Bon génie
Je suppose ; mais force est de constater qu'en troisième année de licence bien des points du programme de cinquième ne sont pas acquis. C'est pourquoi je suis resté prudemment vague en parlant de « choses élementaires » sans les corréler à un niveau d'enseignement plutôt qu'à un autre.Zagara a écrit:Ben oui la sélection/orientation ne doit pas commencer avant, au plus tôt, mettons la cinquième (niveau d'orientation/sélection aux Pays-Bas), mais tout le monde est d'accord là dessus, non ?
Apprendre mieux à tout le monde, ça peut être par exemple apprendre les opérations arithmétiques comme le GRIP le suggère ; en finir avec l'idée qu'on apprend sa propre langue dès lors qu'on vit dans le pays et qu'un enseignement raisonné de la grammaire est donc inutile ; etc.
Même si on décide de n'orienter qu'à quinze ans, si on le fait sur des lacunes accumulées depuis le CE1... voilà l'idée en gros
- DeliaEsprit éclairé
PauvreYorick a écrit:
Il y a une grande différence entre faire ces constats et approuver le discours de Delia, qui fait de la de création d'un sous-prolétariat docile par élimination des moins performants et préservation des écarts entre héritiers et non-héritiers non pas un effet de reproduction bourdieusien, mais l'objectif intentionnellement recherché, si ce n'est par l'ensemble de l'institution, du moins par ceux qui la pilotent. (Peut-être est-ce ce que tu appelles « théorie du complot ».)
L'écart est même si grand, entre ces deux discours, qu'il est comparable, je pense qu'une seconde de réflexion suffit à le voir, à celui qui existe entre darwinisme et créationnisme. (C'est pourquoi j'ai demandé si la lettre du propos correspondait bien à l'intention de signification.)
Sans doute me suis-je mal exprimée, mais il faut bien constater que c'est ainsi que les choses fonctionnent et que personne ne cherche à y changer quoi que ce soit, depuis l'an 1000 : Gerbert d'Aurillac, le petit pâtre devenu le pape Sylvestre II, cela ne vous dit rien ?
Jules Ferry avait pur objectif de promouvoir la République. Déjà sous le Second Empire, il militait pour l'instruction des filles, non pour le bien des filles mais pour les soustraire à l'influence de l'Eglise. Il n'a pas (beaucoup) touché à l'enseignement secondaire entièrement voué à la reproduction de la bourgeoisie et a fait porter tout son effort sur l'enseignement primaire obligatoire et gratuit. Les instituteurs se conduisaient en missionnaires, missionnaires de la République et de la Revanche. L'école usinait des électeurs et les soldats qui reprendraient l'Alsace et la Lorraine. Aux meilleurs élèves on octroyait la bourse qui leur permettrait d'aller grossir les rangs des dirigeants, promotion au mérite, donc. Au mérite et au compte-goutte : au mythique certificat d'études, non seulement tous les candidats n'étaient pas reçus mais encore les instituteurs ne présentaient pas tous leurs élèves. Ils triaient pour n'aligner que les meilleurs poulains.
Jules Ferry avait pur objectif de promouvoir la République. Déjà sous le Second Empire, il militait pour l'instruction des filles, non pour le bien des filles mais pour les soustraire à l'influence de l'Eglise. Il n'a pas (beaucoup) touché à l'enseignement secondaire entièrement voué à la reproduction de la bourgeoisie et a fait porter tout son effort sur l'enseignement primaire obligatoire et gratuit. Les instituteurs se conduisaient en missionnaires, missionnaires de la République et de la Revanche. L'école usinait des électeurs et les soldats qui reprendraient l'Alsace et la Lorraine. Aux meilleurs élèves on octroyait la bourse qui leur permettrait d'aller grossir les rangs des dirigeants, promotion au mérite, donc. Au mérite et au compte-goutte : au mythique certificat d'études, non seulement tous les candidats n'étaient pas reçus mais encore les instituteurs ne présentaient pas tous leurs élèves. Ils triaient pour n'aligner que les meilleurs poulains.
L'objectif intentionnellement recherché était bien la reproduction.
