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- AmaliahEmpereur
Comme chaque année, je commence ma séquence sur l'écriture de soi par le préambule de Rousseau et comme chaque année, je ne suis pas satisfaite de ma séance : je trouve que ça part dans tous les sens et que je ne fais pas assez travailler les élèves sur le texte.
Et vous, comment vous y prenez-vous?
Et vous, comment vous y prenez-vous?
- Voici en gros ce que je fais:
- On note le titre de la séance au tableau :Le préambule des Confessions de Rousseau.Et on commente les trois mots (préface / connotations religieuses, aveu de péché dans le but d'en être pardonné / philosophe du temps des Lumières, 1ère autobiographie en français).
Puis je lis le texte, le relis en expliquant ce qui peut poser problème (on explique le mot "entreprise", je fais, par exemple, relever les GN qui désignent Dieu).
Je demande à quoi on voit qu'il s'agit d'un texte autobiographique, les élèves relèvent l'omniprésence de la première personne et on commente le passage de "je" à "moi" et notamment la phrase "Moi seul." => Vanité de l'auteur.
De quoi va parler cette œuvre ? De lui-même.
On explique la différence entre biographie et autobiographie.
Je demande aux élèves s'ils peuvent écrire leur autobiographie. Un élève m'a répondu aujourd'hui que ce n'était pas possible, qu'ils n'étaient pas au bout de leur vie.
Je fais donc relever la date de publication : on explique la rédaction en fin de vie et ici, la publication à titre posthume du texte.
Je leur demande ensuite quel genre de textes ils peuvent écrire s'ils veulent parler d'eux-mêmes. Certains évoquent le journal intime et on explique la principale différence entre une autobiographie et un journal intime.
Trace écrite : la définition de l'autobiographie selon Philippe Lejeune.
Puis on relève une phrase qui montre le projet de Rousseau et on relève le CC "dans toute la vérité de la nature" et le mot "sincérité" qui apparaît à la fin du texte.
2e trace écrite : l'explication du pacte autobiographique.
A l'oral, on explique pourquoi le pacte autobiographique n'est pas toujours respecté (honte, volonté d'embellir certains épisodes, défaillances de la mémoire...).
On finit par une brève conclusion qui explique le projet de Rousseau et caractérise le ton du texte.
Trois mots de voc notés dans la séance : posthume - détracteurs - hautain / vaniteux / arrogant / orgueilleux.
- DerborenceModérateur
Je fais aussi relever et analyser les figures de style et jeux sur le rythme.
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"La volonté permet de grimper sur les cimes ; sans volonté on reste au pied de la montagne." Proverbe chinois
"Derborence, le mot chante triste et doux dans la tête pendant qu’on se penche sur le vide, où il n’y a plus rien, et on voit qu’il n’y a plus rien."
Charles-Ferdinand Ramuz, Derborence
- MarillionEsprit éclairé
Je l'analyse toujours en comparaison avec l'incipit des Essais afin de confronter les raisons qui poussent l'un et l'autre à écrire leur autobio, la modestie du projet de l'un à l'orgueil de l'autre. C'est dans un vieux Belin il me semble.
Et après ma lecture analytique (1h30 à peu près), je leur donne le texte à apprendre (les 2 premiers paragraphes).
Et après ma lecture analytique (1h30 à peu près), je leur donne le texte à apprendre (les 2 premiers paragraphes).
- henrietteMédiateur
Je trouve que s'arrêter à la vision de Rousseau vaniteux, hautain, arrogant, orgueilleux, qui est en effet celle que perçoivent de prime abord les élèves, c'est un peu réducteur, et c'est là que j'approfondirais l'étude du texte.
Il y a une analyse intéressante, je trouve, à faire sur l'intime conviction de différence qu'éprouve Rousseau ("je suis autre"), et la façon dont il l'exprime syntaxiquement dans le texte : lui // les hommes, "sentir"//"connaître", ses "semblables" mais avec lesquels il a si peu en commun. (A opposer avec un Montaigne qui porte en lui-même la forme de l'humaine condition).
Singularité de l'homme --> singularité de l’œuvre (commenter l'usage des temps dans la 1e phrase, par exemple).
Je n'arriverais à Lejeune qu'en toute fin d'étude, car sinon, tu risques de t'éloigner trop tôt des spécificités du texte de Rousseau.
Il y a une analyse intéressante, je trouve, à faire sur l'intime conviction de différence qu'éprouve Rousseau ("je suis autre"), et la façon dont il l'exprime syntaxiquement dans le texte : lui // les hommes, "sentir"//"connaître", ses "semblables" mais avec lesquels il a si peu en commun. (A opposer avec un Montaigne qui porte en lui-même la forme de l'humaine condition).
