- yranohHabitué du forum
Est-ce que l'un d'entre vous saurait à quoi fait précisément référence Montaigne dans la phrase suivante : "Mais tant y a que ni en ce lieu-là, ni en plusieurs autres, où les Espagnols ne trouvèrent les marchandises qu'ils cherchaient, ils ne firent arrêt ni entreprise : quelque autre commodité qu'il y eut : témoin mes Cannibales " ?
Je me doute bien qu'il fait référence aux Cannibales du chapitre I, 30, mais je ne vois pas la référence précise.
J'ai un autre problème : je n'arrive pas à comprendre l'intérêt de cette phrase, dans l'ensemble du texte. Si vous avez une idée...
Je me doute bien qu'il fait référence aux Cannibales du chapitre I, 30, mais je ne vois pas la référence précise.
J'ai un autre problème : je n'arrive pas à comprendre l'intérêt de cette phrase, dans l'ensemble du texte. Si vous avez une idée...
- RyuzakiNiveau 9
Pour la référence, je ne sais pas, mais la phrase peut être lue comme la conclusion de l'anecdote racontée par Montaigne : les Espagnols, qui pensaient pouvoir subjuguer les Indiens, se sont violemment fait envoyer promener par ceux-ci, qui ne sont pas si naïfs et maîtrisent mieux la rhétorique qu'ils ne le croyaient. Conclusion : partout où les Espagnols se sont heurtés à une résistance, ils n'ont pas cherché à s'installer même s'ils y trouvaient des avantages. Du moins c'est comme ça que je le comprends.
- PhilomèleNiveau 9
Pour compléter la paraphase de Ryuzaki (à laquelle je souscris) : "témoin mes Cannibales" est effectivement l'équivalent d'une note de bas de page, "cf. livre I, chap. XXX ou XXXI selon les éditions". Le renvoi ne porte pas sur le conflit avec les Espagnols mais sur la phrase qui précède immédiatement celle que tu cites : "Voylà un exemple de la balbucie de cette enfance". Phrase ironique, pour laquelle Montaigne renvoie de façon générale à son développement sur les Indiens du Nouveau Monde. La "naïveté originelle" des Indiens n'est pas incompatible avec un jugement acéré, ce qu'il a montré dans "Des Cannibales".
- yranohHabitué du forum
Merci pour vos réponses éclairantes. Je m'étais pourtant dit qu'il y avait un rapport avec le passage sur la bravoure de Socrate au début du chapitre ! Je nuance ton interprétation, Ryuzaki :
"les Espagnols, qui pensaient pouvoir subjuguer les Indiens, se sont violemment fait envoyer promener par ceux-ci, qui ne sont pas si naïfs et maîtrisent mieux la rhétorique qu'ils ne le croyaient. Conclusion : partout où les Espagnols se sont heurtés à une résistance et où il n'y avait pas d'or, ils n'ont pas cherché à s'installer même s'ils y trouvaient d'autres avantages."
Je comprends que la résolution des Indiens repousse les Espagnols quand ceux-ci ne voient pas un assez grand avantage à l'affronter. Car les Espagnols peuvent se servir sans rencontrer de solides résistances.
Pour la référence aux Cannibales, est-ce qu'il s'agit de dire, dans la phrase précédente, que ce peuple était loin d'être le seul à agir ainsi ? Cela signifie alors que la phrase précédente concerne d'abord les Indiens, pas les Espagnols. Ou bien est-ce que cet enjambement de phrase est une tournure qui se rencontre ailleurs ?
"les Espagnols, qui pensaient pouvoir subjuguer les Indiens, se sont violemment fait envoyer promener par ceux-ci, qui ne sont pas si naïfs et maîtrisent mieux la rhétorique qu'ils ne le croyaient. Conclusion : partout où les Espagnols se sont heurtés à une résistance et où il n'y avait pas d'or, ils n'ont pas cherché à s'installer même s'ils y trouvaient d'autres avantages."