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- EuthyphronNiveau 6
C'est bien ainsi que je vois les choses. Mais je ne vois pas du tout en quoi cela s'oppose à la promotion sociale des plus doués parmi les défavorisés, bien au contraire. Si on ne leur apprend pas correctement la langue française, comment peuvent-ils faire?PauvreYorick a écrit:Apprendre mieux à tout le monde, ça peut être par exemple apprendre les opérations arithmétiques comme le GRIP le suggère ; en finir avec l'idée qu'on apprend sa propre langue dès lors qu'on vit dans le pays et qu'un enseignement raisonné de la grammaire est donc inutile ; etc.Zagara a écrit:Ben oui la sélection/orientation ne doit pas commencer avant, au plus tôt, mettons la cinquième (niveau d'orientation/sélection aux Pays-Bas), mais tout le monde est d'accord là dessus, non ?
- ElyasEsprit sacré
Euthyphron a écrit:Je ne veux pas polémiquer et ne met pas en doute tes bonnes intentions, mais si je te suis bien tu ne veux pas de promotion sociale par l'école pour les pauvres aux capacités intellectuelles supérieures. Cela te paraît aller contre l'égalité. C'est bien ça?Elyas a écrit:
Le problème est qu'on met en avant les "pauvres" qui réussissent en disant qu'ils sont méritants pour continuer à justifier la construction des parcours sociologiques (échec scolaire et reproduction sociale) de l'immense masse des autres "pauvres". Construire une politique scolaire sur le mérite serait revenir/rester à un état insatisfaisant de la société française du point de vue de l'école, de l'apprentissage et de l'enseignement.
La révolution scolaire qu'il faudrait devrait être double : revoir les programmes et donner les moyens à l'école pour que tous les enfants s'approprient les enseignements scolaires et non pas perpétuer les parcours sociologiques de réussite et d'échec.
Je trouve qu'il y a là matière à réflexion. Il se trouve que je pense exactement le contraire, et je crois que ce clivage est essentiel.
L'idéologie méritocratique est tellement ancrée dans la pensée française qu'on lit de travers ceux qui montrent que cette méritocratie est devenue un piège qui empêche justement la promotion sociale des classes inférieures en laissant filtrer quelques rares éléments seulement.
L'idée de "mérite" est liée à une élite et à une idéologie sociétale. On est méritant qu'au regard de ceux qui jugent le dit mérite. Si on considère comme méritant quelqu'un qui gagne 20 000 euros par mois et qu'une personne en temps partiel avec 800 euros et des horaires décalés qui ne peut pas suivre la scolarité de ses enfants est considérée comme une moins que rien qui fout en l'air la vie de ses enfants (tiens, des trucs qu'on entend tout le temps en ce moment, même chez notre Président jupitérien), alors effectivement, je suis contre ce type de société.
L'école n'a pas à créer la hiérarchie sociale. Elle est là pour donner les connaissances et les langages qui permettent de comprendre, d'expérimenter et de vivre le monde.
Si on veut une société juste où chacun est reconnu pour ce qu'il est, l'école doit se donner les moyens de donner connaissances et langages suffisants pour vivre en homme/femme libre et conscient(e) de ses actes. On en est loin.
- ElyasEsprit sacré
PauvreYorick a écrit:Ah et pendant que j'y suis, je ne peux pas parler à la place d'Elyas, d'autant que je n'ai pas toujours l'impression de comprendre ce qu'il dit, mais là, je veux bien parier que ce qu'il voulait dire est très, très différent de ce qui a été lu.
Si je comprends bien, Elyas veut faire deux choses : [1] souligner — et je ne vois pas comment on peut lui donner tort sur ce point — que la notion de mérite est susceptible d'un usage idéologique (ce qui ne veut pas dire, là c'est moi qui l'ajoute, qu'elle ne soit susceptible que de cet usage) ; et [2] souligner également que sélectionner les élèves par la porte logique « réussite / échec » ne devrait pas se faire dans des domaines et sur des questions où il serait légitime de se donner l'ambition de les faire tous ou presque réussir (c'est-à-dire pas les équations aux dérivées partielles, on est d'accord, mais des choses bien plus élémentaires). Là non plus, si c'est bien ce qu'il voulait dire, je ne vois pas comment on pourrait lui donner tort.
Tu additionnes les deux et tu vois bien comment des réussites ponctuelles « au mérite » peuvent servir d'alibi (les autres ne l'ont pas, le fameux mérite, puisqu'ils n'ont pas réussi) pour s'excuser de n'avoir pas l'ambition d'apprendre mieux à tout le monde.