Singularité de l'homme --> singularité de l’œuvre (commenter l'usage des temps dans la 1e phrase, par exemple).
Je n'arriverais à Lejeune qu'en toute fin d'étude, car sinon, tu risques de t'éloigner trop tôt des spécificités du texte de Rousseau.
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"Il n'y a que ceux qui veulent tromper les peuples et gouverner à leur profit qui peuvent vouloir retenir les hommes dans l'ignorance."
- Reine MargotDemi-dieu
Oui, attention de bien insister aussi sur l'aspect défensif du texte: c'est un plaidoyer, Rousseau se défend contre un certain nombre d'accusations portées contre lui,
contre l'idée que ses ennemis propagent de lui, puisque certains (dont Voltaire avec le Sentiment des Citoyens) essayent de noircir son image pour la postérité.
Puisqu'on essaie de travestir son véritable être, Rousseau essaie de rétablir la vérité: est-il possible de se connaître (c'est là le sens du "moi seul": se prendre soi-même comme objet d'étude)? Ce faisant, il incite le lecteur à en faire de même: "rassemble autour de moi l'inombrable foule de mes semblables...que chacun d'eux découvre au pied de ton trône son coeur".
Ne pas oublier l'aspect profondément religieux: il s'agit se se purifier de ses fautes par l'aveu (et Rousseau ira loin dans ses aveux, donnant de lui une image pas toujours reluisante), mais aussi d'un emprunt à la tradition de l'examen de conscience protestant.
contre l'idée que ses ennemis propagent de lui, puisque certains (dont Voltaire avec le Sentiment des Citoyens) essayent de noircir son image pour la postérité.
Puisqu'on essaie de travestir son véritable être, Rousseau essaie de rétablir la vérité: est-il possible de se connaître (c'est là le sens du "moi seul": se prendre soi-même comme objet d'étude)? Ce faisant, il incite le lecteur à en faire de même: "rassemble autour de moi l'inombrable foule de mes semblables...que chacun d'eux découvre au pied de ton trône son coeur".
Ne pas oublier l'aspect profondément religieux: il s'agit se se purifier de ses fautes par l'aveu (et Rousseau ira loin dans ses aveux, donnant de lui une image pas toujours reluisante), mais aussi d'un emprunt à la tradition de l'examen de conscience protestant.
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Quand tout va mal, quand il n'y a plus aucun espoir, il nous reste Michel Sardou
La famille Bélier
- AmaliahEmpereur
Merci pour ces premières remarques.
J'ai longtemps fait comparer le texte de Montaigne et celui de Rousseau mais depuis deux ans, par manque de temps, je ne fais plus que celui de Rousseau.
D'accord avec toi, Henriette, sur le fait que ce texte me sert à voir les caractéristiques du texte autobiographique aux dépens de ses spécificités.
L'an dernier, un élève m'avait dit que ce texte ressemblait à de la poésie et en fait on avait davantage parlé des rythmes, des oppositions. J'aurais dû reprendre cette idée, mais quand personne ne le voit spontanément, j'ai l'impression de leur tirer les vers du nez.
Une élève m'a demandé pourquoi la mère des enfants de Rousseau avait accepté de les abandonner. Qu'auriez-vous répondu?
Enfin, jeudi, on passera à mon 2e texte sur lequel l'étude passe toute seule : la chasse aux pommes!
J'ai longtemps fait comparer le texte de Montaigne et celui de Rousseau mais depuis deux ans, par manque de temps, je ne fais plus que celui de Rousseau.
D'accord avec toi, Henriette, sur le fait que ce texte me sert à voir les caractéristiques du texte autobiographique aux dépens de ses spécificités.
L'an dernier, un élève m'avait dit que ce texte ressemblait à de la poésie et en fait on avait davantage parlé des rythmes, des oppositions. J'aurais dû reprendre cette idée, mais quand personne ne le voit spontanément, j'ai l'impression de leur tirer les vers du nez.
Une élève m'a demandé pourquoi la mère des enfants de Rousseau avait accepté de les abandonner. Qu'auriez-vous répondu?
Enfin, jeudi, on passera à mon 2e texte sur lequel l'étude passe toute seule : la chasse aux pommes!
- DesolationRowEmpereur
Je ne suis plus très au courant des nouveautés en critique littéraire : on est toujours obligé de passer par P. Lejeune pour parler d'autobiographie ?