Je comprends que la résolution des Indiens repousse les Espagnols quand ceux-ci ne voient pas un assez grand avantage à l'affronter. Car les Espagnols peuvent se servir sans rencontrer de solides résistances.
Pour la référence aux Cannibales, est-ce qu'il s'agit de dire, dans la phrase précédente, que ce peuple était loin d'être le seul à agir ainsi ? Cela signifie alors que la phrase précédente concerne d'abord les Indiens, pas les Espagnols. Ou bien est-ce que cet enjambement de phrase est une tournure qui se rencontre ailleurs ?
- yranohHabitué du forum
Autre question. Êtes-vous d'accord pour dire que le requerimiento n'attend normalement pas de réponse, mais qu'il s'agit d'une espèce de fiction juridique ? Il s'agit bien d'un discours dont l'efficacité est de légitimer l'action des Espagnols, quelque chose d'assez proche des déclarations de guerre romaines ?
J'exagère mais, savez-vous pourquoi Montaigne emploie le terme de "remontrances" ?J'ai cherché dans des dictionnaires de la Renaissance, je n'arrive pas à trouver un sens qui semble correspondre à cet emploi.
J'exagère mais, savez-vous pourquoi Montaigne emploie le terme de "remontrances" ?J'ai cherché dans des dictionnaires de la Renaissance, je n'arrive pas à trouver un sens qui semble correspondre à cet emploi.
- User5899Demi-dieu
J'ai la flemme de chercher. Il a vraiment écrit "eut" ?yranoh a écrit:quelque autre commodité qu'il y eut
- PhilomèleNiveau 9
yranoh a écrit:Autre question. Êtes-vous d'accord pour dire que le requerimiento n'attend normalement pas de réponse, mais qu'il s'agit d'une espèce de fiction juridique ? Il s'agit bien d'un discours dont l'efficacité est de légitimer l'action des Espagnols, quelque chose d'assez proche des déclarations de guerre romaines ?
J'exagère mais, savez-vous pourquoi Montaigne emploie le terme de "remontrances" ?J'ai cherché dans des dictionnaires de la Renaissance, je n'arrive pas à trouver qui semble correspondre à cet emploi.
Pour "remontrance", l'éd. folio (Naya) donne "déclarations". Le dictionnaire français-anglais de Cottgrave (1611) indique "warning, admonition, reasons giuen, or shewed". Le mot n'a pas de nuance de reproche, à la différence du sens moderne. Envisager le mot comme un terme juridique, Montaigne soulignant ironiquement la parodie de droit de la part des Espagnols. Les formes juridico-politiques dissimulent mal le coup de force réel de la part des colons.
En reprenant le texte dans l'ensemble du chapitre, je modifierais la lecture de la phrase que tu cites dans ton premier post : "ni à cet endroit, ni à d'autres où les Espagnols ne trouvèrent pas ce qu'ils cherchaient, les Indiens n'essayèrent pas d'arrêter (l'avancée) des Espagnols, malgré leur avantage. Voir mes Cannibales." (sous-entendu : qui n'attaquaient pas les étrangers). Je rétracte donc mon message précédent : "témoins mes Cannibales" se rapporte bien à ce qui précède immédiatement.
- PhilomèleNiveau 9
Cripure a écrit:J'ai la flemme de chercher. Il a vraiment écrit "eut" ?yranoh a écrit:quelque autre commodité qu'il y eut
J'ai le texte sous les yeux : graphie XVIe "qu'il y eust" / graphie 2009 "qu'il y eût".
- RogerMartinBon génie
Dans mon édition en français modernisé, "eût".
J'ai aussi une note "tant y a" = "le fait est que".
EDIT pour moi, la phrase veut dire "les Espagnols ne s'arrêtaient que lorsqu'ils rencontraient la seule marchandise qu'il recherchaient, sans aucune considération pour les autres ressources disponibles, cf. mon chapitre sur les Cannibales"
J'ai aussi une note "tant y a" = "le fait est que".