On est d'accord sauf sur un point. On ne va pas se contenter des choses élémentaires sinon on prend le risque de perpétuer la reproduction sociale légitimée par quelques rares exemples de "mérite".
- EuthyphronNiveau 6
Un héritier n'est pas "méritant".
Je parle de promotion sociale pour les pauvres par l'école. Donc, bien sûr, cela inclut la possibilité de changer de classe sociale, de gagner 20000 euros par mois pourquoi pas, si la société dans laquelle s'effectue cette promotion la manifeste ainsi.
Eh bien si, je tiens que c'est aussi une fonction de l'école, et essentielle, que de permettre cela. Et je crois fermement que le fait qu'un tel objectif ait été abandonné n'est pas pour rien dans le malaise de l'enseignement public français, et aussi de la démocratie.
Encore une fois, cela ne s'oppose pas du tout à la volonté de former les esprits, bien au contraire.
Je parle de promotion sociale pour les pauvres par l'école. Donc, bien sûr, cela inclut la possibilité de changer de classe sociale, de gagner 20000 euros par mois pourquoi pas, si la société dans laquelle s'effectue cette promotion la manifeste ainsi.
Eh bien si, je tiens que c'est aussi une fonction de l'école, et essentielle, que de permettre cela. Et je crois fermement que le fait qu'un tel objectif ait été abandonné n'est pas pour rien dans le malaise de l'enseignement public français, et aussi de la démocratie.
Encore une fois, cela ne s'oppose pas du tout à la volonté de former les esprits, bien au contraire.
- William FosterExpert
Mais je croyais que la dernière réforme avait été celle de la "réussite pour tous". On m'aurait menti ? :triste4:
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- User17706Bon génie
Il n'y aura pas d'indice de désaccord sur ce point non plus, tant qu'il n'y aura pas eu de définition de l'orbe de l'élémentaireElyas a écrit:PauvreYorick a écrit:Ah et pendant que j'y suis, je ne peux pas parler à la place d'Elyas, d'autant que je n'ai pas toujours l'impression de comprendre ce qu'il dit, mais là, je veux bien parier que ce qu'il voulait dire est très, très différent de ce qui a été lu.
Si je comprends bien, Elyas veut faire deux choses : [1] souligner — et je ne vois pas comment on peut lui donner tort sur ce point — que la notion de mérite est susceptible d'un usage idéologique (ce qui ne veut pas dire, là c'est moi qui l'ajoute, qu'elle ne soit susceptible que de cet usage) ; et [2] souligner également que sélectionner les élèves par la porte logique « réussite / échec » ne devrait pas se faire dans des domaines et sur des questions où il serait légitime de se donner l'ambition de les faire tous ou presque réussir (c'est-à-dire pas les équations aux dérivées partielles, on est d'accord, mais des choses bien plus élémentaires). Là non plus, si c'est bien ce qu'il voulait dire, je ne vois pas comment on pourrait lui donner tort.
Tu additionnes les deux et tu vois bien comment des réussites ponctuelles « au mérite » peuvent servir d'alibi (les autres ne l'ont pas, le fameux mérite, puisqu'ils n'ont pas réussi) pour s'excuser de n'avoir pas l'ambition d'apprendre mieux à tout le monde.
On est d'accord sauf sur un point. On ne va pas se contenter des choses élémentaires sinon on prend le risque de perpétuer la reproduction sociale légitimée par quelques rares exemples de "mérite".
- CelebornEsprit sacré
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- User17706Bon génie
Si, mais je peine à voir en quoi c'est décisif dans la conversation que je le connaisse ou pas, ou que vous le connaissiez, ou pasDelia a écrit: Gerbert d'Aurillac, le petit pâtre devenu le pape Sylvestre II, cela ne vous dit rien ?
Ma question s'adressait en fait à Euthyphron, notez bien.
Ah mais ils ne peuvent pas, j'imagine que personne n'est assez fou pour le nier.Euthyphron a écrit:[...] je ne vois pas du tout en quoi cela s'oppose à la promotion sociale des plus doués parmi les défavorisés, bien au contraire. Si on ne leur apprend pas correctement la langue française, comment peuvent-ils faire?