- henrietteMédiateur
Amaliah a écrit:Merci pour ces premières remarques.
J'ai longtemps fait comparer le texte de Montaigne et celui de Rousseau mais depuis deux ans, par manque de temps, je ne fais plus que celui de Rousseau.
D'accord avec toi, Henriette, sur le fait que ce texte me sert à voir les caractéristiques du texte autobiographique aux dépens de ses spécificités.
L'an dernier, un élève m'avait dit que ce texte ressemblait à de la poésie et en fait on avait davantage parlé des rythmes, des oppositions. J'aurais dû reprendre cette idée, mais quand personne ne le voit spontanément, j'ai l'impression de leur tirer les vers du nez.
Une élève m'a demandé pourquoi la mère des enfants de Rousseau avait accepté de les abandonner. Qu'auriez-vous répondu?
Enfin, jeudi, on passera à mon 2e texte sur lequel l'étude passe toute seule : la chasse aux pommes!
En en leur demandant de proposer une mise en voix du texte ?
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"Il n'y a que ceux qui veulent tromper les peuples et gouverner à leur profit qui peuvent vouloir retenir les hommes dans l'ignorance."
- SphinxProphète
DR : je crois que oui. Son ouvrage phare date un peu mais il a publié des mises à jour
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An education was a bit like a communicable sexual disease. It made you unsuitable for a lot of jobs and then you had the urge to pass it on. - Terry Pratchett, Hogfather
"- Alors, Obélix, l'Helvétie c'est comment ? - Plat."
- DesolationRowEmpereur
Merci Sphinx ; c'est un peu la poisse, ce livre, non ? C'était quand même pas ultra-stimulant, et toutes les études sur l'autobiographie le citent comme un Evangile
- nitescenceÉrudit
Amaliah a écrit:Merci pour ces premières remarques.
J'ai longtemps fait comparer le texte de Montaigne et celui de Rousseau mais depuis deux ans, par manque de temps, je ne fais plus que celui de Rousseau.
D'accord avec toi, Henriette, sur le fait que ce texte me sert à voir les caractéristiques du texte autobiographique aux dépens de ses spécificités.
L'an dernier, un élève m'avait dit que ce texte ressemblait à de la poésie et en fait on avait davantage parlé des rythmes, des oppositions. J'aurais dû reprendre cette idée, mais quand personne ne le voit spontanément, j'ai l'impression de leur tirer les vers du nez.
Une élève m'a demandé pourquoi la mère des enfants de Rousseau avait accepté de les abandonner. Qu'auriez-vous répondu?
Enfin, jeudi, on passera à mon 2e texte sur lequel l'étude passe toute seule : la chasse aux pommes!
Ben la même chose que Rousseau : vu leur indigence, ils ont pensé qu'il valait mieux les abandonner pour leur bien, pour qu'ils puissent mieux être accueillis...
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Mordre. Mordre d'abord. Mordre ensuite. Mordre en souriant et sourire en mordant. (avec l'aimable autorisation de Cripure, notre dieu à tous)
- SphinxProphète
DesolationRow a écrit:Merci Sphinx ; c'est un peu la poisse, ce livre, non ? C'était quand même pas ultra-stimulant, et toutes les études sur l'autobiographie le citent comme un Evangile
C'est vrai que je l'ai relu vite fait pendant les vacances et pour commencer, ça me semble complètement inutilisable pour des 3e à moins de recourir à la version très résumée qu'en a publiée Lejeune lui-même sur son site web (qui n'est pas top). Maintenant, dans le rectificatif publié 20 ans après, il y a quand même des choses intéressantes, notamment le fait qu'il souligne lui-même les limites de son ouvrage et notamment le fait que sa définition de l'autobiographie soit très Rousseau-centrée.
- Spoiler:
- Mais il a au moins permis à un de mes latinistes de faire une super blague en me demandant si le prénom de ce monsieur P. Lejeune était Pline, et rien que pour ça,
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"- Alors, Obélix, l'Helvétie c'est comment ? - Plat."
- AmaliahEmpereur
J'ai aussi lu que Rousseau pensait qu'il valait mieux qu'ils soient élevés par l'assistance publique plutôt que par la famille de sa femme, ce qui m'a laissé penser que c'est la décision de Rousseau plutôt que de sa femme. Mais je n'ai pas trouvé plus de détails.
- Spoiler:
- Et j'ai horreur de Rousseau depuis que j'ai dû subir ses Dialogues avec lui-même dans un programme d'agrég...
- thrasybuleDevin
Je n'ai pas encore lu le terme "agaçant', il revient souvent au sujet de Rousseau.