EDIT pour moi, la phrase veut dire "les Espagnols ne s'arrêtaient que lorsqu'ils rencontraient la seule marchandise qu'il recherchaient, sans aucune considération pour les autres ressources disponibles, cf. mon chapitre sur les Cannibales"
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- yranohHabitué du forum
"qu'il y eût" aussi dans mon édition (La Pochothèque). J'ai fait un copier-coller sans faire bien attention.
Je pense comme RogerMartin, que "ils ne firent arrêt ni entreprise" fait référence aux Espagnols. L'explication que vous donnez, Philomèle, de la référence aux Cannibales ne me semble pas pertinente : les cannibales n'attaquaient pas les étrangers (ceux qui sont derrière la montagne) quand ils restent sur leur territoire. Il n'est pas dit qu'ils ne se défendent pas quand on vient sur le leur. Dans l'ensemble du chapitre, il me semble que la phrase peut faire écho au passage où Socrate écarte toute tentative de l'attaquer par la simple détermination qu'il manifeste lors de sa fuite même à ne pas se laisser attaquer sans risposte. Mais j'avoue que j'ai du mal à bien cerner l'unité du chapitre. Et il reste que la référence aux Cannibales, dans ce cas, est syntaxiquement étrange (votre première interprétation).
Ce que c'est que de devoir préparer un texte qu'on n'a pas choisi...
Merci beaucoup pour votre aide.
Je pense comme RogerMartin, que "ils ne firent arrêt ni entreprise" fait référence aux Espagnols. L'explication que vous donnez, Philomèle, de la référence aux Cannibales ne me semble pas pertinente : les cannibales n'attaquaient pas les étrangers (ceux qui sont derrière la montagne) quand ils restent sur leur territoire. Il n'est pas dit qu'ils ne se défendent pas quand on vient sur le leur. Dans l'ensemble du chapitre, il me semble que la phrase peut faire écho au passage où Socrate écarte toute tentative de l'attaquer par la simple détermination qu'il manifeste lors de sa fuite même à ne pas se laisser attaquer sans risposte. Mais j'avoue que j'ai du mal à bien cerner l'unité du chapitre. Et il reste que la référence aux Cannibales, dans ce cas, est syntaxiquement étrange (votre première interprétation).
Ce que c'est que de devoir préparer un texte qu'on n'a pas choisi...
Merci beaucoup pour votre aide.
- yranohHabitué du forum
Je rebondis.
Ne peut-on pas penser que "quelque autre commodité qu'il y eût" soit ironique, et qu'il s'agit en fait des difficultés qui leur sont opposées ? Ainsi se comprendrait très bien la référence aux cannibales (en fait, simplement à leur cannibalisme). Je trouve que cette interprétation est plus en accord avec le ton général du texte (assez drôle).
Ne peut-on pas penser que "quelque autre commodité qu'il y eût" soit ironique, et qu'il s'agit en fait des difficultés qui leur sont opposées ? Ainsi se comprendrait très bien la référence aux cannibales (en fait, simplement à leur cannibalisme). Je trouve que cette interprétation est plus en accord avec le ton général du texte (assez drôle).
- RogerMartinBon génie
Non, pas du tout, ça me paraît même astucieux de lire commodités comme une pique. Mais je n'ai pas travaillé Montaigne depuis les années 90, je suis loin d'être une experte
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- RogerMartinBon génie
Ah, une note de bas de page, qui fait le lien avec les fameux cannibales, épargnés par les Espagnols parce qu'ils n'avaient pas accumulé de métaux précieux -- est-ce que cela vous paraît correct ?
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- yranohHabitué du forum
Merci Roger Martin, j'ai lu le chapitre trop vite, je n'ai pas vu ce passage. C'est la meilleure interprétation, alors.
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