J'imagine que personne n'est assez fou non plus pour s'opposer à la promotion sociale des plus doués parmi les défavorisés : je crois en revanche qu'un clivage existe entre ceux qui pensent que l'ingénierie sociale obtient à peu près systématiquement les résultats qu'elle recherche et rien que ceux-là, et ceux (parmi lesquels j'ai tendance à me ranger) qui tentent de mesurer la distance qui peut séparer les plans des « techniciens à épure », pour citer Gracq, et les effets réellement produits dans une société donnée.
Par exemple, il faudrait être inconscient pour nier que l'école (la façon dont on y agit, la façon dont la société agit vis-à-vis d'elle et de ses produits) contribue à influencer l'état des hiérarchies sociales (et tout autant pour nier qu'il se soit trouvé des gens pour tâcher de se servir de l'école comme levier pour agir sur ces hiérarchies sociales, que soit d'ailleurs pour les préserver ou les bousculer). De là à dire que c'est sa fonction, il y a, j'allais dire un abîme, mais le mot serait trop faible. De même entre les intentions des pilotes et les résultats qu'ils obtiennent.
À titre personnel, je suis persuadé que l'école remplira d'autant mieux sa fonction qu'on lui assignera moins d'objectifs extra-scolaires (comme faire disparaître les inégalités sociales, faire de gentils moutons, de la chair à canon, etc.). Et je suis également persuadé qu'elle fera, incidemment, beaucoup plus pour la réduction des inégalités sociales quand on cessera de l'utiliser comme un moyen pour cet objectif.
- User17706Bon génie
Si je fais partie des obscurs, il faut me dire où j'obscure, que je tâche d'y remédierCeleborn a écrit:Je comprends strictement rien à ce que vous racontez…
- William FosterExpert
PauvreYorick a écrit:Il n'y aura pas d'indice de désaccord sur ce point non plus, tant qu'il n'y aura pas eu de définition de l'orbe de l'élémentaire
Okay, je m'y colle :
Élémentaire : adj. qual., tellement simple que même le Docteur Watson peut le comprendre.
Plus sérieusement, les notions d'élémentaire, de revenu minimum, de seuil de pauvreté (y compris intellectuelle), de mérite... ne risquent pas être absolument définies dans un proche avenir, pisque leur subjectivité permet à bien des gens d'échapper à leurs responsabilités (voire à leur réalité). Il faudra qu'on continue de faire avec ces mots gloubi-boulgaïens. :|
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- User17706Bon génie
@William Foster : je voulais simplement dire que le constat d'un désaccord, en l'espèce, reposait sur l'hypothèse suivant laquelle Elyas et moi mettions à peu près la même chose là-dessous, ce qui, comme tu le soulignes, n'avait rien d'évident.
(Cf. la phrase d'origine: plus élémentaire que les EDP, ça peut ratisser large.)
(Cf. la phrase d'origine: plus élémentaire que les EDP, ça peut ratisser large.)
- DeliaEsprit éclairé
Pure question rhétorique, pour atténuer la pédanterie de la référence.PauvreYorick a écrit:Si, mais je peine à voir en quoi c'est décisif dans la conversation que je le connaisse ou pas, ou que vous le connaissiez, ou pasDelia a écrit: Gerbert d'Aurillac, le petit pâtre devenu le pape Sylvestre II, cela ne vous dit rien ?
Le cas de Gerbert prouve l'ancienneté du mécanisme de reproduction sociale avec écrémage des meilleurs esprits du petit peuple.
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- William FosterExpert
On est d'accord sur l'impossibilité d'un accord.PauvreYorick a écrit:@William Foster : je voulais simplement dire que le constat d'un désaccord, en l'espèce, reposait sur l'hypothèse suivant laquelle Elyas et moi mettions à peu près la même chose là-dessous, ce qui, comme tu le soulignes, n'avait rien d'évident.
(Cf. la phrase d'origine: plus élémentaire que les EDP, ça doit ratisser large.)
Non, attends, qu'est-ce que je dis ?... Rah ! J'ai l'impression de dire une bêtise... Peut-être même que je dis un didactique tellement c'est bête ma phrase
Et oui, il y a plus élémentaire que les EDP, mais au moins sont-elles, elles, bien définies. Et certaines offrent même des solutions !