- IsidoriaDoyen
J'y pensais justement mais je dirais horripilant personnellement
Rousseau juge de Jean Jacques a tué Rousseau chez cette génération...
Bon et puis abandonner ses enfants... les élèves ont bien vu le problème, c'est un bon point de départ.
Désolée, je ne réponds en rien à la question initiale.
Rousseau juge de Jean Jacques a tué Rousseau chez cette génération...
Bon et puis abandonner ses enfants... les élèves ont bien vu le problème, c'est un bon point de départ.
Désolée, je ne réponds en rien à la question initiale.
- User17706Bon génie
Bah, tout le monde en veut à Rousseau parce qu'il est quasiment le seul francophone doté d'un cerveau au XVIIIe...
- LeodaganFidèle du forum
Bon conseiller pour les précepteurs, excellent herboriste.
- IsidoriaDoyen
Touche pas à Choderlos de Laclos. Même s'il ne joue pas exactement dans la même cour.PauvreYorick a écrit:Bah, tout le monde en veut à Rousseau parce qu'il est quasiment le seul francophone doté d'un cerveau au XVIIIe...
- User17706Bon génie
(J'avoue, j'ai failli troller un brin, là.)
- IsidoriaDoyen
mais l'on s'égare...tout ça c'est la faute de Thracy
- Reine MargotDemi-dieu
On laisse Jean-Jacques tranquille! Sinon je mords!
Bon sinon pour la question des enfants disons qu'on peut répondre comme dit plus haut par l'argument de la pauvreté, mais au fond ce n'en est pas un, des tas de familles étaient aussi pauvres et n'abandonnaient pas leurs enfants. En réalité la vraie raison est qu'il y a un gouffre entre l'un des philosophes les plus brillants du siècle et une simple lingère illettrée, et que Thérèse dépendait énormément de Rousseau, qui subvenait à ses besoins et à ceux de la "tribu" Levasseur. Elle n'avait pas vraiment les moyens de faire ses valises et de partir avec son enfant sous le bras...Et comptons aussi avec le fait qu'au XVIIIe siècle une femme ayant un enfant hors mariage était mise au ban de la société, et Rousseau n'a épousé Thérèse que sur le tard. C'est d'ailleurs l'argument que Rousseau donne à Thérèse lors de l'abandon du 1er enfant, sa "réputation".
Bon sinon pour la question des enfants disons qu'on peut répondre comme dit plus haut par l'argument de la pauvreté, mais au fond ce n'en est pas un, des tas de familles étaient aussi pauvres et n'abandonnaient pas leurs enfants. En réalité la vraie raison est qu'il y a un gouffre entre l'un des philosophes les plus brillants du siècle et une simple lingère illettrée, et que Thérèse dépendait énormément de Rousseau, qui subvenait à ses besoins et à ceux de la "tribu" Levasseur. Elle n'avait pas vraiment les moyens de faire ses valises et de partir avec son enfant sous le bras...Et comptons aussi avec le fait qu'au XVIIIe siècle une femme ayant un enfant hors mariage était mise au ban de la société, et Rousseau n'a épousé Thérèse que sur le tard. C'est d'ailleurs l'argument que Rousseau donne à Thérèse lors de l'abandon du 1er enfant, sa "réputation".
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Quand tout va mal, quand il n'y a plus aucun espoir, il nous reste Michel Sardou
La famille Bélier
- DesolationRowEmpereur
Moi je dirais quand même que tant qu'à lire les Confessions, autant lire l'original plutôt que les piètres contrefaçons. Mais tout le monde est libre de préférer le Beaujolais nouveau au Château d'Yquem.
- Reine MargotDemi-dieu
DesolationRow a écrit:Moi je dirais quand même que tant qu'à lire les Confessions, autant lire l'original plutôt que les piètres contrefaçons. Mais tout le monde est libre de préférer le Beaujolais nouveau au Château d'Yquem.
De quelles contrefaçons parles-tu?
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Quand tout va mal, quand il n'y a plus aucun espoir, il nous reste Michel Sardou
La famille Bélier
- MinaNiveau 10
Je m'incruste... Je pense que DR considère les Confessions de Rousseau comme une contrefaçon des Confessions de St Augustin, me trompé-je?
- DesolationRowEmpereur
Mina a écrit:Je m'incruste... Je pense que DR considère les Confessions de Rousseau comme une contrefaçon des Confessions de St Augustin, me trompé-je?
Non.
Bon, cela dit, personne n'est obligé de me prendre au sérieux, sur ce coup
Même si je le suis.
Un peu.
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