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- CelebornEsprit sacré
PauvreYorick a écrit:Si je fais partie des obscurs, il faut me dire où j'obscure, que je tâche d'y remédierCeleborn a écrit:Je comprends strictement rien à ce que vous racontez…
Surtout pas, je comprendrais encore moins… :aaq:
En revanche, on est bien d'accord que tout ça n'a qu'un lien très ténu avec le sujet du fil de discussion, non ?
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- Thalia de GMédiateur
Tout à fait. Mais c'est le propre de Neo de continuer en digressions, qui peuvent être fort intéressantes, une fois effectué le tour du sujet.Celeborn a écrit:PauvreYorick a écrit:Si je fais partie des obscurs, il faut me dire où j'obscure, que je tâche d'y remédierCeleborn a écrit:Je comprends strictement rien à ce que vous racontez…
Surtout pas, je comprendrais encore moins… :aaq:
En revanche, on est bien d'accord que tout ça n'a qu'un lien très ténu avec le sujet du fil de discussion, non ?
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Le printemps a le parfum poignant de la nostalgie, et l'été un goût de cendres.
Soleil noir de mes mélancolies.
- User17706Bon génie
Oh, mais on trouverait sans mal foule d'exemples y compris plus anciens. Personne, en tout état de cause, ne nie la réalité du phénomène ; ce n'est pas d'hier, et ce n'est pas davantage un scoop, qu'un enfant de capacités médiocres a de bien plus grandes chances de réussir si sa famille et riche et puissante que si elle est pauvre et sans appuis, avec tout ce qui s'ensuit.Delia a écrit:Pure question rhétorique, pour atténuer la pédanterie de la référence.PauvreYorick a écrit:Si, mais je peine à voir en quoi c'est décisif dans la conversation que je le connaisse ou pas, ou que vous le connaissiez, ou pasDelia a écrit: Gerbert d'Aurillac, le petit pâtre devenu le pape Sylvestre II, cela ne vous dit rien ?
Le cas de Gerbert prouve l'ancienneté du mécanisme de reproduction sociale avec écrémage des meilleurs esprits du petit peuple.
Mais voilà que, sensible à la détresse de Celeborn, je me dis que ces deux dernières phrases aussi doivent être beaucoup trop longues et beaucoup trop compliquées, et je vais donc m'éloigner à petits pas
- OlympiasProphète
Une ancienne IG de lettres a bien dit il y a quelques années qu'on avait toute la vie pour apprendre à lire ...
- Isis39Enchanteur
Celeborn a écrit:Je comprends strictement rien à ce que vous racontez…
Ouf, tu me rassures.
- archebocEsprit éclairé
Delia a écrit:PauvreYorick a écrit:Il y a une grande différence entre faire ces constats et approuver le discours de Delia, qui fait de la de création d'un sous-prolétariat docile par élimination des moins performants et préservation des écarts entre héritiers et non-héritiers non pas un effet de reproduction bourdieusien, mais l'objectif intentionnellement recherché, si ce n'est par l'ensemble de l'institution, du moins par ceux qui la pilotent. (Peut-être est-ce ce que tu appelles « théorie du complot ».)
L'écart est même si grand, entre ces deux discours, qu'il est comparable, je pense qu'une seconde de réflexion suffit à le voir, à celui qui existe entre darwinisme et créationnisme. (C'est pourquoi j'ai demandé si la lettre du propos correspondait bien à l'intention de signification.)Sans doute me suis-je mal exprimée, mais il faut bien constater que c'est ainsi que les choses fonctionnent et que personne ne cherche à y changer quoi que ce soit, depuis l'an 1000 : Gerbert d'Aurillac, le petit pâtre devenu le pape Sylvestre II, cela ne vous dit rien ?
Jules Ferry avait pur objectif de promouvoir la République. Déjà sous le Second Empire, il militait pour l'instruction des filles, non pour le bien des filles mais pour les soustraire à l'influence de l'Eglise. Il n'a pas (beaucoup) touché à l'enseignement secondaire entièrement voué à la reproduction de la bourgeoisie et a fait porter tout son effort sur l'enseignement primaire obligatoire et gratuit. Les instituteurs se conduisaient en missionnaires, missionnaires de la République et de la Revanche. L'école usinait des électeurs et les soldats qui reprendraient l'Alsace et la Lorraine. Aux meilleurs élèves on octroyait la bourse qui leur permettrait d'aller grossir les rangs des dirigeants, promotion au mérite, donc. Au mérite et au compte-goutte : au mythique certificat d'études, non seulement tous les candidats n'étaient pas reçus mais encore les instituteurs ne présentaient pas tous leurs élèves. Ils triaient pour n'aligner que les meilleurs poulains.L'objectif intentionnellement recherché était bien la reproduction.
L'objectif était clairement le contraire de la reproduction :
- l'école primaire devait apprendre à des paysans et des ouvriers des choses que leurs parents ne savaient pas
- l'école primaire devait extraire de ces milieux sociaux les meilleurs élèves, pour produire l'élite de la nation.
- quant au lycée qui n'a pas été réformé, au minimum le ministère a régulièrement fait pression sur les proviseurs pour qu'ils garantissent l'organisation des examens de passage dans la classe supérieure, et que les mauvais élèves, même issus de la bourgeoisie, soient renvoyés dans leur famille.
Donc je trouve cette vision de Jules Ferry simplement grotesque.
- EuthyphronNiveau 6
Mais si justement, puisque tel est le cas! Tel est le résultat des politiques éducatives depuis vingt ans, et j'ai du mal à croire qu'il n'y ait pas de rapport entre l'effet et l'intention.PauvreYorick a écrit:
J'imagine que personne n'est assez fou non plus pour s'opposer à la promotion sociale des plus doués parmi les défavorisés.
Bon, on peut chicaner sur "opposer". Remplace par "contrarier" ou "empêcher". Mais cela ne change rien sur le fond.
Il ne s'agit pas d'instrumentaliser l'école pour en faire le laboratoire de la société future, ni pour décider de quelconques quotas par exemple, mais de respecter le contrat social. S'il n'y a rien à attendre de l'école en termes de progression sociale, sa valeur éducative perd fortement en crédibilité.PauvreYorick a écrit:À titre personnel, je suis persuadé que l'école remplira d'autant mieux sa fonction qu'on lui assignera moins d'objectifs extra-scolaires (comme faire disparaître les inégalités sociales, faire de gentils moutons, de la chair à canon, etc.). Et je suis également persuadé qu'elle fera, incidemment, beaucoup plus pour la réduction des inégalités sociales quand on cessera de l'utiliser comme un moyen pour cet objectif.
Je ne sais pas mais bon, prenons un exemple tout bête : il y a des endroits en France où on manque de médecins par exemple, médecin est un métier valorisant, et qui implique des études longues et sélectives, donc pourquoi ne pas insister auprès des milieux défavorisés pour leur suggérer cette orientation? Non, on préfère leur dire de faire un bac pro. C'est-à-dire non pas quelque chose d'infamant ou de mauvais en soi, mais enfin quelque chose qu'aucun riche n'accepte pour ses enfants.
Merci archeboc de rappeler les ambitions de l'école voulue par Jules Ferry, même si tout le monde les connaît une piqûre de rappel ne fait pas de mal.
- DeliaEsprit éclairé
l'école primaire devait extraire de ces milieux sociaux les meilleurs élèves, pour produire l'élite de la nation.archeboc a écrit:
L'objectif était clairement le contraire de la reproduction :
- l'école primaire devait apprendre à des paysans et des ouvriers des choses que leurs parents ne savaient pas
- l'école primaire devait extraire de ces milieux sociaux les meilleurs élèves, pour produire l'élite de la nation.
- quant au lycée qui n'a pas été réformé, au minimum le ministère a régulièrement fait pression sur les proviseurs pour qu'ils garantissent l'organisation des examens de passage dans la classe supérieure, et que les mauvais élèves, même issus de la bourgeoisie, soient renvoyés dans leur famille.
Donc je trouve cette vision de Jules Ferry simplement grotesque.
C'est très exactement ce que moi j'appelle la reproduction : l'élite de la nation se reproduit par la naissance ou l'adoption. Par le tri dans les lycées, par l'écrémage des meilleurs esprits paysans ou ouvriers, pour que l'élite soit vraiment la crème de la crème.
Bref, tu confirmes ce que je dis point par point, nous avons exactement la même vision.
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Amadou Hampaté Ba
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